Tropical Malady

Tropical Malady
Titre original:Tropical Malady
Réalisateur:Apichatpong Weerasethakul
Sortie:Cinéma
Durée:119 minutes
Date:24 novembre 2004
Note:
Keng est un soldat de la garde forestière qui s'est épris de Tong, le fils d'un paysan. Les deux amants se voient plusieurs fois, pour contempler la forêt sauvage, visiter une grotte souterraine, aller au cinéma ou faire un tour au centre commercial.
Une bête sauvage attaque les troupeaux des villageois. Un soldat s'introduit dans la jungle pour chasser cet animal, habité par l'esprit d'un tigre.

Critique de Tootpadu

Il est étonnant qu'un des cinéastes dont les expérimentations sont les plus foisonnantes soit originaire d'un pays qui nous présente le plus souvent des films extrêmement fidèles à leur genre. Avec son deuxième film, Apichatpong Weerasethakul se positionne en effet aussi loin des séries B de boxe de son pays que de la majeure partie de la production commerciale du monde entier. Depuis Blissfully Yours, on le savait déjà peu regardant sur le respect des conventions narratives, avec ce générique au plein milieu du film et un manque d'action assumé. Mais ici, il mène sa recherche des formes encore plus loin, s'attaquant à ce qui est, par essence, impossible à montrer à l'image : l'esprit.
Au début, cette convocation de l'immatériel passe par la sensualité. Bien que l'on n'ait la confirmation de la relation homosexuelle entre les deux personnages principaux que plus tard, il ressort de la façon de filmer le couple supposé ensemble une tendresse et une tension peu communes. A la limite, savoir ce qu'il en est entre les deux constitue le seul enjeux diégétique de la première heure. Ce qui ne signifie nullement que la narration s'en contente. Par la très grande beauté des images, dans un registre très différent de la joliesse affichée de la convention cinématographique, le réalisateur nous prépare en fait, à travers un jeux ingénieux d'atmosphères, à la deuxième partie de son film. L'énigme épais qui se dégage de celle-ci trouvera alors une contrepartie curieuse dans l'histoire aussi sentimentale qu'incertaine du début.
En guise d'écho formel à ce générique "mal" placé mentionné plus haut, le réalisateur ose dans son deuxième film carrément recommencer une nouvelle histoire au bout d'une bonne heure. Après une transition qui a tout le (faux) aspect d'une erreur de projection, commence alors une deuxième partie, au récit encore plus minimaliste que la première, et au style encore plus expérimental et énigmatique. Le lien entre ces deux entités distinctes dépasse certainement le simple emploi des mêmes acteurs, mais au lieu d'éclaircir les zones d'ombre de l'histoire des amants, la chasse à la bête est pour elle-même un traité de cinéma des plus obscurs et des plus fascinants.
Une oeuvre exigeante et troublante, sans réponse facile et peut-être même sans question, ce deuxième film d'Apichatpong Weerasethakul, justement primé à Cannes l'année passée, est d'une immense beauté formelle qui déroute autant qu'elle enchante.

Vu le 7 mars 2005, au MK2 Beaubourg, Salle 2, en VO

Note de Tootpadu: