Etre sans destin

Etre sans destin
Titre original:Etre sans destin
Réalisateur:Koltai Lajos
Sortie:Cinéma
Durée:135 minutes
Date:03 mai 2006
Note:
A 14 ans, Gyurka est témoin des premières persécutions des juifs hongrois, lorsque son père est obligé de partir aux travaux forcés. Peu de temps après, le jeune homme est arrêté sur son chemin de travail. Retenu avec un groupe d'autres garçons juifs par les gendarmes hongrois, il est finalement envoyé en Allemagne par train. Sa destination finale est cependant le camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, duquel il ne partira que pour être interné dans d'autres camps.

Critique de Tootpadu

La Shoah est à ce jour un des événements les plus traumatisants de l'histoire humaine. Bien sûr, il y a eu des génocides avant et après et, malheureusement, pas toutes ces atrocités concertées n'ont eu droit au même traitement approfondi et sérieux, au même empressement de garder le souvenir vivant, maintenant que les derniers survivants nous quittent. La raison pour cette place de choix, d'avertissement pour les générations futures, est peut-être l'ampleur et la durée de cette heure funeste de l'humanité. En parler au cinéma, c'est prendre constamment le risque de ne pas être à la hauteur d'un fait qu'il est probablement impossible de représenter dans toute son atrocité. Le documentaire revient régulièrement et longuement sur cette période douloureuse, pas plus tard que l'année passée avec l'excellent Belzec, ou dans le monument filmique de Claude Lanzmann, Shoah. Et certaines approches de la fiction ne sont pas non plus sans démériter, comme l'incontournable Liste de Schindler de Steven Spielberg ou La Trêve de Francesco Rosi. Sublimer l'horreur des camps par la comédie était de même une idée avec laquelle Roberto Benigni et son La Vie est belle ont trouvé un écho plutôt favorable.
Le récit du chemin d'un jeune juif à travers les camps, tel qu'il est conté dans cette production hongroise, financièrement ambitieuse, nous laisse par contre davantage perplexes. Il soulève l'éternelle question sur la possible beauté de la mort et de la souffrance sous tous ses aspects. La photo et la composition du plan y sont en effet si recherchées qu'elles détournent notre attention de ce qui devait être une histoire bouleversante. Rien de plus normal, quand le réalisateur est un chef-opérateur reconverti, mais Lajos Koltai insiste tellement sur ses belles couleurs d'époque et ses jeux de lumière astucieux que le côté réel de l'intrigue lui échappe. Il vous sera alors impossible de trouver le moindre plan négligé et brut dans toute la longueur conséquente du film, tout comme vous chercherez en vain une impression qui ne serait pas provoquée par cet album photo décoratif et vide.
Car Koltai oublie les impératifs de la narration à force de composer d'une manière pointilleuse chaque image. Ce cafouillage reste encore lisible pendant la première partie, jusqu'à la déportation en train. Après, la narration devient plus approximative et elle met le spectateur au même niveau que le protagoniste, c'est-à-dire de subir l'action plutôt que de la comprendre. Le long discours final en voix off, accompagné d'une musique d'Ennio Morricone des plus larmoyantes et répétitives, fait alors figure de conclusion hâtive à une histoire qui n'a à aucun moment accédé à l'essence même de son sujet.

Vu le 21 mai 2006, au Balzac, Salle 3, en VO

Note de Tootpadu: