Company men (The)

Company men (The)
Titre original:Company men (The)
Réalisateur:John Wells
Sortie:Cinéma
Durée:102 minutes
Date:30 mars 2011
Note:
Directeur commercial de l’entreprise de transports GTX, Robert Walker est licencié du jour au lendemain, afin de réduire les sureffectifs et rendre les actions plus attractives aux yeux des investisseurs. Les priorités de sa vie d’antan, comme sa Porsche et son handicap au golf, perdent de leur importance au fur et à mesure que Robert désespère de ne pas retrouver un travail, susceptible de soutenir le style de vie de sa famille. Son ex-patron Gene McClary se préoccupe de l’avenir de son ancien poussin. Mais il est également inquiet que d’autres suppressions d’emplois pourraient viser des cadres encore plus âgés, comme son ami de longue date Phil Woodward, qui avait mis des décennies pour franchir les niveaux de la hiérarchie.

Critique de Tootpadu

La crise économique ne date pas de hier. Le cinéma américain avait même déjà tenté d’en tenir compte, dans In the air de Jason Reitman, qui s’était par contre principalement penché sur la vacuité très personnelle du personnage interprété par George Clooney. Jusqu’à ce jour, il manquait cependant un film grand public qui montrait sans fard les conséquences sociales de cette hémorragie économique. C’est désormais chose faite, grâce au premier film de John Wells, le conte sobre d’un passage à vide, déclenché par le genre de chômage subit qui devrait faire cauchemarder tous les employés par les temps incertains qui courent. Le destin de Robert Walker n’a en effet rien d’exceptionnel, puisque la dégringolade sociale peut frapper n’importe qui, n’importe quand, et qu’elle prendra probablement dans la plupart des cas une forme comparable à celle de ce père de famille respectable, qui n’a que son optimisme pour le tirer d’affaire à 37 ans, un âge qui l’enferme dans la catégorie des vieux sur le marché hyper-compétitif du travail. De déceptions en obligations de se serrer chaque jour un peu plus la ceinture, le héros tragique de ce film prenant est le symbole brillamment révélateur d’une Amérique au bout du gouffre, qui n’a que sa propre ingéniosité et la fidélité lucide envers le rêve américain pour s’en sortir.
Les occasions d’espérer en des jours meilleurs sont en effet extrêmement rares pour Robert Walker et son entourage. Il n’y a pas de remède miracle à un chômage structurel, encore accentué par le manque d’éthique de la part de ceux et celles qui doivent prendre les décisions difficiles dans les bureaux du patronat. Ce n’est heureusement pas un prétexte pour The Company men à nous amadouer avec un déluge de bons sentiments. Face à la crise, le scénario sans fioriture nous indique certes les différentes attitudes à adopter. Mais la mise en scène à la fois pudique et assurée de John Wells ne transforme pas ces voies possibles, entre la résignation, la consternation, et la fuite d’une réalité inévitable, en un catalogue platement exhaustif. Dans toute sa douceur, l’impact émotionnel de la narration se fait sentir à chaque étape d’une déchéance irrémédiable, peu importe le caractère convenu de certaines issues, sur lesquelles le film passe en toute vitesse avec une dignité remarquable. Le message que le film cherche à faire passer, avec une colère au ventre qui le rapproche du cinéma engagé des années 1970, ce serait probablement que le salut pour ses personnages, et indirectement pour la nation américaine toute entière, ne réside pas en un maintien du statu quo, basé sur les chimères d’un matérialisme financé à crédit, mais dans un retour aux sources d’un esprit indépendant et entreprenant.
Entre des mains plus prétentieuses que celles de John Wells, ce conte moral aurait pu dégénérer sérieusement vers un ton larmoyant ou célébrant lourdement l’instinct de survie des Américains caricaturaux. Le scénario très solide et les interprétations d’une sincérité bouleversante de Ben Affleck, Tommy Lee Jones, et Chris Cooper, lui assurent au contraire une intensité et un sens de la précarité omniprésente, mais nullement fatale, qui n’a pas manqué de nous subjuguer.

Vu le 4 septembre 2010, au Casino, Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Notre société mondiale traverse une crise économique qui touche toutes les classes sociales. Le patronat, cherchant à maximiser ses coûts pour faire face à la crise et garder son niveau de rémunération, préfère licencier sans se soucier de ses employés, qui ne sont que des outils bons à être exploités au maximum et à être jetés au moindre vacillement économique. Ce film très réussi nous narre un de ces cas de licenciement : celui vécu par l'interprète principal (Ben Affleck) nous renvoie à nos peurs intérieures de perdre le respect d'autrui, de ne plus pouvoir nourrir notre famille, de ne plus pouvoir payer nos traites. A ce moment, nous prenons comme lui conscience que nos proches sont notre moteur de réussite et que leurs conseils judicieux sont forts utiles dans les moments difficiles.

La réussite de ce premier film du réalisateur John Wells tient à son casting principal : Ben Affleck, Tommy Lee Jones, Kevin Costner, et Chris Cooper. Les trois personnages principaux vont se retrouver face au chômage, un des plus grands maux de notre société. Le scénario très bien écrit permet à ces comédiens de donner le meilleur d’eux-mêmes. Ben Affleck trouve ici l'une de ses meilleures interprétations, après Will Hunting. Grâce au plaisir qu'il prend à jouer, les spectateurs rentreront pleinement dans cette histoire universelle.

Chacune des scènes de ce film nous montre l'impact que peut avoir le chômage sur notre état d'esprit. Ce mal peut pousser au suicide, à ne plus croire en soi, ou à devenir alcoolique pour noyer sa propre douleur. Cette thématique est abordée très respectueusement, sans chercher à émouvoir forcément. La sincérité du réalisateur est telle que nous ne pouvons qu’apprécier à sa juste valeur ce film. Nous sommes loin de ces mélodrames binaires cherchant à tirer les larmes aux spectateurs. Il montre aussi a quel point certains recruteurs, qui ne pensent qu'à leur propre intérêt, prennent les chercheurs d'emploi comme de simples données mathématiques. La recherche d'emploi présentée dans ce film est tellement bien décrite que les spectateurs pourront s’y reconnaître au moment où ils étaient eux-mêmes à la recherche d'un emploi.

La thématique de la reconversion professionnelle est traitée avec un degré d'ironie remportant notre adhésion. Voir un golden boy se retrouver charpentier montre que nous sommes bien tous prédestinés à tel ou tel métier. Chacun ne peut s'illustrer aussi vaillamment dans différentes classifications de l'ordre des métiers.

Ce film s'impose comme une réussite totale et nous montre que tout repose sur un bon scénario, des acteurs passionnés par leur rôle, qui ne jouent pas pour avoir leur cachet, et un réalisateur, véritable maître d'œuvre de l'ensemble.

Vu le 5 septembre 2010, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Mulder: