Témoins (Les)

Témoins (Les)
Titre original:Témoins (Les)
Réalisateur:André Téchiné
Sortie:Cinéma
Durée:114 minutes
Date:07 mars 2007
Note:
A l'été 1984, le jeune Manu monte à Paris pour retrouver sa soeur Julie, une chanteuse classique. Dans un lieu de drague, il rencontre Adrien, un médecin plus âgé que lui qui tombe amoureux de lui. Même si Manu n'éprouve que de l'amitié pour Adrien, les deux hommes passent une partie de l'été ensemble. Ils partent notamment dans le sud, dans la maison de campagne de Sarah, une amie proche d'Adrien et la femme de Mehdi, un inspecteur à la police des moeurs. L'automne venu, des informations inquiétantes arrivent des Etats-Unis sur une maladie mystérieuse qui affecte surtout la communauté homosexuelle.

Critique de Tootpadu

Le début des années 1980 paraît à la fois loin et proche. Cette époque, que nous avons vécue de façon plutôt consciente, se situe quelque part dans le terrain vague historique entre les années 1970, définitivement révolues, et les années 1990, qui ressemblent tant à notre présent que la rupture, qui les fait rétrograder dans le passé, ne s'est pas encore tout à fait opérée. Evoquer cette période, surtout dans le contexte d'une maladie qui ne fait plus la une des journaux que le 1er décembre, constitue alors un projet à la fois ambitieux et épineux. André Téchiné s'en acquitte avec les honneurs, même si son plongeon dans ce passé proche reste un peu trop ramassé pour passionner complètement.
Le ton est donné dès le générique, qui défile à toute vitesse, comme pour mieux rattraper le temps perdu, alors que le film a tout juste commencé. L'introduction se veut entièrement dans l'air de ce temps-là, jusqu'à la police des titres dont le rouge épais est sans doute censé rappeler les us en la matière de la production cinématographique de l'époque. Par la suite, quelques anachronismes anecdotiques (une enseigne contemporaine du Crédit Lyonnais ou un bus de la RATP orné des collants de la bus-attitude) ne détournent pas autant l'attention que la volonté de recréer à tout prix un état d'esprit de l'avant-SIDA. Le traitement du sujet de la maladie agit presque tel un corps étranger, mis là pour asseoir la pertinence historique et sociale du récit. En effet, l'approche de Téchiné du SIDA n'invente rien, au contraire, elle procède du condensé parfois expéditif d'un ensemble d'éléments déjà traités par d'autres cinéastes auparavant. Entre l'ami éconduit qui se transforme en preux chevalier de la lutte, le père de famille qui a du mal à assumer son homosexualité, le jeune insouciant qui se fait rattraper par la réalité et la mère dénaturée qui va écrire un bouquin sur toute cette histoire, le scénario ne manque pas de personnages et d'événements un brin trop exemplaires.
Et pourtant, à quelques maladresses près (la voix off sporadique de Sarah et certains brefs instants curieux d'une image au ralenti), André Téchiné réussit à attribuer à ses personnages une humanité remarquable. Le pragmatisme prend ainsi le pas sur une effusion de sentiments larmoyante (la séquence déchirante de Mehdi avec le panier de linge sale). Et dans une symbiose parfaite avec la structure narrative trop voyante en trois chapitres, après le beau temps et la tempête, le redoux indique que la vie continue malgré tout.
Du côté de l'interprétation, si tout le monde remplit très bien les exigences de son registre, les surprises se font tout de même rares. La seule à faire plus que remplir son rôle, certes d'une manière tout à fait convaincante, c'est Emmanuelle Béart comme l'épouse qui ne manque pas de confiance en elle, peu importe les coups bas et les frustrations qu'elle doit supporter.

Vu le 17 avril 2007, à l'UGC Ciné Cité Les Halles, Salle 20

Note de Tootpadu: