
Titre original: | V pour Vendetta |
Réalisateur: | James McTeigue |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 133 minutes |
Date: | 19 avril 2006 |
Note: | |
Sous la menace d'attaques terroristes, l'Angleterre est devenue un état totalitaire, mené avec une main de fer par le chancelier Sutler. Lorsqu'un mystérieux révolutionnaire, caché derrière un masque, commet des attentats et appelle la population à le joindre le 5 novembre prochain pour faire sauter le parlement, tous les services de sécurité se mettent à ses trousses. La jeune Evey Hammond se trouve associée à cette croisade contre la dictature et elle va même jusqu'à proposer son aide à ce V énigmatique.
Critique de Tootpadu
Est-ce que le cinéma hollywoodien, cette grosse machine économique qui vise le plus petit dénominateur commun pour faire un maximum de fric et qui ne fait des films sérieux que pour s'auto-célébrer lors de la prestigieuse période des prix de fin d'année, est-ce que ce mécanisme mercantile et extrêmement frileux en termes politiques peut donc fabriquer un film anarchiste ? A priori non, diriez-vous, et vous avez sans doute raison en vue de la production américaine du dernier tier de siècle. Et pourtant, ce film épaulé par la Warner toute puissante essaie de viser dans cette direction avec un succès relatif.
Même s'il faut lire entre les lignes d'une histoire assez tendancieuse, cette oeuvre polymorphe des frères Wachowski prend une position plutôt osée face au climat politique mondial. Certes, il commence à être de bonne guerre un peu partout de désavouer la stratégie américaine post-11 septembre, et la menace terroriste s'éclipse presque derrière des préoccupations d'ordre totalitaire. Faire ce film il y a trois ou quatre ans aurait ainsi attisé la controverse infiniment plus que de nos jours, où les opinions émises dans le film, aussi paranoïaques soient-elles, sont quasiment admises par l'opinion publique. Mais le seul aspect désormais consensuel de l'histoire ne suffit pas pour la discréditer. Pour cela, il existe des éléments bien plus subtils qui freinent la portée d'un film indubitablement bien intentionné.
La touche Wachowski qui avait transformé les deux suites de Matrix en une bouillie prétentieuse qui prétendait à la création d'une philosophie parallèle, elle est toujours sensible ici, quoiqu'atténuée par la mise en scène de James McTeigue moins pompeuse que celle des deux frérots. Par contre, l'anarchie telle qu'elle est présentée est tout de même un peu trop sage et dépourvue d'une réelle conscience politique. Alors que la large place accordée à l'homosexualité dans toute sa normalité est évidemment très appréciable - avec en prime l'absence de la moindre réaction houleuse dans une salle de banlieue, à croire et à espérer que les mentalités commencent à évoluer -, l'engagement anarchiste du film ne va guère plus loin. La manifestation finale s'apparente alors pratiquement à une fête familiale, à laquelle la populace paisible s'est rendue pour voir un immense feu d'artifice.
Techniquement très solide et très conventionnel, là encore en contradiciton avec le message subversif qu'il véhicule, le film fait adroitement participer le spectateur à la complexité mesurée du scénario. A deux exceptions notables près (le plan des gouttes de pluie et le combat aux poignards), James McTeigue évite tout excès inutile afin de mieux se concentrer sur son récit prenant.
Il ne sert à rien d'attendre un vrai film anarchiste issu des studios hollywoodiens, mais en tant que compromis entre la forme maîtrisée et un contenu social progressiste, à défaut d'être révolutionnaire, cette adaptation d'une bande dessinée est tout à fait convenable.
Vu le 12 mai 2006, à l'UGC Ciné Cité La Défense, Salle 2, en VO
Note de Tootpadu: