Date limite

Date limite
Titre original:Date limite
Réalisateur:Todd Phillips
Sortie:Cinéma
Durée:95 minutes
Date:10 novembre 2010
Note:
L’architecte Peter Highman a hâte de rentrer rapidement d’Atlanta à Los Angeles, afin d’y assister à l’accouchement par césarienne de son premier enfant. Mais le jour de son départ, tout va de travers. Il manque de se faire écraser en descendant de sa limousine à l’aéroport et il est expulsé de l’avion pour avoir résisté aux instructions du personnel de sécurité. Pire encore, désormais interdit de vol et sans le sou, Peter ne sait pas comment rejoindre sa femme à l’autre bout du pays. Sa seule option paraît être le co-voiturage avec Ethan Tremblay, un acteur aspirant qui a rendez-vous avec un agent à Hollywood. Or, c’est à cause d’Ethan, une catastrophe ambulante, que Peter est dans le pétrin. Ce n’est donc qu’une question de temps, avant que ces deux hommes au tempérament diamétralement opposé ne s’entretuent pendant leur long voyage chaotique.

Critique de Tootpadu

Deux conceptions complémentaires de l’Amérique s’entrechoquent joliment dans la nouvelle comédie de Todd Phillips. D’un côté, nous avons l’homme d’affaires surmené, voire névrosé, qui personnifie en quelque sorte la grande majorité politiquement correcte de ses compatriotes, gêné quand il se rend compte d’avoir insulté un handicapé vétéran de guerre, mais en fin de compte détaché avec une nonchalance déconcertante de tout ce qui ne tourne pas autour de son propre nombril. Et de l’autre, la lie bête et insensible en tant que représentant d’une populace ignorante, qui dispose certes encore d’un vestige de cœur, mais qui demeure d’une passivité déconcertante à cause de ses croyances nébuleuses et de son état d’esprit baba cool. On pourrait extrapoler l’antagonisme entre ces deux individus gentiment caricaturaux en s’imaginant quel film ils iraient voir cette semaine, quelques jours avant la sortie de Date limite. Alors que Peter Highman est sans doute le genre de personne qui s’extasierait devant le thriller Fair game, en en analysant jusqu’à satiété les implications politiques, Ethan Tremblay correspond parfaitement – et en dépit de ses aspirations dramatiques, mises en évidence à travers une récitation pénible d’une réplique du Parrain – au public visé par Jackass 3D et son crétinisme assumé.
Le dispositif des deux compagnons mal assortis, au moins aussi vieux que L’Emmerdeur d’Edouard Molinario, est ici mis au service d’une intrigue étonnamment divertissante. L’humour bien gras sur lequel le réalisateur a bâti sa réputation et sa fortune y est naturellement présent, mais sans que les nombreuses références à la masturbation, au vomi, à la morbidité, et aux drogues ne nous choquent outre mesure. La vulgarité ostentatoire est visiblement rentrée dans les mœurs, depuis les premières incursions dans ce domaine peu appétissant par les frères Farrelly dans les années 1990, et nous sommes bien obligés de tenir compte de cette évolution, qui nous fait toujours aussi peu rire. Toutefois, les blagues outrancières qui pimentent le périple des deux personnages à la dérive forment une toile de fond plutôt astucieuse, sur laquelle des notions plus sincères, comme la camaraderie, voire l’amitié naissante, peuvent s’exprimer sans inhibition.
Car aussi étonnant que cela puisse paraître, Date limite contient un ou deux moments d’une humanité presque touchante, en contradiction avec le ton tendancieux qui rend les incidents rencontrés successivement sur la route si divertissants. Il serait exagéré d’y soupçonner une volonté naissante de la part de Todd Phillips de percer dans le registre plus délicat et exigeant du drame, ou tout au moins de la comédie dramatique. Il convient de prendre note cependant de l’aisance narrative avec laquelle le réalisateur passe de l’un à l’autre, en rendant à peu près crédible les deux extrêmes au fil de la séquence du Grand Canyon.
Enfin, si l’intrigue globalement prévisible du film, qui se solde sans surprise par une complicité un peu forcée, encore impensable au début, fonctionne aussi bien, cela est avant tout dû à l’engagement des comédiens, qui s’en donnent à cœur joie dans l’interprétation de leurs personnages hauts en couleur. Le jeu toujours un peu hautain et souverain de Robert Downey Jr. s’accommode ainsi très bien aux frasques sensiblement moins élaborées de Zach Galifianakis, confronté ici au casse-tête dramatique de devoir interpréter un mauvais acteur.

Vu le 3 novembre 2010, au Publicis Cinémas, Salle 1, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Todd Phillips s'impose une nouvelle fois comme un réalisateur capable de transcender le genre de la comédie qu'il maîtrise totalement, grâce à Back to school, Starsky et Hutch et surtout Very bad trip, pour en faire une œuvre propice à la réflexion. Après avoir brancardé l’événement majeur dans la vie d'un homme qu’est l'enterrement de vie de garçon, il s'attaque de nouveau à la relation entre des individus que tout oppose. Cette opposition est marquée par l'interprétation solide de Robert Downey Jr. (l'un des meilleurs acteurs hollywoodiens actuels) en homme à qui tout semble réussir – femme sublime (Michelle Monaghan) et réussite professionnelle – et par sa rencontre forcée avec un geek, acteur débutant. Dans ce rôle antagoniste Zach Galifianakis, qui retrouve ici le réalisateur une seconde fois, fait des merveilles. Les nombreuses répliques échangées par ces deux comédiens en pleine forme ont toutes de quoi devenir cultes ! De même, les différentes scènes sont tellement criantes de réalité, et en même temps totalement irrésistibles, que le spectateur passera un excellent moment de cinéma !

Réalisateur, producteur, et scénariste Todd Phillips tape pratiquement sur tout ce qui est sacré aux Etats-Unis : les héros de guerre, les handicapés, les enfants mal élevés, les compagnies aériennes, la police mexicaine, l'incinération, etc. Rares sont les comédies à différents niveaux de lecture et criantes de profondeur qui non seulement nous interpellent, mais réussissent à nous divertir intelligemment et à nous permettre une réflexion sur la réussite et notre équilibre personnel. Les deux personnages principaux, Ethan et Peter, sont complémentaires, car ils n'ont pas basé leur vie sur les mêmes critères et n'ont pas eu les mêmes chances à leur naissance. Nous sentons bien que le personnage d'Ethan – un vrai nerd, drogué (soi-disant pour raison médicale), et alcoolique – retient plus l'attention du réalisateur que le jeune cadre imbus de lui-même, irritable au possible, qui va apprendre beaucoup de cet homme et surtout voir la vie autrement par la suite. Leur rencontre permettra à chacun d'avancer dans sa vie et surtout de reprendre confiance en soi. Si Ethan réussit à incarner un rôle dans la série américaine la plus regardée, c'est qu'il a appris à être un meilleur acteur, grâce à l'aide de Peter (cf. la scène de répétition dans les toilettes de différentes conditions humaines).

Le fait que ce film soit un road-movie dans la grande tradition des films des années 1980, comme Midnight run, nous permet aussi de savourer les très beaux paysages de l'Ouest américain, comme le Grand Canyon qui n'a jamais été montré d’une façon aussi bouleversante. Cette scène, où Ethan répand les cendres de son père nous renvoie au moment le plus triste de notre vie, où le fait de perdre un proche et de lui témoigner un dernier hommage est marquant. Voir ces deux comédiens échanger avec un tel plaisir est très communicatif et nous montre que, lorsque tous les éléments sont bien présents (un excellent script, des acteurs se surpassant, un réalisateur audacieux), le cinéma américain est l’un des plus brillants actuellement. Certes, certains continueront à penser que la comédie est une sous-catégorie, loin de ces thrillers et films d’aventure, mais à mes yeux, pour échapper à nos petits tracas quotidiens, ce film est une réussite majeure !

Le découpage de ce film est d’une telle perfection que ce film se laisse voir sans les longueurs qui étaient assez nombreuses dans Very bad trip. Le réalisateur s’est donc remis en question, afin de dynamiser la comédie « made in US ». Il nous montre surtout à quel point Robert Downey Jr explose littéralement dans des rôles comiques à demi-teintes (voir récemment Tonnerre sous les tropiques). La fin ouverte du film nous laisse espérer une suite et c’est avec un plaisir coupable que je réponds un grand « oui ».

Une dernière petite annotation pour remercier l’excellent accueil du bureau de presse de la Warner et leur cadeau (la boite que transporte Ethan, une excellente idée marketing). Ce film, vu en version originale pour en apprécier toutes les subtilités, sera revu par mes soins lors de sa sortie, pour me replonger une nouvelle fois dans cette comédie sans faille.

Vu le 3 novembre 2010, au Publicis Cinémas, Salle 1, en VO

Note de Mulder: