Requiem pour une tueuse

Requiem pour une tueuse
Titre original:Requiem pour une tueuse
Réalisateur:Jérôme Le Gris
Sortie:Cinéma
Durée:92 minutes
Date:23 février 2011
Note:
Lucrèce est une jeune tueuse à gages, considérée à juste titre comme une des meilleures de sa profession. Pourtant, sa vie faite de mensonges lui pèse, surtout parce que ses contrats lucratifs l’éloignent de sa fille. Lorsqu’elle confie à son patron qu’elle veut tout arrêter, celui-ci se résigne à devoir lui confier un ultime contrat à hauts risques : éliminer le chanteur d’opéra Alexander Child au cours du festival d’Ermeux, en Suisse. Lucrèce s’y fera passer pour une chanteuse lyrique et devra précipiter la disparition accidentelle de sa cible, avant la première. Or, les services secrets français sont également sur l’affaire et dépêchent l’ancien agent Rico aux répétitions, où il est censé protéger Child et démasquer le tueur.

Critique de Tootpadu

Le premier film du réalisateur Jérôme Le Gris dispose de prime abord de tous les éléments d’un thriller hitchcockien. La prémisse du film, avec ses deux protagonistes atypiques, qui doutent sérieusement de leur vocation, au point d’être soit un déserteur réintégré de force, soit une professionnelle prête à abandonner son métier au sommet de sa gloire, s’écarte certes de la formule classique de l’homme ordinaire propulsé dans un tourbillon d’événements extraordinaires. Mais le ton et la tension narratifs de Requiem pour une tueuse placent ce film peut-être un peu trop facilement dans le voisinage des Enchaînés ou de La Main au collet, deux œuvres phares de la filmographie du maître du suspense.
L’histoire démarre donc comme d’habitude, avec une exposition dont la fonction principale consiste à démontrer l’ingéniosité et le sens de l’improvisation de Lucrèce, la femme fatale. Et puis, tout à coup sans crier gare, un petit grain de sable se plaît à détraquer cette mécanique si soigneusement copiée. La transformation de l’antagonisme entre la tueuse et le flic en un triangle fait de méfiance et de soupçons savoureux est sans doute ce qui a pu arriver de mieux à ce film autrement un peu trop sage à notre goût. Autour du personnage du directeur du festival, interprété avec une fébrilité désarmante par Xavier Gallais, les certitudes éclatent ainsi en mille morceaux. Ce qui n’était auparavant qu’une affaire d’initiés, avec deux routiniers du crime et de la loi carrément solidaires dans leur dégoût d’un style de vie mené en cachette, devient soudainement plus accessible. Ce dérèglement jubilatoire nous laisse même entr’apercevoir une multitude d’issues possibles, avant que le scénario ne nous ramène sur terre, en raison d’un niveau de trop de quiproquos et de fausses pistes.
Même si la narration s’avère plutôt maladroite dans la gestion temporelle de l’intrigue, notamment lors de l’introduction trop abrupte de la séquence des aveux à mi-mots au bord du lac et dans la perception globale du récit qui est supposé couvrir plusieurs semaines de répétitions, ce thriller solide n’a guère tendance à relâcher la tension. Nous ne nous sentons certes pas assez impliqués dans le sort du couple vedette pour que la finale en crescendo devienne une expérience aussi éprouvante que l’ont été les deux références très claires de cette opéra entrecoupée de meurtres, dans L’Homme qui en savait trop de Hitchcock – forcément – et dans Le Parrain 3ème partie de Francis Ford Coppola. Mais en tant que variation pas entièrement sérieuse d’un genre éprouvé jusqu’à la corde, ce premier film est suffisamment bien agencé pour nous divertir convenablement.

Vu le 1er décembre 2010, au Club Marbeuf

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Le mélange de genres permet souvent de pallier à la faiblesse d'un scénario et surtout de tenter de s'affranchir des diktats d'un genre trop limité. Ce film policier mélange avec brio les éléments traditionnels d'un film policier (femme fatale, flic incorruptible) et les éléments relatifs à la préparation d'un évènement culturel (répétitions, rivalités, relation amoureuse entre deux êtres que tout oppose).

Le rôle principal tenu par Mélanie Laurent est également une bonne surprise, car nous sentons que cette excellente comédienne s'est investie de nouveau totalement dans ce rôle. Ce film nous étonne également, car il réussit à casser l'image que cette comédienne s'est fait de film en film. La fragilité qu'elle dégageait dans des films comme Inglorious basterds ou Le Concert rompt totalement avec l'image de cette femme forte dont chaque mission est un engagement profond où l'échec est impossible. De la même manière, Clovis Cornillac montre que lorsqu'il est bien dirigé par un réalisateur,il se révèle être un comédien brillant, capable de faire passer le public des rires aux larmes. Enfin, Tcheky Karyo continue à s'imposer comme l'un des meilleurs seconds rôles du cinéma français et à s'investir dans des rôles lui permettant de créer des personnages tantôt excentriques, tantôt très originaux.

Le lieu où se passe l'action, soit un château en Suisse, rompt totalement avec les lieux se trouvant dans les polars traditionnels. Ce film, en limitant les lieux d'action, renforce donc son climat angoissant par l'austérité du lieu. C'est donc à un drame mortuaire que l’on assiste, aussi bien par cet opéra que nous regardons, que dans les coulisses et aux environs de la scène.

Le réalisateur réussit ainsi à pallier aux nombreuses faiblesses du scénario (manque de rebondissements, manque de rythme, manque de dialogues consistants) à la fois par l'interprétation émérite des acteurs précités et par l'attrait de ce lieu d'action et les répétitions nombreuses montrées dans ce film.

Cependant même avec un investissement profond de la mise en scène, les fondations de ce film, notamment le scénario, sont trop imparfaites pour retenir totalement toute mon attention.

Vu le 5 janvier 2011, au Club Marbeuf

Note de Mulder: