
Titre original: | Fille du RER (La) |
Réalisateur: | André Téchiné |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 98 minutes |
Date: | 18 mars 2009 |
Note: | |
Au début de l'été, Jeanne cherche sans trop de conviction un travail comme secrétaire. Sa mère Louise, qui gagne sa vie en gardant des enfants dans son pavillon de la banlieue parisienne, l'aide du mieux qu'elle peut, jusqu'à raviver sa relation avec l'avocat juif Samuel Bleistein, dont elle a aperçu l'offre d'emploi dans le journal. Faute d'opportunités sérieuses, Jeanne accepte d'accompagner son nouveau copain Franck dans un petit boulot de gardiennage. Quand ce travail et la relation sentimentale se soldent par un échec, Jeanne prétend qu'elle a été la victime d'une agression à caractère antisémite dans le RER.
Critique de Tootpadu
Pour évoquer le mensonge qui a défrayé la chronique estivale il y a cinq ans, André Téchiné s'intéresse au mieux accessoirement à son impact médiatique. Puisque cet acte odieux relève de toute manière de l'imagination, avec tout ce que cela implique de reconstitution mentale de la part de ceux qui en ont entendu parler, il n'aurait pas servi à grand-chose de lui attribuer après coup une identité filmique. De ce fait divers sordide, le réalisateur ne garde finalement que ce qui a dû lui sembler réellement important : les circonstances qui ont pu y mener et la dimension humaine de l'événement. Le battage médiatique passe ainsi complètement à l'arrière-plan, pour laisser la place à une oeuvre faussement chorale, comme André Téchiné les affectionne.
La Fille du RER est par conséquent plus riche en enseignements sur la conception du lien familial et sentimental selon le réalisateur, qu'en révélations sur les motivations de cette jeune femme perturbée. On a presque l'impression qu'André Téchiné se sert de la notoriété du fait divers comme d'un prétexte commercial pour attirer le chaland, alors qu'il est manifestement plus intéressé par les rapports conflictuels entre les personnages, en dehors du canular. Ce pari commercial n'a guère porté ses fruits, en vue de la carrière écourtée du film en salles. Mais il a certainement permis au réalisateur d'explorer une fois de plus ses thèmes de prédilection.
Ainsi, les amours passionnelles, fanées ou en attente jouent toujours un rôle important dans le déroulement de l'intrigue. Les couples annexes, qui pourraient être perçus comme une diversion inutile, fonctionnent dans ce contexte comme des réverbérations de la relation torride entre Jeanne et Franck. Les quatre stades de l'amour, aux moments successifs de la vie, sont ainsi réunis en parallèle. De l'idéalisme impatient du jeune Nathan, en passant par l'assouvissement du désir entre les deux délinquants potentiels, et le divorce nullement assumé de Judith et Alex, jusqu'à la nostalgie d'une pulsion de jeunesse ratée, tous les personnages se trouvent confrontés à un état d'incertitude émotionnelle permanente. Au lieu d'être un thème fédérateur, ce désarroi tend plutôt à séparer les individus. Leurs logements respectifs, plus isolés et anonymes les uns que les autres, parlent alors bien plus de leur solitude que les quelques plans de ciconstance des trajets en RER.
C'est dans ce sens que nous affirmions plus haut que ce film ne cherche point à rassembler dans une expression uniforme de l'ensemble. Au contraire, et comme ce fut déjà le cas dans le film précédent de Téchiné, Les Témoins, qui employait le sida autant comme un alibi scénaristique que l'agression fictive dans le cas présent, il n'y a pas plus individualistes que les récits de l'amour universel impossible par un des cinéastes français les plus consistants.
Du côté de l'interprétation, ce sont les jeunes qui s'en sortent le mieux, probablement parce que leurs personnages ont gardé l'idéalisme romantique tant soit peu intact. La plus belle relation, aussi dans une optique globale de l'oeuvre du réalisateur, est celle qui ne se fait pas, entre Jeanne et Nathan, ainsi que, dans une moindre mesure, le coup de foudre un peu naïf entre Jeanne et Franck. Il se peut que ce sentiment de familiarité et d'usure soit entretenu exprès, mais toujours est-il que les deux autres couples, Catherine Deneuve / Michel Blanc et Ronit Elkabetz / Mathieu Demy, ne respirent pas la même vigueur.
Vu le 14 avril 2009, à l'UGC Forum Orient Express, Salle 7
Note de Tootpadu: