Winter's bone

Winter's bone
Titre original:Winter's bone
Réalisateur:Debra Granik
Sortie:Cinéma
Durée:100 minutes
Date:02 mars 2011
Note:
A 17 ans, Ree Dolly doit déjà porter la responsabilité pour toute sa famille sur ses jeunes épaules. Sa mère souffre d’une maladie des nerfs chronique et son frère et sa sœur n’ont pas encore l’âge d’être autonomes. Quant à son père Jessup, il a disparu depuis des semaines sans laisser de trace. Cette absence n’inquièterait pas particulièrement Ree, si ce n’était que son père est censé comparaître devant la justice dans quelques jours pour une histoire de drogues. Il a laissé la maison familiale en caution et Ree part donc à sa recherche pour ne pas se retrouver dans la rue. Les habitants de la petite bourgade dans les montagnes du Missouri où elle vit ne font rien pour lui faciliter la tâche.

Critique de Tootpadu

Le deuxième film de la réalisatrice Debra Granik est tellement proche de la structure dramatique d’un western qu’il aurait très facilement pu appartenir à ce genre, si son action s’était déroulée un siècle ou deux plus tôt. En même temps, la mentalité des personnages au fin fond de la campagne américaine ne semble pas avoir tellement évolué depuis cette époque ancienne, vu qu’elle se base toujours sur la loi du silence et une définition archaïque de l’honneur. Seuls le courage et la détermination de la jeune héroïne réussissent à bousculer ce microcosme social isolé et renfermé, où les femmes tiennent une position assez particulière. Le point de vue féminin transparaît en effet tout au long de Winter’s bone, sans que ce parti pris scénaristique et de la mise en scène ne diminue l’impact émotionnel de ce film remarquable.
Loin de tout misérabilisme ou d’une attitude condescendante envers la jeune femme au centre de l’intrigue calme mais pas pour autant moins dévastatrice qu’une histoire qui reposerait sur une forme d’action plus explicite, ce film arrive à nous fasciner tout en douceur. Le mérite principal pour le ton subtilement captivant revient bien sûr à l’interprétation magistrale de Jennifer Lawrence, dans le rôle d’une adolescente à l’état d’esprit précoce par nécessité. Dépassée par la situation dans laquelle elle se trouve malgré elle, mais déterminée à s’en sortir sans adhérer pour autant à un volontarisme platement naïf, Ree Dolly est une force de la nature redoutable. Cette soif de survivre, qui se nourrit contre toute attente des vestiges d’une dignité propre à l’enfance, Jennifer Lawrence arrive à l’exprimer sans le moindre pathos. Aucune parenthèse joyeuse ne vient éclaircir le quotidien de son personnage bouleversant, qui ne se laisse néanmoins pas abattre par la morosité ambiante. Privée de repères dans une société où les femmes sont sans scrupules et où les hommes jouissent de leur réputation menaçante qu’ils réaffirment par le biais d’explosions de rage physique et ponctuelle, Ree Dolly est comme la souris qui a transformé le lait en beurre, évoquée à plusieurs reprises dans Arrête-moi si tu peux de Steven Spielberg : elle se débat pour survivre, plus par instinct et par détermination, que pour accomplir un projet existentiel bien précis.
Juste après le tour de force de Jennifer Lawrence, épaulée admirablement par l’interprétation de John Hawkes et d’autres seconds rôles à la physionomie saisissante, la qualité principale du film est la mise en scène de Debra Granik, qui ne reste en retrait qu’en apparence. Pour faire vivre une histoire au moins aussi vieille que celle du shérif qui se dresse contre l’hostilité de toute une ville ou celle de deux clans qui s’entredéchirent pour des raisons de vengeance, et mieux encore, pour nous la faire ressentir avec une sobriété et un naturel simplement désarmants, sa mise en scène délicate mérite tout notre respect.

Vu le 5 septembre 2010, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Tootpadu: