Enfermés dehors

Enfermés dehors
Titre original:Enfermés dehors
Réalisateur:Albert Dupontel
Sortie:Cinéma
Durée:87 minutes
Date:05 avril 2006
Note:
Roland est un clochard qui passe son temps à sniffer de la colle et à sauter sur des matelas pourris. Jusqu'au jour où il trouve l'uniforme d'un policier qui l'a laissé là, sur un pont, avant de se suicider. Puisque les forces de l'ordre ne prennent pas son histoire au sérieux, Roland décide d'enfiler lui-même la tenue de policier. De quoi lui donner des idées farfelues qui dépassent la première urgence alimentaire ...

Critique de Tootpadu

La carrière d'Albert Dupontel au cinéma, après des débuts très médiatisés à la télé, suit deux trajectoires tout à fait distinctes qui se complètent, mais qui ont aussi beaucoup de mal à se ressembler. En tant qu'acteur, la réputation, voire le prestige, de Dupontel se base principalement sur quatre rôles magistraux, deux premiers et deux seconds. Dans La Maladie de Sachs et Le Convoyeur le comédien a prouvé, grâce à son immersion totale dans des rôles difficiles, qu'il était parfaitement capable de porter tout un film. Et dans Irréversible et Fauteuils d'orchestre ses prestations limitées dans le temps ont pourtant laissé une impression indélébile. Aux antipodes de l'intensité sérieuse qui caractérise son travail chez d'autres réalisateurs, Dupontel se lance à bout de bras dans la comédie la plus débile et la plus exacerbée dans ses propres films. Ainsi, l'humour dans Le Créateur est non seulement de mauvais goût, entièrement assumé d'ailleurs, mais aussi assez énervant à la longue. C'est comme si cet acteur accompli avait besoin d'un terrain de défoulement après ses rôles dramatiques déprimants.
Le ton de son troisième film garde l'aspect débridé qui faisait de ses réalisations précédentes des divertissements déjantées. Cependant, en s'inspirant considérablement de l'engagement social d'un Charles Chaplin, il y ajoute une petite touche militant en faveur des démunis qui apporte le poids nécessaire à l'ancrage du récit. Les corps ont ainsi beau être malmenés dans tous les sens et l'incompréhension entre les personnages a beau atteindre des proportions énormes, et énormément hilarantes, le traitement de thèmes aussi universels que l'exploitation sociale et économique, la publicité et les abus des forces de l'ordre n'en est pas moins piquant pour autant. Pour la première fois, Albert Dupontel semble être sorti de sa bulle de cinéaste aux préoccupations nombrilistes pour, certes, rentrer dans l'univers établi d'un maître de la comédie douce-amère (voir les très nombreuses références à Chaplin). Mais en même temps, il sait se réapproprier ce monde des paumés aux rêves romantiques et le retourner par des sauts désinvoltes jusqu'à ce qu'il n'y ait plus qu'une histoire attachante et survoltée. Sa démarche n'arrive peut-être pas à dresser Roland, le flic improvisé, tel un héros des temps modernes, mais il inscrit désormais son parcours de réalisateur irrévérencieux dans une lignée bien plus prestigieuse (qui comprend également Buster Keaton et Harold Lloyd) que ne le laissait espérer son film hystérique précédent.

Vu le 14 mars 2006, à l'UGC Normandie, Salle 1

Note de Tootpadu: