Sorties-Cinema - Propriété privée de Leslie Stevens – Un classique du cinéma à redécouvrir au cinéma le 7 septembre

Par Mulder, 11 août 2016

« Ce Fenêtre sur cour en Californie du Sud, tourné à l’aube de la révolution sexuelle, est une plongée atypique et fascinante dans l’univers féroce de la luxure. » The Guardian

Synopsis:

D ans une station-service de la Pacific Coast Highway, deux marginaux nommés Duke et Boots remarquent une élégante femme blonde dans une belle auto blanche. Ils grimpent dans la voiture d’un représentant de commerce et l’obligent à suivre l’auto jusqu’à sa destination finale, une villa cossue de Los Angeles. Par chance, la maison d’à côté est inoccupée et les deux hommes décident de s’y installer incognito pour épier leur nouvelle voisine, Ann, qui passe ses journées au bord de la piscine à attendre son mari. Duke a un plan : proposer ses services en tant que jardinier pour pouvoir pénétrer dans la villa…

Notes de production :

Propriété privée est le premier film du réalisateur américain Leslie Stevens, protégé d’Orson Welles – ils travaillèrent ensemble au Mercury Theatre, la compagnie de théâtre créée par le cinéaste de Citizen Kane – et futur créateur de la série de science-fiction Au-delà du réel (1963-1965). Propriété privée a été tourné en dix jours seulement dans la villa de Stevens, sur les hauteurs de Beverly Hills. C’est en voyant la maison d’à côté, inoccupée, que lui vient cette image de deux hommes en train d’espionner leur voisine. Il engage alors sa femme, l’actrice Kate Manx, pour jouer le rôle de la séduisante desperate housewife qui tombe rapidement sous le charme du manipulateur Duke. Tourné dans un magnifique noir et blanc signé Ted McCord, célèbre directeur de la photographie à qui l’on doit Le Trésor de la Sierra Madre de John Huston (1948) et À l’est d’Éden d’Elia Kazan (1955), Propriété privée est un inquiétant thriller néo-hitchcockien doublé d’une critique féroce de la superficialité de l’American Dream à l’ère Playboy. Warren Oates livre sa première grande interprétation dans le rôle de Boots, l’un des deux malfrats, quelques années avant sa consécration comme acteur phare du nouveau cinéma américain (chez Sam Peckinpah et Monte Hellman notamment). Aux côtés de l’acteur Corey Allen – célèbre pour son rôle de rival de James Dean dans La Fureur de vivre de Nicholas Ray (1955) –, il forme un duo atypique. Leur relation évoque celle des personnages de John Steinbeck, Lennie et George, dans Des souris et des hommes (1937) : une amitié indéfectible chez deux hommes que tout semble opposer (tant sur le plan physique qu’intellectuel), à laquelle le film ajoute un sous-texte homosexuel à peine dissimulé. Lors de sa sortie en 1960, Propriété privée jouit d’un parfum de scandale avec ses références sexuelles explicites et son voyeurisme revendiqué. La redécouverte de ce film noir majeur, invisible depuis sa sortie, et disponible dans son élégante restauration 4K, est un événement à ne pas manquer !

Propriété privée met en avant les rapports de classes existant entre les protagonistes et les déséquilibres qu’ils entraînent. Dès le début du film, à travers le personnage du conducteur pris en otage, le ton est lancé : « Il y a des choses qui ne se mélangent pas », en référence à l’attirance des deux voyous pour la fringante bourgeoise. Puis le titre apparaît à l’écran : « Private Property » (« Propriété privée »), rappel que la convoitise est mauvaise conseillère et que chacun doit s’en tenir à son milieu. En cette fin des années 1950 aux États-Unis, règne l’ère de la consommation effrénée, où le rêve de chacun est de consommer : les classes précaires désirent ce qu’elles ne peuvent posséder – voir les nombreux plans où Duke et Boots convoitent Ann en l’observant par la fenêtre – et les classes aisées dépensent sans compter – Ann change de vêtements à longueur de journée tandis que son mari la regarde comme si elle faisait partie du mobilier. Mais la frustration guette tout le monde : les deux voyous vont tout faire pour posséder l’inaccessible Ann, alors que cette dernière compense son manque de contact humain en achetant moult tenues affriolantes… et en tombant dans les bras de Duke. Car les pauvres vont finir par s’inviter – en usant plus ou moins de force – chez les bourgeois et bousculer leur monde. En un sens, Propriété privée annonce certains films à venir comme Orange mécanique de Stanley Kubrick ou Les Chiens de paille de Sam Peckinpah (tous deux réalisés en 1971), où les classes dominantes financièrement ou intellectuellement – se font envahir et persécuter par des voyous victimes d’une société de plus en plus schizophrène et inégalitaire. Une autre influence est à noter du côté du réalisateur autrichien Michael Haneke avec son célèbre Funny Games (1997, puis son remake américain en 2007), non seulement à travers son sujet – à nouveau une intrusion meurtrière au sein d’une famille aisée – mais aussi à travers son traitement proche du voyeurisme. Leslie Stevens suggère dans un certain nombre de plans l’implication du spectateur ; la scène où Duke et Boots observent Ann par la fenêtre, dos à la caméra, évoque un poste de télévision que les deux comparses regarderaient en sa compagnie. Près de quarante plus tard, Michael Haneke ira plus loin en intégrant le spectateur à son film lorsque son personnage de tueur psychopathe adresse un clin d’oeil à la caméra.

« Si le UCLA Film & Television Archive s’est initialement intéressé à ce projet, c’est qu’en tant qu’archives de télévision, nous préservons aussi du matériel de télévision », dit Jan- Christopher Horak, directeur du UCLA Film & Television Archive. « Nous avions le sentiment que le travail qu’avait fait Leslie Stevens pour la télévision n’avait pas été reconnu à sa juste valeur ; nous étions à la recherche d’éléments à préserver lorsque nous sommes tombés sur ce film, Propriété privée. Immédiatement, il est devenu la perle rare qui attendait d’être redécouverte. Le UCLA Film & Television Archive a eu beaucoup de chance de trouver et de préserver l’unique élément existant de ce film hollywoodien majeur et produit de façon indépendante qu’est Propriété privée. Le UCLA Film & Television Archive est mondialement reconnu pour ses efforts pionniers dans la sauvegarde, la préservation et la mise en valeur des médias audiovisuels, et a vocation de s’assurer que la mémoire visuelle collective de notre époque soit étudiée et appréciée par les générations à venir. Service public du département des arts du UCLA School of Theater, Film and Television, les archives constituent une ressource unique pour l’étude des médias ainsi que l’un des plus importants fonds audiovisuels au monde. Le centre de recherche et d’étude des archives assure un accès libre à son patrimoine aux chercheurs du monde entier quelle que soit leur discipline. Les archives sont renommées pour leurs efforts dans la restauration d’oeuvres audiovisuelles ; nombre de leurs projets sont ainsi projetés dans le monde entier dans le cadre d’événements prestigieux, et plus localement, au sein du Billy Wilder Theater de l’université UCLA.

Propriété privée (Private Property)
(1960, USA, 80 mn, Noir & Blanc, 1.66:1, VISA : 23 679)
Un film écrit et réalisé par Leslie Stevens
Avec Kate Manx (Ann Carlyle), Corey Allen (Duke), Warren Oates (Boots), Robert Ward (Roger Carlyle), Jerome Cowan (Ed Hogate)
Directeur de la photographie Ted Mccord A.S.C.
Assistant réalisateur Louis Brandt
Montage Jerry Young
Produit par Stanley Colbert

(Source : Communiqué de presse du 11 août 2016)