Prime-Video - Gen V Saison 2 : Sang, pouvoir et l'ombre de la perte

Par Mulder, 15 septembre 2025

La deuxième saison de Gen V arrive avec à la fois le poids des attentes et la lourde ombre de la tragédie, mais ce qui aurait pu être un obstacle devient l'un de ses atouts les plus poignants. Dès les premières images, une simple dédicace rappelle aux téléspectateurs la perte de Chance Perdomo, dont la mort dans un accident de moto a choqué les acteurs, l'équipe et les fans. Son absence dans le rôle d'Andre Anderson n'est pas ignorée, mais intégrée dans la trame même de la saison. Le chagrin causé par la mort de son personnage se reflète dans celui de ses collègues, Sean Patrick Thomas endossant un rôle central en tant que Polarity, le père d'Andre, dont la santé défaillante et le moral brisé confèrent à la série une profondeur émotionnelle rarement trouvée dans les récits de super-héros. Cette décision d'accepter la perte plutôt que de l'esquiver donne le ton à une saison qui allie spectacle et sincérité.

Le monde dans lequel évoluent ces personnages est plus sombre et plus autoritaire qu'auparavant. Avec Homelander, incarné par Antony Starr, qui consolide son pouvoir et Starlight, incarnée par Erin Moriarty, qui se cache, l'université Godolkin devient le microcosme d'une société au bord du gouffre. Dans ce climat tendu fait son apparition le nouveau doyen énigmatique, Cipher, interprété avec un plaisir déconcertant par Hamish Linklater. La présence de Linklater est magnétique et profondément dérangeante, celle d'un tyran universitaire dissimulé sous un discours d'« optimisation » et de suprématie des super-héros, dont les cours résonnent de connotations fascistes. Cipher n'est pas seulement un méchant au sens traditionnel du terme ; il est le reflet effrayant des dirigeants autoritaires, qui dissimulent leur haine derrière un discours de force et de pureté. Chacune de ses scènes est empreinte de menace, et la série trouve en lui peut-être son antagoniste le plus fascinant depuis Homelander lui-même.

Au cœur de la saison se trouve Marie Moreau, incarnée par Jaz Sinclair, dont le parcours, de fugitive à leader malgré elle, est à la fois une étude de personnage et une métaphore de toute une génération aux prises avec un traumatisme. Sa capacité à manipuler le sang, autrefois considérée comme grotesque, devient un symbole de résilience et d'identité, un pouvoir né de la douleur mais utilisé à bon escient. La performance de Sinclair anc À ses côtés, Emma, incarnée par Lizze Broadway, oscille entre humour et déchirement et s'avère être le cœur émotionnel du groupe, en particulier lorsqu'elle est en proie à la culpabilité face à la manipulation de son image publique par Vought. Les doubles performances de London Thor et Derek Luh dans le rôle de Jordan continuent d'impressionner, apportant de la nuance à un personnage qui incarne la fluidité non seulement en matière de genre, mais aussi de moralité et de loyauté.

Alors que la première saison s'appuyait souvent sur le choc pour se forger une identité, la deuxième saison fait preuve de plus d'assurance dans sa narration. Oui, le gore est toujours présent — corps explosés, mutations grotesques et l'absurdité totale désormais caractéristique de la série — mais il ne définit plus le récit. Au contraire, il ponctue une histoire qui s'intéresse beaucoup plus à l'interrogation du pouvoir, du deuil et de la complicité. L'introduction du « Projet Odessa », dont les origines remontent à l'arrogance scientifique des années 1960, relie les crises actuelles aux péchés des générations passées. Elle rappelle avec force que les jeunes héros de Godolkin ne se battent pas seulement contre des institutions corrompues, mais qu'ils sont aussi les héritiers des ambitions imprudentes de leurs aînés. En ce sens, la deuxième saison de Gen V ressemble moins à une évasion qu'à une allégorie, reflétant les angoisses d'un monde où les idéologies autoritaires et les divisions générationnelles dominent l'actualité.

Pourtant, cette série reste profondément liée à son aînée. Les caméos de The Boys nous rappellent l'univers plus large — parfois enrichissant, parfois distrayant — mais ce qui fait la vitalité de Gen V, c'est son insistance à se forger son propre espace émotionnel. La satire est acerbe, parfois un peu lourde, mais le travail sur les personnages garantit qu'elle ne sombre jamais dans la parodie. La romance entre Marie et Jordan, même si elle n'est pas toujours convaincante, offre des moments de tendresse dans un monde par ailleurs brutal. Par ailleurs, le personnage de Cate, interprété par Maddie Phillips, apparaît comme l'un des plus complexes, sa trahison envers ses amis jetant une ombre sur elle alors qu'elle oscille entre culpabilité et conviction. Même Sam, interprété par Asa Germann, malgré un arc narratif précipité, contribue à l'exploration du traumatisme et de la manipulation dans cette saison.

La plus grande réussite de cette deuxième saison est peut-être la façon dont elle transforme une tragédie réelle en une narration profonde sans exploitation. En intégrant la perte de Chance Perdomo au cœur de l'histoire, la série devient non seulement une continuation de l'univers de The Boys, mais aussi une réflexion sur le deuil, la résilience et la nécessité de continuer lorsque les héros, fictifs ou réels, tombent. Elle est parfois confuse, inégale dans son rythme et parfois alourdie par les obligations de la franchise, mais elle vibre d'urgence et d'honnêteté émotionnelle. Si la première saison a prouvé que Gen V était plus qu'un simple spin-off, la deuxième confirme qu'il s'agit d'une série capable de rivaliser avec The Boys, offrant non seulement de la satire et du gore, mais aussi du cœur et de l'humanité.

Synopsis :
La rentrée scolaire est arrivée. Alors que le reste de l'Amérique s'adapte à la poigne de fer de Homelander, à l'université Godolkin, le mystérieux nouveau doyen prône un programme qui promet de rendre les étudiants plus puissants que jamais. Cate et Sam sont des héros célèbres, tandis que Marie, Jordan et Emma retournent à contrecœur à l'université, accablés par des mois de traumatismes et de pertes. Mais les fêtes et les cours sont difficiles à prendre au sérieux alors qu'une guerre se prépare entre les humains et les super-héros, tant sur le campus qu'à l'extérieur. Le groupe découvre l'existence d'un programme secret qui remonte à la fondation de l'université Godolkin et qui pourrait avoir des implications plus importantes qu'ils ne le pensent. Et, d'une manière ou d'une autre, Marie en fait partie.

Gen V
Basé sur The Boys Volume 4 : We Gotta Go Now de Garth Ennis, Darick Robertson et John Higgins
Développé par Craig Rosenberg, Evan Goldberg, Eric Kripke
Showrunners Michele Fazekas, Tara Butters
Avec Jaz Sinclair, Chance Perdomo, Lizze Broadway, Maddie Phillips, London Thor, Derek Luh, Asa Germann, Shelley Conn
Compositeurs : Matt Bowen, Christopher Lennertz
Producteurs exécutifs : Craig Rosenberg, Eric Kripke, Seth Rogen, Evan Goldberg, James Weaver, Neal H. Moritz, Ori Marmur, Pavun Shetty, Ken Levin, Jason Netter, Michaela Starr, Garth Ennis, Darick Robertson, Michele Fazekas, Tara Butters, Sarah Carbiener, Erica Rosbe, Aisha Porter-Christie, Judalina Neira, Zak Schwartz
Sociétés de production : Fazekas & Butters, Kripke Enterprises, Point Grey Pictures, Original Film, Kickstart Entertainment, KFL Nightsky Productions, Amazon MGM Studios, Sony Pictures Television Studios
Réseau : Amazon Prime Video
Diffusion : 29 septembre 2023 – présent
Durée : 39 à 59 minutes

Photos : Copyright Amazon MGM Studios