Enchaînés (Les)

Enchaînés (Les)
Titre original:Enchaînés (Les)
Réalisateur:Alfred Hitchcock
Sortie:Cinéma
Durée:102 minutes
Date:19 mars 1948
Note:
En 1946, John Huberman est condamné à vingt ans de prison par la cour de Floride pour haute trahison. Sa fille Alicia fait l'objet d'une étroite surveillance policière. Elle est finalement engagé par l'agent secret Devlin pour débusquer un réseau d'activistes nazis au Brésil. Alors qu'elle tombe amoureuse de Devlin, Alicia apprend la portée de sa mission : elle doit séduire Alexander Sebastian, une connaissance de son père et la tête présumée du réseau à Rio, et récolter des informations sur ses activités illicites.

Critique de Tootpadu

Remarquablement construit, ce film d'espionnage de l'après-guerre est une leçon exemplaire du style hitchcockien. Cette particularité est en même temps la limite la plus importante d'un film, qui devient de moins en moins intéressant à chaque vision. A force de voir le maître du suspense à l'oeuvre, nous découvrons les ficelles de son art. Cette connaissance trop approfondie devient surtout préjudiciable dans ses films dépourvus de niveaux de lecture quasiment inépuisables, tels ses chef-d'oeuvres des années 1950.
Les Enchaînés pâtit ainsi de l'évidence avec laquelle il développe ses histoires annexes. Comme d'habitude, l'intrigue policière au sens large n'est que le prétexte pour une étude plus viscérale des rapports entre les personnages. Sauf que l'histoire d'amour tortueuse entre Alicia et Devlin, le coeur vital du récit, n'occupe jamais une place satisfaisante au sein d'un scénario aussi ingénieux que laborieux. Truffée de bifurcations nées de la tourmente entre le désir et le devoir, la relation sentimentale n'arrive jamais tout à fait à prendre ses aises. Peut-être que les enjeux sont trop élevés ou que le calcul froid mine chaque sursaut émotionnel, mais toujours est-il que les deux tourtereaux se consument dans un réseau guère aéré de suspicions et de trahisons.
Evidemment, ces rapports tortueux et jamais très nets font partie intégrante de l'univers d'Alfred Hitchcock. Mais leur inclusion se fait d'une façon tellement didactique dans le cas présent, que leur évolution ne paraît à aucun moment organique. La domination sur le spectateur de la part du réalisateur prend des formes tellement voyantes ici, que notre plaisir immédiat et instinctif en est sensiblement diminué. Comme dans un condensé trop consciencieux des capacités de sa mise en scène, Hitchcock cherche à nous épater sans cesse, au lieu de veiller aux particularités du récit.
Tous les éléments d'un film typiquement hitchcockien sont présents dans Les Enchaînés, de la mère abusive au statut précaire de l'héroïne, en passant par quelques répliques douteuses d'hommes admirant d'autres hommes. Mais leur accumulation ne dépasse guère le stade d'une leçon de cinéma un peu pesante, surtout lorsque les quelques revirements de l'intrigue sont déjà connus, à cause de nos nombreux visionnages précédents.

Revu le 4 octobre 2008, au Mac Mahon, en VO

Note de Tootpadu: