Blackthorn

Blackthorn
Titre original:Blackthorn
Réalisateur:Mateo Gil
Sortie:Cinéma
Durée:102 minutes
Date:31 août 2011
Note:
Selon l’histoire officielle, Butch Cassidy est mort en même temps que le Sundance Kid lors de la charge de l’armée bolivienne contre leur refuge en 1908. En réalité, ce hors-la-loi mythique a réussi à s’enfuir et vit depuis vingt ans, sous le nom de James Blackthorn, sur une petite ferme dans les montagnes, où il élève tranquillement des chevaux. L’annonce de la mort à San Francisco de son ancienne compagne, qui laisse un fils derrière elle, le pousse à mettre un terme à son existence clandestine en Bolivie et à retourner aux Etats-Unis. Sur le chemin du retour de la ville, où il a vendu ses chevaux, il tombe sur Eduardo Apocada, un jeune ingénieur espagnol poursuivi par la milice d’un riche propriétaire de mines, à qui il a volé 50 000 dollars. Blackthorn accepte de l’aider, en échange de la moitié du butin.

Critique de Tootpadu

Le western est moribond. Il n’y a même rien d’exagéré, ni d’orignal, à écrire que ce genre est carrément mort, contrairement à son confrère poussiéreux, la comédie musicale, qui vit une renaissance plus que laborieuse ces derniers temps. Après sa grande époque jusque dans les années 1960 et un chant de cygne entonné dans les règles de l’art pendant la décennie suivante, cette carcasse cinématographique n’avait plus donné signe de vie que pendant une très courte période au début des années 1990, grâce au travail de Clint Eastwood et de Kevin Costner, ses ultimes parrains. Depuis, tout ce que l’on voit, ce sont des pastiches plus ou moins réussis, qui ne tentent même plus de rétablir la vivacité et la gloire d’antan. Dans un tel contexte désolant, cet été fait en quelque sorte figure d’exception, pas à cause du spectacle hollywoodien Cowboys et envahisseurs de Jon Favreau, qui procédera probablement d’une manière opportuniste au démantèlement de l’héritage du western en l’associant à un déluge d’effets spéciaux, mais parce qu’au début et à la fin de cette saison le calendrier des sorties françaises nous réserve deux œuvres comparables. Celles-ci reviennent chacune à sa façon sur le mythe de la conquête de l’ouest et les figures dressées en idole qui viennent avec.
Alors que le western était autrefois la chasse gardée des studios, voire la seule raison d’être d’un mini-studio comme Republic Pictures, et La Dernière piste de Kelly Reichardt, et cette production-ci principalement espagnole sont tout à fait indépendants. Les deux films emploient certes des acteurs américains emblématiques, comme Bruce Greenwood, Will Patton, et Paul Dano d’un côté, et Sam Shepard de l’autre, mais dans leur approche, ils s’écartent sensiblement du canon d’un western typique. A l’image du décor récurrent du désert, visuellement beau et humainement éprouvant, ils pourraient être considérés comme des films arides, appartenant à l’époque de la dissection d’un genre asséché à force d’être désuet. Le récit crépusculaire de Blackthorn se base en effet sur un ton résigné, dont la nostalgie manifeste, véhiculée par quelques retours en arrière plutôt bien intégrés, n’autorise aucun espoir quant au rétablissement de la gloire et de la réputation dont jouissait dans le passé Butch Cassidy.
Le vieil homme, interprété majestueusement mais sans pathos par Sam Shepard, se trouve au centre de l’histoire, sans que ce soit forcément lui qui mène le jeu. Par rapport à sa notoriété de voleur hardi, il est plutôt l’ombre de lui-même, tellement l’âge avancé et une existence sédentaire ont calmé sa fougue de criminel. Le fait d’avoir vu tant de ses amis disparaître avant lui ne l’a pas nécessairement rendu plus sage, mais ce deuil répétitif l’a enfoncé chaque fois un peu plus dans sa position de repli complet dans les montagnes boliviennes. Jamais un Robin des bois à l’américaine, Butch Cassidy est même devenu sur ses vieux jours un égoïste à l’instinct paternel tardif. Il s’associe à l’ingénieur espagnol autant par sympathie pour ce truand de pacotille – qui ne sait même pas rester en selle quelques jours sans s’abîmer le derrière – que par l’assurance qu’il s’agit là de sa dernière occasion de revivre le même degré de camaraderie que celui qui le liait auparavant au Sundance Kid. Quelle ironie du sort alors que cette dernière chance l’enfonce encore un peu plus dans l’oubli, voire dans la disgrâce d’avoir participé à une action infâme.
Le réalisateur Mateo Gil, connu surtout en tant que scénariste attitré d’Alejandro Amenabar, confère à cette histoire apocryphe une sobriété, qui sied parfaitement à cette tentative de démystification solide. Quelques maladresses narratives mises à part, le récit ne vise point l’impossible, c’est-à-dire la résurrection pure et simple d’un genre qui a ses meilleurs jours loin derrière lui, mais il embrasse au contraire cette notion jamais très plaisante du retardataire, que la mort a oublié de cueillir pour lui épargner une sortie de scène embarrassante.

Vu le 11 juillet 2011, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu: