Takers

Takers
Titre original:Takers
Réalisateur:John Luessenhop
Sortie:Cinéma
Durée:107 minutes
Date:24 novembre 2010
Note:
L’équipe de Gordon Cozier et de John Rahway vient de commettre le braquage parfait. Forts de ce succès et de la coquette somme qu’il leur a rapporté, ces criminels professionnels auraient de quoi faire profil bas pendant un certain temps. Leur ancien complice Ghost, fraîchement sorti de prison, leur propose cependant un coup lucratif, trop alléchant pour être ignoré. En même temps, l’inspecteur Jack Welles et son binôme Eddie Hatcher remontent la trace des braqueurs virtuoses, un indice à la fois.

Critique de Tootpadu

Au fil du temps, Heat de Michael Mann est devenu la référence du film policier moderne. Son enquête simultanément minutieuse et laborieuse, ses fusillades tonitruantes, et la cohésion de l’ensemble conséquent de ses personnages ont rendu obligatoire la comparaison avec ce petit chef-d’œuvre du film de genre pour quiconque prétend marcher sur ses plates-bandes. Certains réalisateurs lucides en ont emprunté les éléments les plus spectaculaires, comme Christopher Nolan et son braquage de banque qui ouvre le dernier Batman. D’autres, que l’on qualifierait plus volontairement de tâcherons, se servent de tous ces ingrédients comme s’ils faisaient leurs courses au supermarché : sans en comprendre le sens profond et surtout sans s’approprier réellement un vocabulaire filmique précis dans le but de l’enrichir.
L’intrigue de ce navet nauséabond est donc parfaitement calquée sur celle qui voyait Robert De Niro et Al Pacino s’affronter au sommet de leur art. La structure scénaristique rythmée par deux braquages majeurs y est aussi présente que les méthodes peu orthodoxes des forces de l’ordre et l’affrontement décisif à l’aéroport. Les points de comparaison susceptibles de valoriser Takers s’arrêtent par contre définitivement là, puisque tous les autres aspects du film ne nous ont inspiré que du dégoût et de l’incrédulité. Le côté le plus déconcertant du film est évidemment l’esthétique clinquante avec laquelle le réalisateur John Luessenhop souhaitait probablement positionner sa prétendue création dans la lignée de Michael Bay et de Tony Scott. Autant ces deux défenseurs incorrigibles d’un cinéma-clip sont au moins en mesure de soutenir une progression dramatique rudimentaire, autant la narration de ce film-ci se fourvoie irrémédiablement dans l’abandon de toutes les règles élémentaires du temps et de l’espace filmiques. Tandis que les premières minutes du film nous ont laissé craindre un interminable spot publicitaire, l’incohérence agaçante des choix formels ultérieurs n’est point faite pour nous rassurer, ni pour nous réconcilier avec une bouse filmique irrécupérable.
Du point le moins bâclé du film – le braquage d’un fourgon blindé et la course poursuite à pied qui s’ensuit – jusqu’à ses aberrations les plus pénibles, comme le jeu de Tip Harris dans le rôle de Ghost, en passant par toutes sortes de maladresses accablantes, strictement rien ne nous donne envie de nous investir dans la quête de l’argent facile des uns ou celle d’un semblant de justice des autres. Certes, la morale est à peu près sauve, puisque le sort du flic ripoux est scellé, dès que sa transgression du code déontologique de la police est avérée. Mais en même temps, la fin assez ouverte de ce point de vue-là ne nous procure pas la moindre satisfaction. De même, l’insistance avec laquelle pratiquement chaque personnage, aussi insignifiant soit-il, est affublé d’exactement un cliché en guise d’approfondissement de son arrière-plan social ne confère pas la moindre épaisseur au récit.
Tout ce qu’il nous reste en fin de compte, c’est l’impuissance de voir défiler une galerie d’acteurs et d’actrices, habituellement abonnés aux rôles de seconds couteaux et qui ont tous vu des jours meilleurs, dans un désastre filmique sans queue, ni tête. Quand le réalisateur pousse la référence à Michael Mann définitivement trop loin, par le biais du choix d’un morceau de Pieter Bourke et Lisa Gerrard pour noyer de la façon la plus pompeuse imaginable les coups de feu d’une fusillade sanglante, sa démarche iconoclaste ne mérite plus que notre mépris irrévocable et notre condamnation ferme.

Vu le 25 novembre 2010, au Publicis Cinémas, Salle 2, en VO

Note de Tootpadu: