Showgirls

Showgirls
Titre original:Showgirls
Réalisateur:Paul Verhoeven
Sortie:Cinéma
Durée:126 minutes
Date:10 janvier 1996
Note:
Arrivée en stop à Las Vegas, la jeune et belle Nomi Malone se fait aussitôt dévaliser. Elle commence alors à danser dans un club de striptease, jusqu'à ce que, grâce à des relations, elle obtient une audition à l'hôtel Stardust. La voie du succès et de la célébrité s'ouvre dès lors à cette jeune femme ambitieuse.

Critique de Tootpadu

Le rêve américain, cette illusion faite de beaucoup de paillettes et de naïveté, n'a peut-être jamais été aussi sèchement, voire vicieusement, disséqué que dans ce film controversé du Hollandais Paul Verhoeven. Injustement décriée comme un navet sans pareil, cette histoire d'une ascension dans le milieu du spectacle est en fait un digne successeur d'Eve de Mankiewicz, avec tout ce qu'un demi-siècle d'évolutions culturelles a apporté de perversion et de vulgarité. Le ton tout au long du film est ainsi d'une dureté presque choquante dans le cadre d'une production hollywoodienne, d'une absence de poncifs qui feraient passer les éléments sans fard de l'intrigue. Et pourtant, en dépit de la bassesse des manoeuvres et des personnages entièrement perfectibles, il plane une aura de conte de fées maléfique sur tout le récit.
Le talent de Verhoeven se manifeste en effet dans l'arrangement de cette histoire aussi vieille que le monde, mais contée ici avec une froideur et un calcul intéressé hors pair. Sa narration opère très adroitement à plusieurs niveaux, laissant la couche la plus primaire, celle qui s'excite devant les corps de femme nue, presque de côté pour mieux développer son réseau diabolique de l'être et du paraître. A vrai dire, le spectateur ne dispose jamais de suffisamment d'informations pour réellement percer l'être des personnages. Le monde du spectacle oblige, tout un chacun avance en tâtonnant, en présentant une apparence qui le fera le plus progresser à ce moment précis. Dans cette grande masquerade, les valeurs sont depuis longtemps un carcan vide, brandi lorsque cela arrange par exemple la protagoniste, une sainte ni touche trompeuse, qui révèle probablement le mieux sa personnalité lorsqu'elle se défonce sur un autre pervers. De même, l'innocence est un idéal que certains poursuivent, mais que personne n'atteint dans une société régie par l'argent, la célébrité, et les plaisirs charnels.
L'échec commercial de ce film bien plus noir et profond qu'il ne paraît n'a rien de surprenant, tellement il se vautre dans une culture profondément pourrie qui tente par tous les moyens de projeter une image brillante. L'attitude très directe, essentiellement portée sur le cul, des personnages était probablement trop réaliste pour une société américaine qui cultive à toute heure la politique de la négation et du maintien des apparences respectables. En guise de preuve, nous n'avons pas connaissance d'un film aussi peu politiquement correct et aussi acide et impitoyable dans son commentaire social qui serait sorti des studios hollywoodiens depuis la sortie de ce pamphlet puissant il y a dix ans. Même le trublion Verhoeven s'était attaqué par la suite à des sujets plus modérés, surtout par leur cadre abstrait, issu de la science-fiction (Starship Troopers et L'Homme sans ombre). Comme quoi l'industrie du divertissement et du plaisir n'aime pas lorsqu'on lui tend la glace, surtout pas si elle renvoie un reflet aussi dévastateur.

Revu le 9 septembre 2005, en DVD, en VO
Revu le 12 octobre 2006, en DVD, en VO
Revu le 23 août 2010, en DVD, en VO

Note de Tootpadu: