Lenny and the kids

Lenny and the kids
Titre original:Lenny and the kids
Réalisateur:Joshua Safdie, Benny Safdie
Sortie:Cinéma
Durée:99 minutes
Date:28 avril 2010
Note:
Tous les six mois, le projectionniste Lenny a la garde de ses fils Sage et Frey pendant deux semaines. Il profite de cette parenthèse de responsabilité paternelle, en vivant toutes sortes d'aventures avec ses enfants. Mais la précarité du style de vie de Lenny s'accorde guère avec les besoins de ces garçons de sept et neuf ans. Alors que Lenny ne tarde pas à être dépassé par la situation, son entourage n'est pas toujours en mesure de prendre le relais pendant ces quelques jours de garde.

Critique de Tootpadu

Les frères Safdie reprennent là où Joshua nous avait laissés l'année passée avec son premier film The Pleasure of Being Robbed : dans le portrait sans fard de la vie à New York à un niveau social assez bas et peu commode, pour que les personnages accèdent, presque malgré eux, au rang d'artiste de la survie dans la jungle urbaine. La vie réelle laisse une fois de plus son empreinte pesante sur la fiction, qui ne se libère des contraintes matérielles et sociales que pour convoquer un moustique géant, par ailleurs le digne successeur de l'ours polaire artificiel dans le film précédent du réalisateur. Lenny a ainsi beau évoluer plus dans la légalité que la kleptomane Eléonore, son quotidien est caractérisé par une propension à l'improvisation, née autant de la précarité de son cadre de vie que de son manque de maturité assez évident. A l'image du personnage interprété par Dustin Hoffman dans Kramer contre Kramer de Robert Benton, mais d'une manière infiniment plus trash, Lenny aimerait tant être plus qu'une figure paternelle de passage dans la vie de sa progéniture. Faute de pouvoir assurer la continuité de l'éducation de ses fils - ce qui n'est peut-être pas si mal, vu l'inconsistance de son propre rythme de vie -, il cherche à leur offrir les deux semaines les plus spectaculaires de leur semestre, en fin de compte à leurs propres risques et périls.
Car au fond, ce personnage d'un père rigolo et irrévérencieux est resté lui-même un enfant, dépendant de l'assistance de ses proches dès que quelque chose va de travers. Son nouveau rôle, qui chamboule de fond en comble son emploi du temps d'un célibataire immature, le verra s'incruster dans une virée à la campagne, atterrir en prison, et intoxiquer accidentellement ses fils. En dépit de tous les signes de bonne volonté qui accompagnent son action désordonnée, Lenny ne fait à la limite rien qui le prédisposerait à assumer pleinement le rôle du père exemplaire. Désireux d'être à la fois le meilleur pote de ses enfants et une alternative enjouée à l'éducation rigoureuse de son ex-femme, il refuse d'indiquer à Sage et Frey les repères sociaux qu'il ne respecte pas lui-même.
Accessoirement une observation supplémentaire sur les trentenaires en manque de maturité, Lenny and the kids est avant tout un autre film poignant sur le quotidien de la population défavorisée dans les grandes villes américaines, comme on en voit hélas trop rarement. En poursuivant leur travail sur la marginalité à New York, entamée avec The Pleasure of Being Robbed, les frères Safdie investissent subtilement un champ de la cinématographie américaine, délaissé depuis longtemps par Amos Kollek, que seul Ramin Bahrani explore également de temps en temps. Bien qu'ils courent le risque d'être cantonnés pour toujours dans cette niche filmique néanmois essentielle - une possibilité d'autant plus envisageable et redoutable que l'esthétique de ce film-ci ressemble à s'y méprendre à celle de leur film précédent -, les frères Safdie deviennent petit à petit un des piliers du cinéma américain entièrement indépendant.

Vu le 15 avril 2010, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: