
Titre original: | Jusqu'à toi |
Réalisateur: | Jennifer Devoldère |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 82 minutes |
Date: | 29 juillet 2009 |
Note: | |
Quand elle était toute petite, Chloé adorait se raconter des histoires devant la glace, sans se préoccuper du fait que son reflet ne lui répondait jamais. Depuis, elle cherche le réconfort dans les livres et les films romantiques, qui l'aident à surmonter ses phobies et qui remplacent une vie sociale, qui se résume pour elle à quelques conversations avec ses voisins. Contrainte par son travail de journaliste à voyager à Bruxelles, Chloé perd sa valise rouge à son retour à Paris. En même temps, l'Américain Jack gagne un voyage à Paris, qu'il aimerait offrir à sa copine Liza. Mais au lieu de s'envoler en amoureux, Liza plaque Jack, qui part du coup seul et désespéré. Lui aussi se fait égarer sa valise rouge à l'aéroport et, par accident, c'est Chloé qui la reçoit. Elle l'ouvre et rêve alors de séduire son propriétaire mystérieux, qu'elle ne connaît que par ses objets interposés.
Critique de Tootpadu
La formule des deux personnages qui sont réunis par le destin lors d'un coup de foudre malgré et contre tout, elle ne nous fait plus rêver, voire fantasmer, depuis longtemps, tellement cette convention scénaristique a déjà été retournée dans tous les sens depuis la nuit du cinéma. Et pourtant, ce premier film franco-canadien sait si bien l'adapter à l'air du temps qu'elle devient, sinon fraîche, au moins divertissante et fort charmante. Derrière les péripéties de l'histoire à l'eau de rose guère indigeste se cache en effet le portrait mélancolique d'une culture de la solitude, de plus en plus élaborée.
Ainsi, Chloé est un personnage type du 21ème siècle, renfermée sur elle-même et sur son monde imaginaire rose bonbon dont elle ne sort qu'en cas d'extrême urgence. L'équivalent féminin d'un geek, elle ne cultive que les rapports sociaux les plus inévitables, laissant aux autres le soin de se débattre contre les inventions du monde moderne (sa collègue Josée) ou de la réconforter dans son choix d'un célibat douillet (les disputes conjugales cycliques de ses voisins). En quelque sorte, Chloé est le produit logique, avec un zeste de caricature, des dysfonctionnements de notre civilisation, qui opte pour le bonheur factice du monde virtuel et un individualisme forcené, au détriment d'échanges réels, à la fois d'ordre sentimental et social.
Toutefois, la réalisatrice Jennifer Devoldère ne dissèque pas son personnage emblématique sans état d'âme, ni compassion. Elle l'intègre plutôt dans un monde fictif qui accomode sans condescendance les particularités de son caractère. Dans l'entourage de Chloé, tout le monde a un petit grain de folie ou, en d'autres termes, une tare sociale qui rend l'interaction soit-disant normale avec les autres hautement difficile. En fait, l'absence même d'un repère de normalité est ce qui rend Jusqu'à toi aussi amusant. De la galerie tout à fait jouissive des personnages secondaires - celui du gérant de l'hôtel interprété par Maurice Bénichou en tête, qui allie avec finesse les préjugés sur les Français peu commodes du point de vue des touristes avec une bonhomie attachante -, jusqu'au théâtre parallèle américain où les incertitudes sentimentales résistent avec la même insistance à la logique des coeurs et des intrigues convenues que de l'autre côté de l'Atlantique, le film préserve admirablement un ton imprévisible, sans jamais recourir à des dispositifs formels et narratifs inutilement encombrants.
En somme, Jusqu'à toi figure parmi ces comédies d'été idéales, qui procèdent en plus, tel Broken english de Zoe Cassavetes l'année dernière, à une réinvention romantique des rapports franco-américains.
Vu le 20 juillet 2009, au Club Marbeuf, en VO
Note de Tootpadu: