Non ma fille tu n'iras pas danser

Non ma fille tu n'iras pas danser
Titre original:Non ma fille tu n'iras pas danser
Réalisateur:Christophe Honoré
Sortie:Cinéma
Durée:108 minutes
Date:02 septembre 2009
Note:
En instance de divorce, Léna a accepté de rendre visite à ses parents en Bretagne, près de St. Brieuc, avant qu'ils ne partent en voyage à Rome. Même si elle redoute que toute la famille se mêlera de ses affaires, pour lui permettre de remonter la pente après sa séparation de Nigel, qu'elle a quitté avec ses deux enfants Anton et Augustine, et après avoir plaqué son travail à l'hôpital, Léna espère toutefois pouvoir souffler un peu pendant ce week-end d'été à la campagne. A son insu, sa mère Annie et sa soeur cadette enceinte Frédérique ont convié Nigel, qui n'a pas vu les enfants depuis six mois. Dépitée par tant d'assistance familiale intéressée, Léna menace de partir sur le champ.

Critique de Tootpadu

Evoquer encore la vie familiale au cinéma, si peu de temps après les magnifiques L'Heure d'été d'Olivier Assayas et Un conte de Noël d'Arnaud Desplechin, sortis l'année dernière, relève de l'exploit, voire de la hardiesse. Ainsi, il paraît d'abord comme si Christophe Honoré n'était pas tout à fait en mesure de remporter l'enjeu, comme si la période de ses chefs-d'oeuvre était irrémédiablement révolue et qu'il était définitivement redescendu au niveau plus convenable, moins passionnant de ses premiers films. Heureusement, cette première impression trompeuse vole en éclats au fur et à mesure que l'action de Non ma fille tu n'iras pas danser progresse. Au lieu de faire figure de parent pauvre dans la trilogie officieuse sur la famille en France qu'il formerait avec les deux oeuvres précitées, ce film-ci se dresse davantage comme le revers déplaisant, mais fascinant, de la médaille d'un idéal social en pleine décomposition.
Pour Léna, la famille ne représente pas un havre de paix et d'harmonie, mais au contraire une source inépuisable d'humiliations et d'engueulades. Grandir avec ses parents, sa soeur et son frère, cela l'a rendue susceptible, émotionnellement instable et profondément insatisfaite. Son attitude défensive l'empêche de s'intégrer durablement. En toute logique, ses conversations avec les membres de sa famille se soldent sans exception par des larmes ou des départs précipités. Maladivement désireuse de bien faire, Léna se trouve dans une position d'échec profond, ou bien comme il est dit à plusieurs reprises dans le film, dans un état d'étouffement postnatal auquel il lui est impossible de se soustraire. Et pourtant, il ne s'agit pas non plus d'un personnage dépressif au sens strict du terme. Plutôt d'une mégère qui s'ignore volontairement, devenue telle à force de fréquenter des femmes hargneuse comme sa mère et sa soeur, et faute de pendants masculins forts.
En effet, les hommes n'ont point le beau rôle dans ce film. A cause de leur irresponsabilité infantile (le père, le frère, l'amant) ou de leur désintéressement frustré (les maris), ils laissent le champ libre au déchaînement des furies féminines. Car le sixième film de Christophe Honoré est avant tout un formidable portrait de femmes. Tels des chacals ou, pour employer un terme issu du film, tels des hyènes, elles se tournent autour et se voient même affublées d'une réputation de mangeuse d'homme, par le biais d'une séquence de conte breton. Sauf que le réalisateur n'est pas du genre à se laisser aller à pareille dérive sexiste. Son approche est bien plus mélancolique et parfois même favorablement consternante.
Normalement, Non ma fille tu n'iras pas danser devrait nous déprimer jusqu'au printemps prochain. Mais son récit est guidé par un réalisme émotionnel tellement désabusé et lucide, que le mouvement de fuite final, qui n'apporte aucune solution rassurante, tout comme l'absence du moindre bonheur plus qu'éphémère resonnent en nous plus que l'optimisme tempéré d'Assayas et de Desplechin. Et si la famille - notre famille - n'était qu'un mécanisme social hautement dysfonctionnel, une vitrine de tout ce qui peut aller mal dans les rapports humains imposés ? Rien que pour nous suggérer ce constat amer et curieusement libérateur, sans jamais tomber dans le mélodrame larmoyant ou le drame psychologique lourd, ce film mérite toute notre admiration.

Vu le 30 juillet 2009, au Cinéma du Panthéon

Note de Tootpadu: