Avec son quatrième volume, Love, Death & Robots revient en force sur la plateforme Netflix avec une nouvelle série d'animes chaotiques (et pas si animés que ça), réaffirmant ainsi sa place parmi les projets les plus expérimentaux, bizarres et artistiquement audacieux du streaming contemporain. Réalisé une fois de plus par le duo de choc Tim Miller et David Fincher, avec une distribution tournante d'animateurs et de réalisateurs allant de Robert Valley à Jennifer Yuh Nelson, le volume 4 prouve, à tout le moins, que les frontières du genre narratif peuvent encore être repoussées, brisées et joyeusement ignorées. À travers dix courts métrages inédits, la série continue de démontrer sa capacité à passer d'un ton, d'un style et d'un univers à l'autre, équilibrant comédie burlesque et angoisse existentielle avec la grâce d'un poète ivre trébuchant vers la transcendance. C'est une anthologie qui savoure son statut de terrain de jeu pour l'animation adulte, où les seules règles sont la bravoure visuelle et l'audace conceptuelle, et où même celles-ci sont souvent bouleversées.
C'est Can't Stop, un rêve fiévreux de marionnettes pop réalisé par David Fincher, qui ouvre la saison de la manière la plus inattendue en réinventant le légendaire concert des Red Hot Chili Peppers au château de Slane à travers le prisme surréaliste de la supermarionation. À première vue, ce court métrage semble être un hommage ludique aux racines de Fincher dans le domaine du clip vidéo – il a en effet contribué à définir le genre dans les années 80 et 90 –, mais sous les cordes méticuleusement animées et l'éclairage brillant, il se dégage un sentiment troublant de détachement. Les Chili Peppers sont réincarnés en marionnettes étranges, jouant devant un public tout aussi suspendu. C'est comme si l'industrie musicale tout entière, artistes et fans confondus, était manipulée par des forces invisibles, au sens figuré comme au sens propre. Il n'y a pas d'intrigue, pas de rebondissement ni de morale, juste une impression de spectacle étrange. Et c'est peut-être là le but : l'art comme produit, l'artiste comme marionnette et la musique comme performance sans fin, en boucle, à l'ère algorithmique. Le fait que ce morceau ouvre la saison est à la fois déconcertant et brillant : un défi lancé avec style, sinon avec substance.
À partir de là, le volume s'engage dans un territoire plus riche en narration avec Spider Rose, une saga cyberpunk envoûtante et magnifiquement réalisée qui revient à l'univers biomécanique exploré pour la première fois dans Swarm, le volume 3. Réalisé par Jennifer Yuh Nelson, ce court métrage est sans doute le point d'ancrage émotionnel de la saison, tissant le deuil, la vengeance et la rédemption inattendue dans un arc narratif compact mais puissant. Au centre se trouve une femme en deuil, mécanisée et endurcie par la perte, qui se retrouve liée – d'abord par nécessité, puis par affection – à une créature extraterrestre dotée d'une intelligence étrange, presque enfantine. L'animation s'appuie ici fortement sur des textures et un éclairage hyperréalistes, ancrant ses éléments fantastiques dans un réalisme visuel qui renforce son poids émotionnel. Ce qui distingue Spider Rose de tant d'autres, ce n'est pas seulement la construction de son univers, qui fait allusion à des couches de politique et d'histoire interstellaires, mais aussi l'évolution de ses personnages, qui se dévoile avec subtilité et retenue. On ressent chaque pulsation de douleur, chaque changement dans la boussole morale de la protagoniste, et la note finale de catharsis frappe comme un coup de poing dans le ventre.
À l'opposé, Smart Appliances, Stupid Owners, réalisé par Patrick Osborne, se délecte de l'absurdité avec une vignette comique qui anthropomorphise une multitude d'appareils intelligents, allant d'une brosse à dents électrique suffisante à des toilettes intelligentes surmenées, auxquels sont donnés une voix (et une attitude) dans un style visuel inspiré de l'animation en pâte à modeler. C'est Love, Death & Robots dans ce qu'il a de plus espiègle, une diversion délicieuse qui joue sur notre relation de plus en plus symbiotique et absurde avec la technologie. Le casting vocal est prestigieux et incisif, avec notamment Kevin Hart, Amy Sedaris et Ronny Chieng, qui livrent chacun leurs punchlines avec un timing impeccable. Mais ce qui est impressionnant, c'est la façon dont l'épisode utilise sa courte durée pour livrer un commentaire acéré sur les droits des utilisateurs, l'épuisement de l'IA et notre dépendance émotionnelle à des objets conçus pour nous servir. C'est comme Black Mirror vu à travers le prisme de Wallace & Gromit : sombrement humoristique, étrangement touchant et infiniment re-regardable.
Le thème de l'arrogance humaine est traité de manière beaucoup plus sombre dans How Zeke Got Religion, une histoire d'horreur occulte se déroulant pendant la Seconde Guerre mondiale, animée dans un style 2D réaliste qui évoque l'atmosphère d'une bande dessinée vintage qui prend vie sous une forme démoniaque. Réalisé par Diego Porral, l'épisode suit un équipage de bombardiers dans une mission désespérée pour détruire une église occupée par les nazis avant qu'un mal ancien ne soit invoqué. Il s'agit sans doute du court métrage le plus terrifiant de la saison, avec une entité cosmique qui tient à la fois du cauchemar lovecraftien et de la monstruosité biblique. Ce qui rend cet épisode si captivant, c'est son utilisation assumée des clichés du genre pulp (nazis, rituels interdits, sacrifices mortels) rehaussée par une animation saisissante et un sentiment de terreur palpable. Mais il ne s'agit pas seulement d'horreur pour l'horreur. Le parcours de Zeke comporte un arc spirituel qui, bien que discret, fait écho aux thèmes du sacrifice, de la croyance et de la transformation. À bien des égards, cet épisode est ce qui se rapproche le plus d'un classique de l'horreur à part entière, avec un rebondissement qui continue de résonner bien après le générique de fin.
Vient ensuite The Screaming of the Tyrannosaur, qui semble être l'exercice de world-building le plus indulgent et le plus joyeux de Tim Miller à ce jour. Un sport sanglant mettant en scène des gladiateurs à bord d'une station spatiale en orbite autour de Jupiter, où des guerriers génétiquement modifiés s'affrontent à dos de dinosaures sous le regard de l'élite interstellaire depuis des loges somptueuses ? On signe tout de suite. MrBeast, mégastar de YouTube et philanthrope casse-cou sur Internet, fait une apparition inattendue mais étrangement efficace dans le rôle du commentateur flamboyant de l'arène, ajoutant à l'épisode une dimension méta qui brouille la frontière entre divertissement et exploitation. Cet épisode est une merveille de CGI cinématographique, avec des chorégraphies de combat qui rivalisent avec celles des superproductions en prise de vues réelles. Mais il ne s'agit pas seulement d'un spectacle : ce court métrage trouve le temps de créer des moments émouvants et des alliances inattendues, glissant un message poignant sur les disparités de classe, le travail forcé et la résilience. C'est le genre d'épisode qui pourrait (et devrait peut-être) être développé en un long métrage.
Toutes les contributions ne sont pas aussi percutantes, bien sûr. Golgotha, une curiosité en prise de vues réelles mettant en vedette Rhys Darby, tente d'équilibrer satire et sincérité en mettant en scène un prêtre malchanceux qui négocie avec des extraterrestres religieux ressemblant à des calmars qui croient que le messie de la Terre est revenu sous la forme d'un dauphin. Le postulat est plein de potentiel, mais la réalisation donne l'impression d'un sketch un peu trop étiré. Néanmoins, la performance de Darby est attachante, et le commentaire de l'épisode sur la façon dont nous projetons nos idéologies sur l'inconnu mérite au moins un sourire et une réflexion. 400 Boys, avec sa guerre de gangs post-apocalyptique contre des bébés géants grotesques, s'en sort mieux grâce au style d'animation caractéristique de Robert Valley – angulaire, élégant et cinétique – mais ses ambitions narratives dépassent légèrement sa durée, laissant le spectateur diverti mais légèrement insatisfait. Il y a clairement une riche mythologie derrière ce monde, mais nous n'en apercevons que la surface avant le générique de fin.
La comédie revient en force avec The Other Large Thing, une autre histoire centrée sur les chats, dans laquelle un félin suffisant fait appel à un assistant intelligent nouvellement installé pour renverser ses propriétaires humains inconscients. C'est un concept mignon, mis en scène avec une animation nette et des performances vocales pointues (le rôle de John Oliver en assistant robotique est particulièrement réjouissant), mais qui n'atteint pas tout à fait les sommets des meilleurs sketches comiques de la série. Il n'en reste pas moins charmant et plaira à coup sûr aux amoureux des chats comme aux technophobes.
Dernier épisode de la saison, For He Can Creep fait office à la fois d'épilogue et de crescendo. Se déroulant dans le Londres du XVIIIe siècle, il raconte l'histoire surréaliste d'un poète dont les écrits attirent l'attention de Satan, et du félin qui se lève pour l'arrêter. Le style visuel, qui rappelle les manuscrits enluminés et les gravures sur bois, est à couper le souffle, et Dan Stevens prête sa voix au Prince des Ténèbres avec une menace théâtrale. Ce qui commence comme un pastiche littéraire se termine par une bataille lyrique entre le bien et le mal, jouée dans la fourrure, le feu et l'ombre. C'est absurde, magnifique et étonnamment émouvant, une conclusion parfaite pour une saison qui s'est refusée à toute conformité.
Au final, Love, Death & Robots Volume 4 est à la fois une célébration et un avertissement. Il célèbre les possibilités offertes par l'anthologie courte, réaffirmant l'idée que de grandes histoires peuvent être racontées en moins de 20 minutes lorsque la vision et l'exécution sont en phase. Il rappelle également que l'ambition dépasse parfois la structure et que même les idées les plus folles peuvent sembler insignifiantes lorsqu'elles ne disposent pas d'assez d'espace pour s'épanouir. Néanmoins, ce volume compense largement son manque de cohésion par son audace. Peu de séries osent être aussi étranges, aussi variées ou aussi assumées dans leur maturité. Qu'il s'agisse de gadgets anthropomorphes, de rituels démoniaques ou de gladiateurs interstellaires chevauchant des dinosaures, Love, Death & Robots continue de viser haut, et le plus souvent, il atteint sa cible.
Dans un paysage télévisuel de plus en plus dominé par les spin-offs de franchises et les valeurs sûres, Love, Death & Robots reste un phare néon de la liberté créative. Le volume 4 n'est peut-être pas le plus homogène, mais il est, à bien des égards, le plus audacieux. L'ADN de la série, à savoir sa volonté d'expérimenter, de provoquer et de laisser libre cours à la créativité des artistes, est toujours intact. Et tant qu'elle continuera à nous faire découvrir de nouveaux univers à chaque épisode, elle restera l'une des séries les plus vivantes et imprévisibles de l'ère du streaming. Espérons que le volume 5 nous réserve des merveilles encore plus étranges.
Synopsis :
Des gladiateurs dinosaures, des chats messianiques, des rock stars marionnettes à fils, ça ne peut être que Love, Death & Robots. Le quatrième volume, présenté par Tim Miller (Deadpool, Terminator : Dark Fate) et David Fincher (Mindhunter, The Killer), voit le retour de Jennifer Yuh Nelson (Kung Fu Panda 2, Kill Team Kill) en tant que directrice de la supervision pour dix courts métrages surprenants qui mettent en valeur le style caractéristique et primé de la série, mêlant animation de pointe, horreur, science-fiction et humour. Accrochez-vous bien.
Love, Death & Robots Saison 4
Créé par Tim Miller
Réalisé par David Fincher, Robert Bisi & Andy Lyon, Jennifer Yuh Nelson, Robert Valley, Tim Miller, Diego Porral, Patrick Osborne, Emily Dean
Producteurs exécutifs : David Fincher, Tim Miller, Jennifer Miller, Joshua Donen
Distribution : Red Hot Chili Peppers, Anthony Kiedis, Flea, John Frusciante, Chad Smith, Emily O'Brien, Feodor Chin, Piotr Michael, Sumalee Montano, John Boyega, Ed Skrein, Sienna King, Dwane Walcott, Rahul Kohli, Pamela Nomvete, Amar Chadha-Patel, Chris Parnell, John Oliver, Fred Tatasciore, Rachel Kimsey, Rhys Darby, Moe Daniels, Graham McTavish, Phil Morris, Michelle Lukes, Matthew Waterson, MrBeast, Bai Ling, Keston John, Braden Lynch, Roger, Craig Smith, Gary Furlong, Bruce Thomas, Andrew Morgado, Scott Whyte, Melissa Villaseñor, Ronny Chieng, Amy Sedaris, Kevin Hart, Josh Brener, Nat Faxon, Niecy Nash-Betts, Brett Goldstein, Dan Stevens, JB Blanc, Jim Broadbent, Nika Futterman, Jane Leeves, Dave B. Mitchell
Durée : 6 à 21 minutes
Sociétés de production : Blur Studio, Netflix Studios
Réseau : Netflix
Sortie : 15 mars 2019 – présent
Photos : Copyright Netflix