Faussaires (Les)

Faussaires (Les)
Titre original:Faussaires (Les)
Réalisateur:Stefan Ruzowitzky
Sortie:Cinéma
Durée:99 minutes
Date:06 février 2008
Note:
Dans le Berlin des années 1930, Salomon Sorowitsch est le roi des faussaires, expert en billets de banques. Arrêté en 1936, il est envoyé dans le camp de Mauthausen, comme juif et criminel professionnel. Il arrive à y survivre tant bien que mal, en se proposant comme peintre et portraitiste aux gardiens du camp. En 1944, Sorowitsch est transféré à Sachsenhausen, où il sera en charge d'un atelier de contrefaçon, mis en place par les nazis. L'Opération Bernhard vise en effet à inonder les marchés anglais et américains de faux billets, afin de déstabiliser l'économie des pays ennemis.

Critique de Tootpadu

La persécution atroce des juifs par les nazis prend une tournure particulièrement perfide, et par conséquent encore plus éprouvante, dans ce film autrichien. La lutte pour la survie dans un camp d'extermination est toujours aussi féroce parmi les occupants de l'atelier de contrefaçon. Mais leurs privilèges, ainsi que leur collaboration avec les Allemands nazis, les propulsent quelque part entre les fronts, prétendument à l'abri de l'horreur la plus brutale, quoique régulièrement rappelés à leur condition de prisonniers soumis à la volonté bestiale de leurs geôliers. L'irruption de la violence, abjecte et gratuite, est ainsi d'autant plus traumatisante, qu'elle intervient dans un cadre presque préservé et en tout cas plus vivable que les tortures et les massacres qui s'enchaînent de l'autre côté de la clôture.
La mise en scène de Stefan Ruzowitzky mène ce récit prenant avec l'assurance de ne pas devoir ajouter encore à l'horreur des événements. Un certain recul s'opère cependant par le récit cadre, qui dévoile d'une manière inattendue les séquelles psychologiques de la détention, et l'apparition récurrente du thème musical du tango, qui crée un lien subtil avec le point de départ du calvaire, tout en rappelant que la vie n'est pas que souffrance, peur et agonie. L'accomplissement de la narration consiste en effet à toujours savoir relativiser les choses, tout en gardant l'impact émotionnel des moments de joie et de peine intact.
Karl Markovics dans le rôle du maître faussaire traduit remarquablement ce dilemme entre l'adaptation forcée, voire maladive, afin de survivre dans un contexte où la mort est omniprésente, et les derniers sursauts d'une considération morale, qui s'oppose à l'oppresseur à l'endroit le moins probable.
Enfin, Les Faussaires évite d'une façon impressionnante les écueils du film de camp d'extermination. Jamais dépourvue d'espoir, sans tomber dans le cabotinage artificiel de La Vie est belle de Roberto Benigni, et toujours conscient de la vie qui bascule vers la mort, sans se complaire dans le misérabilisme larmoyant d'un Etre sans destin, il ajoute un chapitre important à l'histoire de la persécution des juifs tel qu'elle est vue par le cinéma en général, et le cinéma germanophone en particulier !

Vu le 29 novembre 2007, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: