
Titre original: | Louise Wimmer |
Réalisateur: | Cyril Mennegun |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 80 minutes |
Date: | 04 janvier 2012 |
Note: | |
Elle est divorcée. Elle est criblée de dettes. Elle vit dans sa voiture et attend depuis des mois un logement social. Elle travaille en temps partiel comme femme de ménage dans un hôtel. Louise Wimmer est arrivée en bas de l’échelle sociale, et pourtant, elle tente de tenir la tête haute.
Critique de Tootpadu
La misère en France a beaucoup de visages. Derrière les statistiques invariablement déprimantes, mois après mois, se cachent des histoires individuelles d’hommes et de femmes que la précarité matérielle et affective achève à petit feu. Le cinéma, ce média d’évasion par excellence de la morosité ambiante, ne fait guère attention aux laissés-pour-compte d’une civilisation, qui n’a jamais vraiment su, ni voulu, abolir la pauvreté, alors qu’elle en aurait largement eu les moyens à différents moments de son Histoire. Au mieux, le malheur des uns sert de prétexte à la mise en valeur des actes édifiants des autres, ces bienfaiteurs altruistes de l’humanité que le cinéma hollywoodien se complaît à célébrer périodiquement, à moins qu’il ne s’égare carrément dans un conte social sirupeux comme A la recherche du bonheur de Gabriele Muccino. Regarder le désarroi et la honte des démunis en face, peu de réalisateurs ont osé le faire jusqu’à présent, par peur de tomber dans le misérabilisme sans doute, ou pire encore, à cause de cette certitude commercialement tordue qui veut que pareille histoire grave n’attire jamais les foules.
Evoquer le sort d’une femme seule et au fond du trou, mais pas encore totalement désespérée, était donc un pari plutôt osé pour un premier film, que le réalisateur Cyril Mennegun relève haut la main. Louise Wimmer se débat avec la force de caractère qui lui est restée, après une vie d’adulte que l’on suppose mouvementée, pour garder ce petit peu de dignité, qui lui permettra de rebondir in extremis, quand son avenir se profilera sous de meilleurs
auspices. Elle n’est pas alcoolique et elle ne fait pas la pute, mais son quotidien terne, rythmé par des nuits passées dans sa voiture sur des parkings mal famés, des matinées au travail qui ne lui offre aucune perspective, et l’après-midi chez l’assistante sociale ou au bar du coin où elle a su préserver un minimum d’ancrage social, cette vie en marge d’une société dont elle n’attend plus rien constitue l’avant-garde de la déchéance la plus crue.
Pour l’instant, cette femme marquée au fer rouge de l’exclusion avance la tête baissée, volant un repas par ci et un peu d’essence par là, veillant à sa propreté corporelle en prenant des douches à la sauvette. Ce n’est nullement une sainte qui se morfondrait dans l’abnégation, ni une pauvre malheureuse qui ne comprendrait pas ce qui lui est arrivé pour tomber aussi bas. Tel qu’elle est jouée par Corinne Masiero, c’est-à-dire avec vigueur et sensibilité, avec hargne et résignation, Louise sait très bien pourquoi elle en est là où elle se trouve à l’instant présent. Elle ne s’en plaint pas, mais elle est constamment à deux doigts de craquer sous la pression d’une vie sans aisance et sans joie. Un détail comme le bon fonctionnement de son vieux break risque ainsi de faire s’écrouler le château de cartes de son existence en sursis et calculée au centime d’euro près, à l’instar de la perte du logement et de la pause estivale qui ont été fatales au protagoniste de L’Homme qui marche de Aurélia Georges, qui peut être considéré en quelque sorte comme le pendant masculin de cette Louise Wimmer étonnamment et agréablement pudique, tout au moins d’un point de vue moral.
Vu le 23 novembre 2011, au Club de l'Etoile
Note de Tootpadu: