J'ai rencontré le diable

J'ai rencontré le diable
Titre original:J'ai rencontré le diable
Réalisateur:Kim Jee-woon
Sortie:Cinéma
Durée:141 minutes
Date:06 juillet 2011
Note:
L’agent secret Soohyun est fiancé depuis un mois, quand son couple est brutalement anéanti. Sa compagne est retrouvée morte dans un fleuve, découpée en plusieurs morceaux. Profondément attristé par cette perte douloureuse, Soohyun jure de trouver l’assassin et de lui infliger une souffrance au moins aussi grande que celle que son amie a dû connaître. Son beau-père, le chef de police, le met sur la piste de quatre suspects, tous arrêtés dans le passé pour des faits semblables.

Critique de Tootpadu

Nous ne pouvons cacher notre joie d’avoir enfin découvert un film majeur dans la sélection de ce festival de Gérardmer ! Le réalisateur coréen Kim Jee-woon confirme avec son nouveau thriller crépusculaire tout le bien que nous pensions de lui, au plus tard depuis Le Bon, la brute, le cinglé. Il n’y a pas la moindre fausse note dans cette adaptation hardie du thème ancien de l’amant tragique qui devient un justicier impitoyable. Mieux encore, ce film passionnant nous confronte sans la moindre complaisance à des scènes éprouvantes, dont certaines sont d’une barbarie difficile à supporter, mais qui apportent toutes leur pierre à l’édifice bouleversant de la descente aux enfers d’un héros de moins en moins moralement irréprochable.
Au fur et à mesure que Soohyun devient lui-même un monstre aussi abject que sa cible, la justification de ses actes s’opère avec une difficulté croissante. Alors que la plupart des histoires de vengeance – où des citoyens ordinaires prennent les armes pour se faire justice eux-mêmes – fonctionnent selon la règle d’une surenchère de la violence clairement établie, ce sont l’usure et la répétition qui priment ici. Le protagoniste a très tôt l’opportunité d’éliminer celui qui l’a privé de son être le plus cher. Au lieu d’assouvir d’un seul coup sa soif de vengeance, il ne fait qu’entamer une succession de mutilations et d’affrontements sanglants, à mi-chemin entre un sadisme passablement pervers et la célébration étrangement jubilatoire de la supériorité de Soohyun.
Or, c’est justement cette dernière qui est démentie avec une malice fascinante tout au long du film. Du futur mari modèle de la première séquence, qui se met à l’écart pour que ses collègues ne l’entendent pas chanter pour sa fiancée, au meurtrier sans scrupules de la dernière, capable d’imaginer un dispositif aussi machiavélique que ceux de son adversaire pour achever son plan sur un coup d’éclat, le personnage subit une transformation morale et sociale complète. La mise en scène magistrale de Kim Jee-woon en ponctue chaque étape avec une virtuosité narrative exemplaire.
Cette trajectoire vers une perdition irrémédiable, elle paraît quasiment inévitable dans un univers filmique peuplé d’assassins abominables et de proies faciles. Ce n’est pas depuis Seven de David Fincher qu’une orgie de meurtres et de violence a été exprimée avec une telle noirceur et un tel goût perfide pour le désespoir. Sauf que le fil de l’action suit un cheminement encore plus pessimiste ici, puisque l’acte censé apporter la libération du poids qui pèse sur le cœur du mari et futur père meurtri est étendu en long et en large, sans que cet acharnement ne procure le résultat escompté.
En tout cas, pour le spectateur la rétribution est assurée, puisque J’ai rencontré le diable souligne avec maestria la bonne santé du cinéma de genre coréen !

Vu le 29 janvier 2011, à l’Espace Lac, Gérardmer, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

S’il y a un film que l'on attendait de voir avec impatience lors du festival du cinéma fantastique de Gérardmer, c’est bien celui-ci. Les échos qui le devançaient étaient pour le moins flatteurs. Ce thriller sans concession, violent, caractérisé par l'affrontement, voire le jeu du chat et de la souris entre un policier intègre et un psychopathe cannibale, est une pure réussite. Le réalisateur qui avait déjà réussi à dynamiser le western (Le Bon, la brute, le cinglé) s'attache cette fois-ci à proposer un thriller efficace. Le soin qu'il apporte à son film se révèle par une direction d'acteurs brillante, un scénario très travaillé et par la création d’une atmosphère âpre.

L’affrontement entre les deux personnages principaux se rapproche plus dans sa forme d’un western moderne que d’un thriller classique. Il met surtout en scène le concept de la vengeance totale, où le prédateur devient victime et la proie un tueur sans âme. Nous ne sommes donc pas loin du classique Un justicier dans la ville dans lequel Charles Bronson nettoyait la ville de ses fléaux.

Il n'y a pas de recette miracle pour réaliser un excellent thriller, uniquement des éléments principaux à respecter, comme des acteurs convaincants, bien dirigés, et désireux de casser leur image. Choi Min-sink dans le rôle de See-youn en est l’exemple parfait. Il faut aussi un scénario aux fondations suffisamment solides pour retenir le souffle du spectateur tout au long. La durée du film est aussi importante et se doit d'être supérieure à cent-cinq minutes, afin de pouvoir exposer les personnages principaux et le cadre. Enfin, il faut un cadre typique à l'histoire contée. Chaque scène se doit donc de se dérouler dans des lieux bien définis. Le réalisateur aligne et magnifie tous ces éléments. On pense de ce fait à Seven de David Fincher.

Par sa violence et ses scènes marquantes (repas familial, affrontement dans un cabinet médical), ce film se rallie donc au thriller horrifique. Il a toute sa place dans la sélection officielle et les prix qu'il a remportés (prix de la critique, prix du jeune jury, prix du public) sont mérités. Espérons qu'il trouvera un distributeur car il se doit d'être découvert en salle.

Vu le 29 janvier 2011, à l’Espace Lac, Gérardmer, en VO

Note de Mulder: