Insoupçonnable

Insoupçonnable
Titre original:Insoupçonnable
Réalisateur:Gabriel Le Bomin
Sortie:Cinéma
Durée:95 minutes
Date:04 août 2010
Note:
Quatre ans après la mort accidentelle de sa femme Claire, le riche homme d'affaires suisse Henri Schaeffer tombe éperdument amoureux de Lise. Malgré les objections de sa famille, il épouse rapidement cette femme belle et mystérieuse qui travaillait auparavant dans un club privé de Genève. Sam, le frère de Lise, voit d'un mauvais oeil cette relation, qui le prive de la présence de la femme qu'il aime passionnément. Mais Lise a un plan pour s'affranchir de sa condition sociale modeste grâce à Henri, tout en restant étroitement liée à Sam.

Critique de Tootpadu

L'écrivain Tanguy Viel, dont le roman sert de base à ce thriller poisseux, n'est pas un novice en matière de cinéma. Sa déclaration d'amour au Limier de Joseph L. Mankiewicz, qui bâtissait un pont entre le littéraire et le filmique, figure même parmi les ouvrages les plus ingénieux des années 1990. Ici, il s'inspire davantage du film noir en général, et du "Facteur sonne toujours deux fois" de James M. Cain en particulier, avec quelques touches hitchcockiennes en prime, comme la fuite de la demeure familiale qui rappelle évidemment la fin des Enchaînés. Avant que les pièces du puzzle ne s'agencent un peu trop hâtivement suite au revirement majeur du troisième acte, personne ne semble vraiment être le maître de la situation dans cette histoire machiavélique d'une extorsion.
Le fait d'adopter pour la majeure partie du récit le point de vue de Sam, le demi-frère fou de jalousie et trop aveuglé pour y voir clair dans le plan de Lise, permet en effet au réalisateur Gabriel Le Bomin de plonger le spectateur dans le sentiment d'une incertitude croissante, nourri à la fois de l'impatience de voir le stratagème aboutir et de la crainte pour Henri, la victime quasiment euphorique et par conséquent d'autant plus vulnérable et attachante de la tromperie. Jusqu'à la fin, nous ne savons pas avec assurance à quoi ou bien à qui nous en tenir dans cette tragédie tortueuse, dont les protagonistes changent de camp avec une aisance, nullement dictée par les sentiments, mais par la raison de l'argent et le rétablissement illusoire de l'honneur bafoué. L'exécution formelle de cette toile d'araignée, dans laquelle se prennent peu à peu tous les participants, n'est peut-être pas toujours exempte de maladresses narratives, notamment vers la fin, lorsqu'il s'agit de dévoiler le dessein véritable de Lise. Mais le ton oppressant et inquiétant que Gabriel Le Bomin manie avec une élégance bluffante pour un réalisateur qui n'en est qu'à son deuxième film, rattrape largement ces quelques incidents de parcours bénins.
Enfin, la vraie bonne surprise d'Insoupçonnable se trouve du côté de l'interprétation. Alors que la plupart de la distribution ne nous excite plus depuis longtemps, le contre-emploi et la sincérité du jeu de certains comédiens nous ont agréablement interpellés. Alors que Marc-André Grondin est une fois de plus le maillon faible de la chaîne, avec toutefois moins d'incidence sur la tenue globale du film que dans Le Caméléon, Laura Smet en femme fatale finalement impuissante, Charles Berling en mari trop imbu de lui-même pour remarquer qu'il se fait avoir sur toute la ligne, Grégori Derangère en frère froid et méchant, et pour finir, Dominique Reymond aussi malicieusement mystérieuse que d'habitude, donnent ses lettres de noblesse à ce néo-noir, qui n'est cependant guère plus qu'un exercice de style, effectué avec brio.

Vu le 1er juin 2010, au Club Marbeuf

Note de Tootpadu: