Fauteuils d'orchestre

Fauteuils d'orchestre
Titre original:Fauteuils d'orchestre
Réalisateur:Danièle Thompson
Sortie:Cinéma
Durée:105 minutes
Date:15 février 2006
Note:
Pour ceux qui rêvent du luxe, mais qui ne disposent pas de moyens suffisants pour se l'offrir, il existe toujours l'alternative de côtoyer les gens riches et célèbres en travaillant pour eux. Comme Jessica, qui monte de Mâcon à Paris pour y oublier les déboires récents de sa vie privée. Une fois engagée au Bar des Théâtres, elle n'arrêtera pas de croiser des gens du spectacle, dont une actrice qui joue une pièce de Feydeau juste en face et qui passe ses nuits sur le plateau d'un feuilleton ringard, un pianiste qui étouffe dans le carcan des salles de concert, ainsi qu'un collectionneur qui se sépare de toutes ses oeuvres d'art.

Critique de Tootpadu

A une époque de plus en plus lointaine, Claude Lelouch était le maître incontesté d'un certain cinéma français, mondain, locace et soyeux. Il était facile de lui reprocher un nombrilisme exigu et des artefacts scénaristiques gratuits, mais il n'y avait personne d'autre à parler d'une certaine tranche de la société parisienne comme lui. Depuis, sa descente artistique ne ralentit plus et ses derniers films, immondes, ne sont même plus l'ombre de leurs illustres prédécesseurs.
Si l'on nous avait dit que nous retrouverions un jour cette verve lelouchienne chez Danièle Thompson, la fille d'un cinéaste d'une trempe autrement populaire, nous aurions eu du mal à y croire. Scénariste depuis sa jeunesse, la cinéaste ne s'est essayé à la mise en scène que depuis désormais trois films. Et quels films ! Dans La Bûche et Décalage horaire, elle faisait preuve d'une niaiserie consensuelle pratiquement insupportable. Alors que l'histoire abracadabrante d'une rencontre à l'aéroport était simplement très, très fade, sa réunion de Noël compte, pour nous, parmi les films les plus affligeants qui soient. La seule chose qui nous intéresse dans son troisième opus était par conséquent la distribution, fort hétéroclite.
Quelle heureuse surprise, voire quel enchantement, alors, de découvrir une comédie à la française parfaitement maîtrisée, qui dépasse de loin nos attentes. L'imbrication des différents fils de l'histoire est ainsi très réussie, grâce au lien fort qui les unit (la pimpante Cécile De France) et à la profonde humanité avec laquelle Danièle Thompson traite chacun d'entre eux. Le drame et la comédie habitent ainsi côte à côte, avec comme base commune la passion de l'art et le regard joyeusement naïf du personnage principal. Le petit monde de l'avenue Montaigne est peuplé d'autant de prétentieux que de nostalgiques, on y croise des hommes et des femmes à un croisement important ou à la fin de leur vie. Derrière les façades emblématiques du théâtre, de la salle de concert ou des enchères, et du bar, la vie cherche continuellement à se frayer son chemin, de façon innocente ou désespérée, mais toujours assez affirmée pour garder le récit loin des poncifs ou de l'étouffement par excès de conventions. Car la prouesse de Danièle Thompson, et de son fils avec lequel elle a co-écrit le scénario, consiste à mettre des personnages en chair et en os dans des situations et des décors vus d'innombrables fois auparavant. Ce monde des riches et des artistes confirmés restera inaccessible pour la très grande majorité des spectateurs, mais cela ne nous empêche pas de procéder comme le personnage de la grand-mère : le fréquenter comme un simple observateur privilégié, émerveillé en dépit de son exclusivité.
Le scénario et la mise en scène sont donc sans le moindre reproche, des exemples malheureusement de plus en plus rares d'un cinéma populaire sophistiqué et divertissant. Mais le véritable point d'excellence est celui qui nous avait rendu d'emblée curieux : les comédiens et comédiennes. Outre une très grande cohésion d'ensemble, quelques interprétations se distinguent encore plus, si cela est possible. Claude Brasseur et sa sagesse meurtrie, Albert Dupontel et sa mise en question libératrice, Valérie Lemercier et son cabotinage exquis, et enfin la grande Suzanne Flon dans son dernier rôle : les tours de force ne manquent pas dans ce microcosme très attachant.
L'excellence de ce plaisir coupable très divertissant se poursuit finalement à travers une bande originale enjouée composée par Nicola Piovani et des vues étincelantes de la plus belle ville du monde.
Le cinéma de Claude Lelouch respire encore, sauf que ce n'est plus lui qui le fait, mais une relève entièrement insoupconnée !

Vu le 23 janvier 2006, au Planet Hollywood Champs-Elysées

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Comme le fait ce très beau film, je dédie ma critique à une grande dame du cinéma qui nous a quitté, Suzanne Flon.

Justement, Suzanne Flon qui interprète la grand-mère de Jessica (Cécile de France) est décédée en juin 2005 peu après la fin du tournage à l'âge de 87 ans. Le scénario de Fauteuils d'Orchestre quant à lui a été écrit par Danièle Thompson en collaboration avec son fils Christopher Thompson comme ses deux précédents longs-métrages, La Bûche et Décalage horaire.

Ce film est un peu un Short cuts à la française, toute l’action se passe dans le même quartier, le 8ème arrondissement de Paris, le quartier le plus chic de la ville… . Tout dans ce film sonne vrai, aussi bien le scénario, que le casting composé de : Cécile de France, Albert Dupontel, Valérie Lemercier, Claude Brasseur, Laura Morante, Christopher Thompson (acteur et scénariste), Dani et le grand Sydney Pollack. Tous ces acteurs jouent pour le plaisir de jouer et cela se voit à l’écran. On est bien loin des comédies dénuées d’intérêt comme Les Bronzés 3 et Incontrôlable sorties récemment. Avec ce film, on retrouve enfin du vrai et bon cinéma français. Un cinéma qui ne prend pas les spectateurs pour des français moyens, et qui n’a que pour fonction de nous distraire intelligemment, c’est déjà beaucoup actuellement…

A voir donc au cinéma avant de pouvoir le revoir en dvd…

Vu le 20 février 2006 à 17h45 salle 05 au Gaumont du Disney Village

Note de Mulder: