Fair game

Fair game
Titre original:Fair game
Réalisateur:Doug Liman
Sortie:Cinéma
Durée:108 minutes
Date:03 novembre 2010
Note:
En automne 2001, le gouvernement américain cherche à savoir si l’Irak représente une menace nucléaire. L’agent secret Valerie Plame est chargée de la constitution d’un dossier, susceptible de justifier une intervention militaire. Sur sa recommandation, son mari Joseph Wilson est envoyé au Niger pour enquêter sur un éventuel trafic illégal de matières premières pour la construction d’une bombe atomique. Bien que Wilson n’ait trouvé strictement rien de suspect sur place, le gouvernement affirme que la menace est imminente et qu’il est désormais temps de partir en guerre. Lorsque Wilson contredit publiquement cette stratégie, preuves à l’appui, le statut d’agent secret de sa femme est révélé, mettant ainsi un point final brutal à sa carrière et aux opérations qu’elle menait sur le terrain.

Critique de Tootpadu

Dans ses trois derniers films, dont seul le premier chapitre de la trilogie Jason Bourne était à peu près réussi, le réalisateur Doug Liman a travaillé sur une expression filmique très directe de l’action. Que ce soit un agent secret devenu un redoutable électron libre, un couple de tueurs à gages, ou un jeune qui se découvre des pouvoirs de téléportation inouïs, les héros du volet hollywoodien de la carrière de Liman ne faisaient pas dans la dentelle. La passivité toute relative qui caractérise l’intrigue de son nouveau film, présenté en compétition au dernier festival de Cannes, dans lequel l’agent secret est condamné à l’inaction en raison de machinations politiques et médiatiques a priori trop subtiles pour être relayées par le vocabulaire cinématographique dopé au testostérone avec lequel le réalisateur avait plutôt tendance à nous agacer récemment, nous laisse par conséquent craindre le pire. Sans être le digne successeur des Hommes du président de Alan J. Pakula, Fair game s’acquitte néanmoins convenablement de la tâche de rendre l’affaire Valerie Plame, avec toutes ses bifurcations, plus palpitante à l’écran que dans la vraie vie.
La révélation de l’identité de l’ancien agent de la CIA avait certes fait grand bruit à l’époque, mais elle n’était au fond qu’une pièce dans le puzzle des aberrations commises à la Maison blanche pendant la présidence de George W. Bush. A première vue, il n’y a pas grand-chose de potentiellement porteur, en termes d’une adaptation filmique, dans cette campagne de dénigrement, qui a fini par être fatale à ses instigateurs supposés. Du coup, le scénario en a pris les quelques éléments clefs et les a intégrés dans la structure amplement éprouvée du drame conjugal autour d’un couple, mis à l’épreuve par des pressions venues de l’extérieur. La pauvreté de la vie professionnelle des deux personnages principaux, soit par obligation, soit parce que la seule raison d’être de Joseph Wilson paraît désormais être le blanchiment du nom de son épouse, est ainsi cachée assez adroitement derrière l’écran de fumée d’un acharnement exemplaire contre l’injustice et la fidélité tout aussi recommandable envers le code d’honneur des services secrets américains. Les tourments des réfugiés irakiens ajoutent en plus une touche d’investissement émotionnel, qui fait défaut aux querelles davantage intellectuelles des deux protagonistes. Enfin, les méchants presque caricaturaux de l’histoire sont confondus avec une facilité étonnante, qui ne s’embarrasse pas de tous les détails de l’affaire Scooter Libby, mais qui s’inscrit parfaitement dans la vision idéaliste de ce film, qui s’apparente parfois à de la propagande en faveur de la liberté d’expression.
Toutefois, la mise en scène solide de Doug Liman contourne avec une certaine élégance les imperfections scénaristiques de Fair game. Alors qu’il ne devient jamais tout à fait clair où l’intrigue veut en venir, le récit avance sur un rythme imperturbable, qui insuffle de l’énergie dans les affrontements stériles par journaux interposés, tout en conférant un aspect plus factuel aux activités à haut risque de Valerie Plame sur le terrain. Les interprétations convaincantes de Naomi Watts et de Sean Penn finissent par rendre le film engageant, même si le doute persiste quant à la pertinence de cette affaire mineure dans le cadre d’une accusation tardive des années Bush.
Comme dans le cas de Green zone de Paul Greengrass, sorti plus tôt cette année, nous avons l’impression d’assister ici à un pamphlet bien intentionné, mais finalement édenté dans sa démarche d’investigation, au lieu de voir enfin ces huit ans de misère démasqués pour ce qu’ils étaient réellement.

Vu le 10 septembre 2010, au Morny, Salle 1, Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Les thrillers réussis sont très peu nombreux et datent pour la plupart des années 1970 (Les Hommes du président, Les Trois jours du condor), voire des années plus récentes (Seven, L’œil du mal). La plupart d’entre eux témoignent d'une conspiration à grande échelle. Ce film s'impose comme une nouvelle pierre à l'édifice. Le sujet de ce film a dû être difficile à financer, étant donné qu'il attaque de plein front la Maison blanche et ses malversations. La guerre en Irak a été déclenchée suite à la présence supposée d'une arme atomique, alors que certains documents, qui n'ont pas été pris en compte, prouvaient que cette information était erronée.

Ce thriller relate donc ces événements en mettant en avant le journaliste qui a découvert cette information, le personnage de Joseph Wilson marié à une agent de la CIA. Naomi Watts et Sean Penn témoignent de nouveau que, lorsqu'ils sont bien dirigés, sont de grands comédiens. Leur bataille est instantanément la nôtre, car même s’ils savent qu'ils ne pourront pas affronter cette conspiration, ils devront se battre ensemble pour que leur cellule familiale puisse continuer à exister.

Ce film n'aurait pas pu être produit par un grand studio, car non seulement il est très documenté, mais surtout il ose raconter les faits sans fioriture, ni effet de style inutile. Après le réussi La Mémoire dans la peau et le moyennement convaincant Mr & Mrs Smith, Doug Liman trouve enfin la consécration de sa carrière en s'imposant comme un brillant réalisateur.

La scène de réconciliation entre Valerie et Joseph est d'une force, qui ne laissera personne insensible, car elle montre bien de quoi l'homme juste est capable pour sa moitié. Cette scène montre aussi, de la même manière que deux autres films présentés au festival du cinéma américain de Deauville, que Naomi Watts aura forcément un jour un Oscar.

Cependant, ce film réussi est par moments trop académique et souffre de quelques longueurs, faisant en sorte que certains spectateurs auront du mal à rentrer pleinement dans cette histoire. Reste que les autres aimeront voir plus de film de ce type, qui frappent et visent juste.

Vu le 10 septembre 2010, au Morny, Salle 1, Deauville, en VO

Note de Mulder: