Lettres d'Iwo Jima

Lettres d'Iwo Jima
Titre original:Lettres d'Iwo Jima
Réalisateur:Clint Eastwood
Sortie:Cinéma
Durée:141 minutes
Date:21 février 2007
Note:
Au début de l'année 1945, seule l'île d'Iwo Jima protège encore le Japon de la déferlante de l'offensive américaine. Le général Tadamichi Kuribayashi, qui avait visité les Etats-Unis avant la guerre, est envoyé sur l'île au sable noir pour la défendre coûte que coûte. Parmi les soldats qui devront livrer cette bataille perdue d'avance figurent Saigo, un jeune boulanger qui a été mobilisé avant la naissance de sa fille, et Shimizu, qui a été éduqué à l'école de police militaire de Tokyo.

Critique de Tootpadu

Le point de vue de Clint Eastwood sur la bataille d'Iwo Jima a drastiquement changé depuis les velléités de ses Mémoires de nos pères. Ce deuxième chapitre du diptyque adopte exclusivement la vision japonaise du conflit, avec tout ce que cela implique d'illusions perdues et d'humiliations. Encore plus que dans son film précédent, il ne s'agit pas pour Eastwood de choisir un camp, mais de montrer l'absurdité et la cruauté de chaque guerre, peu importe sous quel drapeau on se bat.
La première partie du film est simplement magistrale, une étude subtile et majestueuse autour des préparatifs sur l'île avant le débarquement tant redouté. Et le comportement du général, réfléchi et indépendant, et celui des simples soldats, de plus en plus conscients d'être prisonniers dans un piège qui se ferme sur eux, reflètent une dignité hors norme. La résignation qui s'abat sur les Japonais, au fur et à mesure que les messages de défaite arrivent et que leurs rangs s'amenuisent par la maladie, est filmée avec une sensibilité que l'on retrouve dans les oeuvres contemplatives d'Eastwood. Dressée tel le témoin d'une déroute certaine, la caméra capte admirablement les détails du déclin, tout comme l'euphorie entachée de plus en plus de résignation des officiers et des soldats.
L'unité du récit commence cependant déjà à craqueler à ce moment-là, à cause des quelques retours en arrière, sur la vie avant la guerre, qui brisent le sentiment d'étouffement qui s'installe sur l'île. Mais c'est hélas le ton qui change de façon perceptible, dès que les hostilités sont engagées. Tandis que la première partie des Lettres d'Iwo Jima se démarquait des récits héroïques qui accompagnent habituellement les préparatifs de guerre, la deuxième partie épouse bien plus fidèlement les conventions du film de guerre. Les différentes défaites des Japonais se succèdent ainsi sans préserver un peu de la dignité si précieuse du début, et surtout, sans la substituer par quelque chose d'aussi prenant. Le rythme pondéré du début, si imposant dans sa tristesse, se transforme ici en longueur relative, en absence d'enjeu véritable pour soutenir l'intérêt de la narration.
Néanmoins, les défauts apparents du film précédent sont largement absents ici. Pas d'histoire tortueuse qui doit absolument trouver une conclusion jusqu'au fil le plus infime, pas de mise en abîme poussive de la machine de propagande, juste le récit touchant, au moins au début, de l'honneur bafoué et de l'envie de vivre en dépit de la folie de la guerre.

Vu le 1er février 2007, à la Salle Warner, en VO

Note de Tootpadu: