Inside Man - L'homme de l'intérieur

Titre original: | Inside Man - L'homme de l'intérieur |
Réalisateur: | Spike Lee |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 130 minutes |
Date: | 12 avril 2006 |
Note: | |
Un groupe d'individus masqués a braqué une banque de Wall Street et y a pris une trentaine d'employés et de clients en otage. L'inspecteur Frazier, sous les feux des projecteurs après la disparition d'une importante somme d'argent sale, est chargé de négocier avec les criminels. Mais plus le temps passe, plus Frazier doit se rendre compte que quelque chose ne tourne pas rond dans cette prise d'otage. Une intuition personnelle qui se concrétise encore à l'arrivée sur les lieux de Madeline White, une puissante avocate qui a pour but de protéger les intérêts du directeur général de la banque.
Critique de Tootpadu
Spike Lee est de retour. Enfin ..., la dernière réussite du cinéaste ne date pas de si longtemps que l'on pourrait discuter de son retour triomphal. Le cas de Lee est d'ailleurs assez complexe, voire triste, dans son décalage entre les égarements engagés et les tours de force de genre impressionnants. Entre l'excellent La 25ème heure et ce film-ci, il n'y a eu que le médiocre She Hate Me, un retour aux mises en question poussives de notre société, surchargé du malaise d'être afro-américain aux Etats-Unis dont Lee a fait son fond de commerce lourd et honorable depuis ses débuts. Si le réalisateur avait continué exclusivement dans ses diatribes contre la culture blanche américaine, nous ne porterions probablement plus aucun intérêt à son oeuvre répétitive et peu fine. Rien qu'après des désastres filmiques aussi tendancieux que He Got Game et The Very Black Show, nous pensions que Lee était un faiseur de films fini qui n'avait plus rien à dire. Grâce au sursaut phénoménal de la dernière journée d'un ancien dealer avant la prison cependant, jusqu'à ce jour le meilleur film de Lee à notre humble avis, notre foi en lui était temporairement rétablie. Et cette histoire de braquage haletante et complexe nous conforte dans l'idée qu'en dessous de tous ces pamphlets raciaux mal exprimés se cache un metteur en scène de premier ordre, qui aurait très bien pu faire fortune s'il s'était vendu au cinéma de genre hollywoodien.
Inside Man est avant tout un divertissement d'une grande efficacité, un jeu du chat et de la souris dont des légendes du cinéma sont fabriquées. La précision de l'intrigue se base d'abord sur un scénario très solide, qui n'invente pas tellement mais qui assemble très adroitement des éléments déjà vus auparavant. Les différents revirements de l'histoire fonctionnent ainsi moins comme des surprises qu'en tant que conclusion logique d'une construction narrative de haut vol. Dans ce contexte, les séquences d'interrogatoire ne visent point à perturber la tension du siège de la banque, mais, au contraire, à ajouter des pièces supplémentaires au puzzle astucieux qui finira par démasquer, oui ou non, le coupable. Néanmoins, le scénario n'est pas entièrement dépourvu de reproches. Comme dans presque chaque policier, de petites incohérences demeurent et la longue conclusion a plutôt tendance à s'essouffler, là où le rythme de la prise d'otage était d'une minutie impeccable.
La mise en scène de Spike Lee fait une fois de plus preuve, après La 25ème heure, d'une très grande maîtrise de ses moyens et elle ne se permet que deux égarements mineurs (l'avancée rapide de Frazier après un événement dramatique et la mise en perspective de Case à son bureau). Moins stylisé que dans le film précité, le travail de Lee se met complètement au service de son histoire et son ambition d'égarer intelligemment le spectateur. Il est soutenu de façon irréprochable par une distribution royale (Washington, Foster, Owen & Plummer) et une bande originale une fois de plus magistrale de la part de Terrence Blanchard. Le métissage astucieux de la musique, qui commence et clôt le film sur une chanson énergique de Bollywood, se retrouve dans la façon subtile que Lee a trouvée de glisser quelques observations pertinentes sur les rapports raciaux aux Etats-Unis dans un cadre principalement divertissant. Comme quoi, il n'y a point besoin d'un prêche pesant pour faire passer son message sur le racisme au quotidien ou l'endoctrinement des enfants par les jeux vidéos violents.
Pas tout à fait à la hauteur du chef-d'oeuvre qu'est La 25ème heure, Inside Man compte tout de même parmi les meilleurs films de braquage qui soient, immédiatement derrière les aventures de Danny Ocean vues par Steven Soderbergh et Un après-midi de chien !
Vu le 24 mars 2006, à la Salle UIP, en VO
Note de Tootpadu: