Prix - Oscars : L'horreur à l'aurore

Par Tootpadu, 06 mars 2006

Il y a des cérémonies des Oscars qui laissent un arrière-goût très amer. Jusqu'à ce matin, la dernière en date était celle d'il y a quatre ans, lorsque la victoire décevante d'Un homme d'exception était tout de même largement compensé par le beau couple gagnant formé par Halle Berry et Denzel Washington. En revanche, je mettrai certainement du temps avant de récupérer de la surprise cauchemardesque qui a clôturé les festivités de la 78ème remise des Oscars. Après une soirée, ou plutôt une matinée pour les Parisiens, assez divertissante mais sans réel coup d'éclat, devoir assister à la victoire finale d'un film aussi peu exceptionnel que Collision avait de quoi laisser pantois. En même temps, c'était malgré tout un peu naïf de ma part, et de la plupart des observateurs de la course, de croire que l'Academy allait enfin consacrer un film à la thématique gaie affirmée, qui a pris depuis sa sortie une allure de phénomène social aux Etats-Unis, qui avait cumulé le plus d'entrées parmi les cinq concurrents majeurs et qui était parti avec le plus de nominations. Comme quoi cette plus haute instance de la cinéphilie américaine est toujours aussi frileuse, lorsqu'il s'agit de couronner des films socialement dans l'air du temps - ou même un peu en avanace - et elle préfère plutôt un compromis autour d'un "feel-good-movie" (cette année, par défaut, c'était le "feel-bad-movie" qui l'a remporté) que de donner une impression progressiste. Dans ce contexte, le discours de remerciement de George Clooney, d'ailleurs le plus marquant avec celui d'Ang Lee, vantait un peu aveuglement les accomplissement des Oscars en termes de promotion de thèmes brûlants, mais ce qu'il faudra en retenir, après le choix final trop consensuel, c'est qu'il était avant tout heureux d'appartenir enfin à ce groupe exclusif de gens du cinéma.


Quant à l'émission, elle était plutôt divertissante, grâce aux attaques jouissivement vicieuses du maître de cérémonie Jon Stewart, à quelques astuces de présentation des catégories (Ben Stiller en habit vert pour les effets, Will Ferrell et Steve Carrell particulièrement mal maquillés pour, justement, le maquillage) et à la durée finalement très raisonnable (trois heures et demie). Certes, il y avait de petits ratés, comme Lauren Bacall qui a failli perdre le fil et qui avait visiblement oublié ses lunettes, ou les chorégraphies atroces des deux dernières chansons (alors que Dolly Parton toute seule sur scène était simplement renversante), mais outre la distribution des prix un peu trop à l'arrosoir (quatre films sont repartis finalement avec trois Oscars chacun), ç'aurait pu être une soirée agréable, sans la frustration de voir Brokeback Mountain partir bredouille.


Ah oui, cocorico, il y avait aussi les pingouins français qui ont gagné. Mais le discours de remerciement avec des grosses peluches très laides comptait plutôt parmi les moments embarrassants de la soirée. La "french touch" de Julie Delpy sur le plateau de Canal + pendant le tapis rouge était par contre infiniment plus classe et rafraîchissante. Dommage qu'elle soit partie avant le début de la cérémonie, voire même dommage tout court pour une soirée gâchée par la seule (mauvaise) surprise.