
Titre original: | Syndromes and a Century |
Réalisateur: | Apichatpong Weerasethakul |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 106 minutes |
Date: | 13 juin 2007 |
Note: | |
Dans un hôpital de campagne, Toey, une jeune femme médecin, fait passer un entretien au docteur Nohng. Elle est poursuivie par le surveillant Toa, qui aimerait l'épouser. Mais ses avances rappellent surtout à Toey sa rencontre avec Noom, un expert en orchidées. A Bangkok, Toey fait passer un entretien au docteur Nohng.
Critique de Tootpadu
Vivement que le jour où Apichatpong Weerasethakul arrêtera de nous surprendre et de nous émerveiller n'arrive jamais ! Après le très particulier Blissfully Yours et l'étrange et envoûtant Tropical Malady, le réalisateur thaïlandais nous prend une fois de plus au dépourvu, avec un nouveau conte aussi abstrait et profondément beau que les deux précédents.
La première chose qui dénote dans ses films, c'est le mépris d'un rythme formaté, qui engonce la narration dans un flux fonctionnel. Ici, le récit peut partir dans n'importe quel sens et il n'existe aucune certitude quant au plan suivant. Cette faculté d'observer la vie sans préavis, et de l'inclure néanmoins dans un projet artistique d'envergure, très peu de cinéastes la possèdent. Car le flottement de la narration s'articule autour d'une force visuelle très impressionnante, qui ressemble le plus possible à de la poésie cinématographique, si une telle chose existe réellement. L'abstraction y trouve autant sa place (le long plan du tuyau qui aspire la fumée) que la banalité (le concert de guitare, la séance publique de gymnastique). Mais à chaque fois, ces parenthèses visuelles, pas forcément compréhensibles, exercent un pouvoir de fascination irrésistible. Ce sont alors des moments de cinéma purs et primaires, comme on n'a plus la chance d'en voir beaucoup au sein d'une industrie trop codifiée et formatée.
Le véritable coup de génie d'Apichatpong Weerasethakul se situe cependant au niveau de la structure de son film. Initialement prévu comme une méditation sur les parents du réalisateur à deux époques différentes, le film fonctionne davantage, au moins pour nous, comme un jeu magistral de variations. Déjà familier des revirements astucieux dans ses deux films précédents (le générique au milieu du film dans le premier, et le conte abstrait du tigre dans le deuxième), le réalisateur ose recommencer en quelque sorte son film au bout de cinquante minutes. Les situations qui nous avaient fascinés dans le cadre de l'hôpital de campagne sont alors rejouées en ville. Les modifications majeures ne proviennent par contre pas de l'intrigue, mais d'un environnement forcément plus clinique et moins disposé au contact humain (notamment dans la consultation du dentiste). S'ouvre alors un jeu enivrant de possibilités, de situations qui auraient bien pu arriver, puisqu'on les avait vues dans la première moitié du film, mais qui trouvent une forme plus froide ici.
C'est d'ailleurs cette absence de chaleur qui rend la deuxième moitié un brin moins poétique. Au plus tard lors de la séquence finale de la séance de gym, les moments sensuels de la première partie, ainsi que ses ruptures de ton et de rythme constantes, ne sont plus qu'un souvenir lointain.
Vu le 5 juin 2007, au Club Marbeuf, en VO
Note de Tootpadu: