Un conte de Noël

Un conte de Noël
Titre original:Un conte de Noël
Réalisateur:Arnaud Desplechin
Sortie:Cinéma
Durée:152 minutes
Date:21 mai 2008
Note:
Abel et Junon Vuillard ont eu quatre enfants. Joseph, l'aîné, est mort à l'âge de sept ans des suites d'une maladie rare, faute de donneur compatible. Elisabeth, la seule fille, s'est débarrassé de son frère cadet Henri, l'enfant terrible de la famille, en le bannissant du cercle familial, en échange d'une forte somme d'argent, qui le sortait d'un embarras financier grave. Cinq ans plus tard, à l'approche des fêtes, Junon apprend qu'elle développe une leucémie qui pourrait lui être fatale. Tous ses descendants passent alors des tests pour trouver un donneur de moelle osseuse compatible. Dans ce climat d'incertitude, toute la famille se réunit dans la maison parentale à Roubaix, pour célébrer Noël.

Critique de Tootpadu

Il ne fallait pas s'attendre à une histoire célébrant l'harmonie des fêtes de la part d'Arnaud Desplechin. Mettre du baume au coeur de son public n'est pas vraiment du ressort de ce réalisateur plutôt exigeant. Curieusement, la réunion de la famille Vuillard ne se solde pas non plus par un règlement de compte général et dramatique. Arnaud Desplechin réussit haut la main quelque chose de bien plus singulier et intriguant : un récit complexe et riche, qui place ses personnages sans mépris au niveau éminemment humain de la médiocrité.
Aucun des membres de cette famille ne serait a priori susceptible d'éveiller notre sympathie. La mère froide et détachée, qui montre guère de l'inquiétude face à ses soucis de santé, forme un couple plutôt mal assorti avec son mari grognon. Et les enfants et petits-enfants sont plus névrosés les uns que les autres. Pourtant, au fur et à mesure, ce microcosme de l'imperfection délivre ses petits secrets. Il montre chacun des personnages sans pathos dans ce qu'il a de plus touchant, c'est-à-dire dans son envie de vivre malgré et contre tout. Ignorer la valeur cathartique du récit serait en effet préjudiciable, tant les parents et leurs enfants suivent un parcours tortueux, certes, mais qui les mène vers une forme de sérénité, qui leur permet au moins de vivre mieux avec eux-mêmes, sans pour autant résoudre tous les problèmes qui se sont accumulés depuis des années.
En effet, le style méticuleux et poétique à la fois d'Arnaud Desplechin ne se prête point aux grandes tirades et aux effusions de larmes ou de sentiments. Le lien entre les personnages, et par extrapolation avec le public, s'établit davantage par le biais de conversations, anodines seulement en apparence. Face à la mort et à une situation familiale de toute façon désastreuse, les langues se délient, tout en prenant en compte le bagage émotionnel qui définit chaque relation. Dans ces échanges transparaît toujours une part de pose, de nécessité d'être fidèle à l'emploi qu'on s'est trouvé au sein de la structure familiale au fil des ans. Le prétendu moment de vérité entre Henri et Junon sur la balançoire, par exemple, se voit bridé inextricablement par le lot de ressentiments que le fils et sa mère éprouvent depuis longtemps l'un pour l'autre.
La mise en scène d'Arnaud Desplechin rappelle régulièrement cette exigence du paraître et de la violation finalement impossible de l'intimité de ses personnages. Que ce soit l'adresse directe à la caméra, l'emploi très judicieux de la voix off ou du dispositif du champ qui s'élargit, le style du cinéaste est plus que jamais à la hauteur des exigences narratives qu'il s'est fixées. On peut dire la même chose d'une distribution en or, qui se complémente parfaitement, et des choix musicaux aussi hétéroclites et imprévisibles que ce film vigoureux dans son ensemble.

Vu le 11 novembre 2008, au Cinéma du Panthéon

Note de Tootpadu: