Statue en or massif (La)

Statue en or massif (La)
Titre original:Statue en or massif (La)
Réalisateur:Russell Rouse
Sortie:Cinéma
Durée:104 minutes
Date:03 août 1966
Note:
L’acteur Frank Fane a dû attendre longtemps son heure de gloire. Après des débuts minables en province, il a été découvert à New York par la chercheuse de talents Sophie Cantaro. Sous contrat chez le puissant patron de studio Kenneth Regan, il a monté un à un les échelons de l’hiérarchie hollywoodienne. Alors que son étoile est sur le point de baisser, il est nommé à l’Oscar du Meilleur acteur. Conscient du potentiel que la statuette prestigieuse pourrait avoir pour sa carrière chancelante, Frank Fane fait tout son possible pour s’assurer des faveurs des votants.

Critique de Tootpadu

Pour savoir comment les choses se passent réellement à Hollywood, il suffit de regarder les films que la capitale du cinéma américain fait sur elle-même. Cet exercice suprême en nombrilisme peut produire – en tant qu’effet secondaire nullement désiré – des révélations peu flatteuses sur les véritables machinations qui ont lieu derrière les coulisses d’une industrie qui vit du faire semblant et du maintien d’un statu quo de plus en plus anachronique avec chaque année qui passe. Nous avons beau vivre une époque marquée par la médiatisation forcenée des moindres faits et gestes de célébrités plus ou moins légitimes, le fonctionnement intrinsèque de la mécanique hollywoodienne a su préserver largement son aura mythique. Rares ont été les réalisateurs en mesure de donner, par le biais de la satire, leur vision du monde fou qui les nourrit pourtant et qui fait surtout rêver tous les cinéastes en herbe qui n’y ont accès que comme simple touriste. Citons par exemple Robert Altman et l’excellent The Player ou bien, d’une manière à peine voilée et géographiquement déplacée, mais toujours aussi mordant dans la démystification du rêve américain, Showgirls de Paul Verhoeven.
Il serait injuste de ranger La Statue en or massif au même niveau que ces films majeurs, même si – sous réserve d’une copie sensiblement tronquée d’un quart d’heure – nous avons du mal à voir en quoi il ferait partie de ces ratages si aberrants qu’ils deviennent involontairement amusants. Il est certes difficile de prendre le côté mélodramatique de l’intrigue au sérieux et l’immense majorité des interprétations, Stephen Boyd et Tony Bennett en tête, saccage le peu de crédibilité dont les personnages disposaient, avant d’être déclassés en de banales caricatures. Mais c’est justement ce ton exacerbé qui apporte un semblant d’universalité à l’ascension et la déchéance d’un acteur avec beaucoup d’ambition, et peu de talent.
Quelque part en dessous d’une couche épaisse de répliques peu fines et de revirements à peine plus subtils, la face cachée de Hollywood pointe son vilain nez. Cet univers parallèle, bâti sur l’hypocrisie et le mensonge joliment enveloppé, on ne le voit pas souvent à l’écran qui est justement censé colporter l’illusion inhérente au cinéma et à sa fabrication. Les masques ne mettent pas longtemps avant de tomber, et chacun des participants à cette farce convenablement divertissante est mis à nu comme l’être humain hautement imparfait que nous sommes tous. L’antipathie devient donc rapidement un art ici, principalement à travers le protagoniste animé d’un égoïsme abject jusqu’à l’excès et puis par ses comparses dans cette quête insensée de la vanité, qui sont tous sans exception dépeints comme de minables profiteurs de son succès, tant qu’il dure.
Hollywood ne serait pas cette fabrique de rêves étincelants si elle ne s’adonnait pas sporadiquement à des écarts d’un masochisme plutôt savoureux. La course à l’Oscar, tel qu’elle est décrite dans ce film, a peut-être connu une croissance exponentielle, qui se traduit depuis des années par des campagnes de plus en plus longues, intenses, et peu cordiales. A l’état embryonnaire cependant, tous les éléments de cette saison hautement compétitive sont déjà présents dans ce film, qui n’a hélas pas l’ambition de les explorer au delà du cadre trivial du parcours exemplaire d’un acteur médiocre.

Vu le 13 novembre 2010, à la Cinémathèque Française, Salle Jean Epstein, en VO

Note de Tootpadu: