Honneur d'un capitaine (L')

Honneur d'un capitaine (L')
Titre original:Honneur d'un capitaine (L')
Réalisateur:Pierre Schoendoerffer
Sortie:Cinéma
Durée:120 minutes
Date:29 septembre 1982
Note:
Lors d’un débat télévisé, le sociologue Paulet accuse le capitaine Marcel Caron, mort vingt ans plus tôt pendant la guerre d’Algérie, d’avoir été un assassin et un tortionnaire. La veuve Patricia le traîne en justice pour diffamation, malgré l’avis défavorable de son oncle, le bâtonnier, et de l’armée, qui ne souhaitent pas remuer le souvenir d’une guerre infâme. L’honneur du capitaine Caron pourra-t-il alors être rétabli à travers les témoignages au cours du procès, qui revient sur les dix-huit jours de son commandement avant sa mort ?

Critique de Tootpadu

Le réalisateur Pierre Schoendoerffer n’en démord toujours pas de la sainte trinité des guerres françaises du milieu du siècle dernier (Seconde Guerre mondiale, Indochine, Algérie), dont il s’était déjà fait le chroniquer avisé dans ses films précédents, d’une manière partielle (La 317ème section) ou plus globale (Le Crabe-tambour). Dans ce drame judiciaire, il s’emploie même à démontrer à quel point la guerre est une entreprise humaine dépourvue d’honneur, où les dommages collatéraux finissent forcément par corrompre les hommes les plus valeureux. Cette thèse contient certes sa part de vérité indéniable, mais la façon dont elle est exprimée ici d’un point de vue filmique ne soulève guère notre enthousiasme.
Pour commencer, l’enjeu de L’Honneur d’un capitaine paraît quelque peu tiré par les cheveux, comme l’acharnement avec lequel Patricia poursuit sa croisade de blanchiment de la réputation de feu son mari devant les tribunaux. Cette indifférence par rapport au prétexte de l’intrigue devient encore plus flagrante, quand le verdict n’est même pas montré à l’écran, au profit d’une balade finale au bord de la mer, dont la conclusion est à peine plus satisfaisante que ne l’aurait été une condamnation ou un acquittement argumenté, inclus dans le récit. La question de la culpabilité individuelle ne préoccupe en effet Pierre Schoendoerffer qu’en tant qu’élément périphérique du sujet plus vaste de l’impossibilité de préserver l’innocence ou une conscience pure en temps de guerre.
Les points qu’il soulève ont tous, à des degrés variables, leur validité, mais leur présentation cinématographique laisse pour le moins à désirer. Après une exposition plutôt longue, la narration suit sans la moindre ingéniosité dans la structure ou le rythme les deux dernières semaines de la vie du capitaine Caron, par le biais des témoignages de ses subordonnés pendant le procès. Le traitement approfondi de Patricia, interprétée avec la froideur habituelle par Nicole Garcia, au début du film paraît logique, puisque cette femme opère comme une porte d’accès pour le spectateur au monde fermé de l’armée et qu’elle prend au mieux le rôle d’un figurant pendant toute la procédure judiciaire, avant de revenir une dernière fois sur le devant de la scène lors de l’épilogue. Mais cette entrée en la matière est pesante, alambiquée même, et ne fait augurer rien de transcendant pour la suite.
Dans le cadre très restrictif du film de procès, le scénario brille parfois par des observations lucides sur le fonctionnement de l’armée ou la nature de la guerre, avec toute sa cruauté et son inutilité. A force de vouloir satisfaire les deux côtés de la plaidoirie – celui qui considère qu’il doit rester au moins un zeste d’honneur et d’héroïsme même dans les chapitres les plus sombres d’une guerre injuste et celui qui juge tout cela une bien sale affaire –, le propos du film a hélas tendance à s’égarer et à perdre de vue l’essentiel : l’urgence en situation de combat qui privilégie l’instinct de survie au détriment de considérations plus nobles. Il n’y a pas à douter du rapport ambigu, fait simultanément de fascination et de dégoût, que Pierre Schoendoerffer entretient avec la guerre. Ce film-ci n’apporte par contre qu’une pierre assez creuse à son édifice personnel de la mise en cause, virulente au moins dans l’intention, des conflits armés, célébrés trop souvent comme des heures de gloire nationale par la mémoire collective.

Vu le 21 mai 2011, à la Cinémathèque Française, Salle Henri Langlois

Note de Tootpadu: