Il y a des films qui suscitent l'enthousiasme. Il y a des films qui divisent. Et puis, il y a des films qui suscitent... le silence. Un silence gênant, inconfortable. Superman, le reboot de DC Studios réalisé par James Gunn, devrait, sur le papier, être un événement pop culture. Il s'agit du premier volet d'un nouvel univers cinématographique, de la résurrection tant attendue de l'un des personnages les plus emblématiques de la fiction, et du projet censé marquer la renaissance créative de DC après une décennie de ratés chaotiques. Mais au lieu d'une vague d'anticipation, ce que nous constatons, surtout en France, c'est l'indifférence du public et le mépris ouvert de la machine publicitaire du film, en particulier à l'égard de la presse indépendante et en ligne. Et il ne s'agit pas seulement de difficultés passagères. Cela pourrait être les premiers signes avant-coureurs d'un échec spectaculaire.
Le problème central du film est peut-être qu'il veut être tout pour tout le monde, ce qui est toujours risqué. Superman est présenté à la fois comme un nouveau départ et une lettre d'amour au passé, à la fois mythique et moderne, sincère et plein d'esprit, terre-à-terre et cosmique. James Gunn, connu pour son style singulier dans Les Gardiens de la Galaxie et The Suicide Squad, a la lourde tâche de porter non seulement un film, mais tout un univers cinématographique sur ses épaules. Les attentes sont énormes. On attend de lui qu'il restaure la noblesse et le charme de Clark Kent, qu'il injecte de l'humour sans tomber dans la parodie, qu'il modernise l'univers sans effacer son héritage et, simultanément, qu'il reconquière les fans déçus par le chaos fragmenté qu'était le DCEU. Ce n'est pas un film. C'est un champ de mines.
Ce qui rend la situation encore plus précaire, c'est le climat culturel actuel. Superman n'est plus l'icône universellement aimée qu'il était autrefois. Pour certains, il est dépassé, trop lisse, trop simpliste, trop parfait. À une époque où les anti-héros imparfaits dominent les écrans et où l'ambiguïté morale règne en maître, Superman a souvent eu du mal à se sentir pertinent. Les tentatives passées pour le moderniser ont été accueillies avec division : la représentation sombre et christique de Zack Snyder a divisé les fans en deux camps. James Gunn veut revenir à l'optimisme, à l'espoir. Mais cet espoir doit sembler réel, et non fabriqué. Et avec un ton qui semble osciller entre révérence et détachement effronté, Superman risque de se retrouver dans un entre-deux, ni assez inspirant pour être émouvant, ni assez incisif pour être vraiment divertissant.
Et puis il y a le casting. David Corenswet, bien qu'il soit un acteur talentueux, est encore inconnu du grand public. Il n'a pas encore le poids iconographique nécessaire pour imposer instantanément sa présence à l'écran comme l'ont fait Christopher Reeve ou même Henry Cavill. De même, Rachel Brosnahan est une actrice chevronnée avec une excellente palette, mais son alchimie avec Corenswet reste à prouver. Le reste de la distribution, de Nicholas Hoult dans le rôle de Lex Luthor à Skyler Gisondo dans celui de Jimmy Olsen, ressemble à un patchwork de choix intéressants, mais il y a peu de cohésion dans la façon dont ces acteurs s'intègrent dans un univers, en tant qu'ensemble crédible. Et c'est en grande partie ce qui a fait le succès des films Superman originaux : un sentiment d'unité intemporelle, de mythe humanisé. Ici, cela ressemble davantage à un reboot tendance, assemblé à partir d'une liste de souhaits en matière de casting.
Mais le plus frustrant et le plus révélateur dans toute cette production ne réside pas dans le film lui-même, mais dans la façon dont il est commercialisé. En France, la stratégie de relations publiques pour Superman est un véritable modèle d'aliénation. La presse en ligne, les médias indépendants et les journalistes spécialisés dans la culture pop qui ont soutenu le cinéma de super-héros contre vents et marées ont été complètement écartés. Pas de dossier de presse. Pas d'interviews. Pas d'informations. Aucun accès prévu pour les critiques en ligne ou les petits médias. C'est un mur de silence de la part des canaux de relations publiques français de Warner Bros. Discovery, et ce silence en dit long. À une époque où le journalisme traditionnel sur papier est en déclin et où le jeune public dépend presque entièrement du contenu numérique pour ses recommandations cinématographiques, cette approche semble non seulement dépassée, mais aussi arrogante.
Soyons clairs : les médias en ligne ne sont plus les outsiders. Ils sont au cœur des conversations. Qu'il s'agisse d'interviews approfondies, de buzz sur les réseaux sociaux, d'analyses YouTube réalisées par des fans ou de la culture des réactions sur TikTok, c'est dans la sphère de la presse numérique que naît et se maintient l'intérêt. Ignorer cet écosystème, en particulier dans un pays comme la France où les médias de niche et les blogs consacrés à la culture pop continuent de bénéficier d'un lectorat passionné et fidèle, revient à priver le film de son propre avenir. Ce manque d'accès n'est pas seulement insultant, il est stratégiquement stupide. Ce sont précisément ces médias qui auraient amplifié l'enthousiasme, contextualisé la vision créative et établi des ponts avec les fans sceptiques. Au lieu de cela, ils ont été traités comme des nuisances, voire pire, comme des éléments sans importance.
L'ironie ? Superman est censé être un film sur l'inclusion. Sur l'espoir. Sur la construction d'un monde meilleur. Et pourtant, la manière dont il est traité par les équipes de promotion françaises reflète exactement le contraire : un retour cliquable et sourd à une stratégie médiatique d'un autre âge qui privilégie le contrôle à l'engagement. Ce n'est pas seulement décevant, c'est emblématique d'un problème plus large dans la production cinématographique à grand spectacle aujourd'hui. Les studios continuent de prétendre que le paysage médiatique n'a pas changé. Ils continuent de privilégier les médias traditionnels prestigieux tout en ignorant les voix indépendantes qui, à maintes reprises, ont permis au cinéma de genre de rester dans le débat.
Au final, cette mauvaise gestion, tant au niveau de la vision créative que de la communication avec le public, risque de faire de ce film Superman moins un retour héroïque qu'une occasion manquée. Un film qui s'efforce tellement de redéfinir un personnage qu'il en oublie de raconter une histoire captivante. Un film tellement soucieux de lancer une franchise qu'il en oublie de susciter un véritable enthousiasme. Et pire encore, un produit culturel qui prétend s'adresser à tous, alors que ses gardiens excluent systématiquement les personnes les plus désireuses de contribuer à son succès.
Si le symbole de Superman représente vraiment l'espoir, alors l'équipe derrière ce reboot devrait peut-être commencer par croire en autre chose que les listes de presse traditionnelles. Car sinon, le plus grand ennemi du film ne sera pas Lex Luthor, mais l'inutilité.
Synopsis :
Le portrait d'un Superman animé par la compassion et guidé par une foi inébranlable en la bonté humaine.
Superman
Écrit et réalisé par James Gunn
D'après les personnages de DC
Produit par Peter Safran, James Gunn
Avec David Corenswet, Rachel Brosnahan, Nicholas Hoult, Edi Gathegi, Anthony Carrigan, Nathan Fillion, Isabela Merced
Directeur de la photographie : Henry Braham
Montage : William Hoy, Craig Alpert
Musique : John Murphy, David Fleming
Sociétés de production : DC Studios, Troll Court Entertainment, The Safran Company
Distribué par Warner Bros. Pictures
Date de sortie : 9 juillet 2025 (France), 11 juillet 2025 (États-Unis)
Durée : 130 minutes
Photos : Copyright 2025 Warner Bros. Entertainment. Tous droits réservés. TM & © DC