Green zone

Green zone
Titre original:Green zone
Réalisateur:Paul Greengrass
Sortie:Cinéma
Durée:114 minutes
Date:14 avril 2010
Note:
En 2003, quelques semaines après l'invasion américaine en Irak, l'armée est frénétiquement à la recherche des armes de destruction massive, dont la présence supposée sur le sol irakien avait justifié la guerre aux yeux de la communauté internationale. Le commandant Miller est en charge d'une unité, qui doit inspecter les sites suspects, dont la liste confidentielle a été fournie aux autorités américaines par une source d'informations tenue secrète. Mais à force de faire chou blanc, Miller s'interroge sérieusement sur la véracité des données qu'il reçoit de ses supérieurs. Mis sur la piste d'une réunion des anciens dignitaires du régime de Saddam Hussein, Miller croit y apercevoir le général Al Rawi, le seul homme capable de dissiper les doutes de plus en plus fondés sur sa mission.

Critique de Tootpadu

La guerre en Irak est loin d'être terminée. Les troupes américaines ont beau envisager un retrait prochain, grâce au changement de stratégie sous la présidence Obama, le champ de bataille d'un pays en état de guerre civile qu'elles laissent derrière elles ne leur permettra nullement de considérer leur mission comme un succès, et encore moins comme une victoire contre un adversaire depuis toujours imaginaire. Il fallait être présent en 2003, en cette période marquée par l'hystérie et la paranoïa après les attentats du 11 septembre, pour comprendre ne serait-ce que partiellement le raisonnement sur lequel était basé l'invasion de l'Irak. Pour les observateurs les plus crédules de cette affaire aux conséquences néfastes, parmi lesquels on ne comptait heureusement pas les mastodontes européens la France et l'Allemagne, le prétexte de la présence d'armes de destruction massive était suffisant pour déclencher une guerre aux motivations cachées infiniment plus mercantiles. Le complot a été bien entendu dévoilé entre-temps, sans que cette révélation n'ait cependant changé quoique ce soit d'essentiel à l'issue de cette magouille. Même si les événements d'il y a sept ans appartiennent dès lors à l'Histoire, il faudra sans doute un recul plus important dans le temps pour en comprendre toutes les ramifications sinistres.
La prémisse de cette suite au sens très large à Vol 93 du même réalisateur, qui n'a par contre strictement rien à voir avec la trilogie Jason Bourne, en dépit de sa campagne de promotion douteuse, est donc tributaire d'un état d'esprit, qui reflète en fin de compte un laps de temps plutôt réduit, au cours duquel l'information erronée sur une menace irakienne pouvait éventuellement être considérée comme crédible. D'où une redondance assez peu flatteuse pour le combat héroïque du protagoniste valeureux, qui met tout en oeuvre pour aboutir à une certitude que le spectateur a déjà acquise depuis longtemps, avant même de s'immerger dans ce film malgré tout intense. Probablement pour rattraper cette lacune scénaristique majeure, Green zone accentue parfois outrageusement le côté aventurier de l'entreprise, qui laisse remonter à la surface des relents longtemps enfouis au cinéma sur la responsabilité des Etats-Unis d'agir en tant que police, ou plutôt cow-boy, de la planète.
En même temps, le volet sur l'interventionnisme prôné par les Américains s'inscrit dans un projet global plus conséquent, qui cherche d'une certaine façon à inclure tous les tenants et les aboutissants de l'engagement en Irak dans un film, qui est destiné, rien que par rapport à son budget important, à un public le plus grand possible. Alors que Paul Greengrass prêche aux convertis en Europe, son discours sur l'aveuglement américain aurait pu faire l'effet d'une bombe outre-Atlantique, si seulement assez de spectateurs s'y étaient soumis aux Etats-Unis. Car Green zone est peut-être le film de guerre américain le plus anti-américain depuis longtemps, mettant subtilement, mais fermement, en doute la philosophie de la supériorité des idéaux américains.
Contrairement à la neutralité du guère plus populaire Démineurs de Kathryn Bigelow, le ton de ce film-ci n'évite point les prises de position partisanes. Tout le monde passe ainsi dans le collimateur du réalisateur Paul Greengrass et de son scénariste Brian Helgeland, à commencer par la presse, dont la connivence dans la transmission d'informations aucunement vérifiées était pour beaucoup dans la guerre des mots qui avait fait rage avant l'invasion physique. Il en résulte un film agréablement complexe et aux facettes multiples, bien plus diversifiées que l'esthétique nerveuse par laquelle jure exclusivement Paul Greengrass. Mais en même temps, l'intelligence avec laquelle ce dernier aborde le sujet ne trouve pas toujours une prise convaincante, lorsqu'il s'agit de jongler simultanément avec la condamnation de la présence américaine en Irak, sournoisement explicitée dans le dernier plan, qui voit le convoi passer à côté d'une raffinerie sur fond de la bande originale peut-être trop agressive de John Powell, et avec les exigences d'un film de guerre conventionnel, qui maintient le statu quo de l'homme en uniforme comme défenseur sans peur et sans défauts des valeurs de la patrie.

Vu le 20 avril 2010, à l'UGC George V, Salle 2, en VO

Note de Tootpadu: