Mother and child

Mother and child
Titre original:Mother and child
Réalisateur:Rodrigo Garcia
Sortie:Cinéma
Durée:126 minutes
Date:17 novembre 2010
Note:
Trente-cinq ans après sa naissance, l’avocate Elizabeth revient à Los Angeles pour travailler dans le cabinet de Paul. Elle n’a jamais connu sa mère, qui avait accouché d’elle à quatorze ans et l’avait abandonnée immédiatement après. Depuis ce jour, Karen regrette sa décision même si elle n’avait guère le choix. Elle entretient une relation imaginaire avec Elizabeth, dont elle n’a pourtant jamais osé retrouver la trace. En même temps, Lucy et son mari Joseph cherchent à adopter leur premier enfant.

Critique de Tootpadu

Nous devrions remercier les dieux du cinéma pour la présence d’Annette Bening à ce festival de Deauville ! Parfaitement méconnaissable par rapport à son interprétation d’une mère lesbienne déterminée à protéger sa famille coûte que coûte dans le merveilleux Tout va bien The Kids are alright que le public local découvrira sous peu, elle campe ici une femme acariâtre et caractérielle, qui rend l’identification particulièrement difficile, peu importe ses choix de vie désastreux. Karen est une femme dure et renfermée, qui s’est construit un semblant de vie sans la moindre chaleur humaine, obnubilée par le chagrin d’avoir dû abandonner sa fille quand elle n’était elle-même qu’une gamine. Le retour à la vie lui paraît impossible, et cela d’autant plus qu’elle se rend inaccessible à ceux ou celles qui font néanmoins l’effort d’aller vers elle. Annette Bening joue ce personnage antipathique sans lui faire le moindre cadeau. Elle ne prend pas plus soin de son corps que de ses relations et s’apparente du coup à une vieille fille amère, qui regarde la vie filer sous ses yeux avec une indifférence quasiment pathologique.
Par la volonté du scénario manipulateur du réalisateur Rodrigo Garcia, sa fille biologique, jouée par une Naomi Watts qui se laisse aussi peu aller à l’effusion de sentiments que Bening, a adopté un style de vie comparable. Directive et indépendante, elle fuit la moindre attache pour se protéger de ces déceptions incontournables, qui ont anéanti l’existence de sa mère dès l’adolescence. C’est dans cette brutalité des expressions verbales et physiques que Mother and child se démarque le plus agréablement d’un mélodrame lambda. Les personnages du récit choral sont pour la plupart sans remords, mais sans l’espoir non plus de voir un jour la bonne fée du bonheur débarquer dans leur vie. Aussi déprimante l’histoire soit-elle jusqu’au point de revirement obligatoire, elle a au moins l’avantage de rompre avec la gentillesse ou la méchanceté caricaturale avec laquelle le cinéma américain cherche trop souvent à polariser nos émotions. Karen, Elizabeth, et les autres sont entières dans leur résignation lucide à une vie terne, puisqu’elles ont fait depuis longtemps une croix sur l’éventualité d’un épanouissement sentimental.
Malheureusement, le scénario cherche par tous les moyens à nous prouver pendant le troisième acte à quel point cette attitude défaitiste était débile de la part de ces femmes séparées à la naissance, qui auraient pu se complémenter parfaitement. Les trois fils de l’histoire sont alors appelés à se rejoindre d’une façon lourdement artificielle, qui justifie au moins partiellement l’intrigue annexe du couple afro-américain prêt à adopter. A peine plus qu’un film de propagande sur les bienfaits indéniables de l’adoption, enrichi d’une histoire tragique de femmes qui fera sans aucun doute pleurer dans les chaumières, le cinquième film de Rodrigo Garcia dévoile alors la face décevante d’un conte sirupeux, inapte à maintenir jusqu’au bout le ton sans concession qui rendait initialement ses personnages si humains.

Vu le 9 septembre 2010, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Le festival de Deauville a pour valeur ajoutée de nous faire découvrir les futurs grands réalisateurs américains. Ce film ne déroge pas à cette règle et nous narre le portrait de trois femmes, dont la vie va se retrouver reliée à jamais. Le sujet du film est la relation entre la mère et la naissance de son enfant, voire son adoption ou sa recherche. Ce sujet fort est traité avec conviction et nous livre ainsi des moments très émouvants. Chacune des trois mères (Annette Bening, Naomi Watts, Kerry Washington) est meurtrie par son passé (abandon de son enfant, sentiment d'être abandonnée, infertilité).

L'émotion du réalisateur se ressent par sa manière de filmer cliniquement. Ce n'est ainsi pas un pur hasard si le personnage de Karen est une infirmière très minutieuse. De même, Naomi Watts, après son excellente interprétation dans Fair game, signe ici son plus grand rôle depuis Mulholland drive. Elle donne réellement vie à son personnage et se donne corps et âme (la scène de la naissance de son enfant et celle du balcon).

Par le traitement de son sujet, le réalisateur nous renvoie à notre passé et nous montre que donner vie est un miracle de la nature. Un jeune être vivant dans un autre être, c'est de la science-fiction comme le dit si bien la jeune aveugle sur le toit d'un immeuble, lors d'une discussion avec Elizabeth. Si les premières années qui suivent la naissance sont des années difficiles, comme le montre si bien le film, la suite n'est qu'un pur enchantement si la mère sait bien éduquer son enfant.

La question de l'équilibre entre le travail et les relations avec son entourage est abordée de la même manière, c'est-à-dire cliniquement, dans ce film. Ce n'est pas un hasard si Elizabeth rencontre le futur père de son enfant sur son lieu de travail ou que Karen rencontre son futur mari également sur son lieu de travail. De plus en plus de personnes rencontrent leur moitié à l'endroit où ils passent le plus de leur temps. Ce film très documenté respire la réalité et nous montre que son réalisateur, Rodrigo Garcia, s'y est totalement investi.

Mother and child a pleinement mérite le Grand prix du festival de Deauville et il me tarde de revoir ce très beau film.

Vu le 12 septembre 2010, au Casino, Deauville, en VO

Note de Mulder: