sortie-cinema - Alpha : la nouvelle aventure cinématographique audacieuse de Julia Ducournau

Par Mulder, 12 mai 2025

Julia Ducournau, la cinéaste visionnaire à l'origine des films provocateurs et révolutionnaires Grave (2016) et Titane (2020), s'apprête à faire à nouveau sensation avec son dernier projet, Alpha. Décrit comme l'œuvre la plus personnelle et la plus profonde de Ducournau, le film sera présenté en première mondiale au prestigieux Festival de Cannes le 19 mai 2025, où il sera en compétition pour la Palme d'or tant convoitée. Ce drame franco-belge très attendu fait déjà beaucoup parler les cinéphiles et les critiques, et à juste titre, compte tenu des précédents films de la réalisatrice, qui se caractérisent par une narration audacieuse et viscérale. Ses œuvres précédentes étant profondément ancrées dans les thèmes de la transformation, du traumatisme et de la fragilité du corps humain, Alpha promet d'être une nouvelle exploration cinématographique audacieuse, qui pourrait consolider la position de Julia Ducournau en tant que maître du cinéma français moderne. Son approche caractéristique, qui mêle émotions brutes et esthétique visuelle envoûtante, prépare le terrain pour un film non seulement ambitieux sur le plan artistique, mais aussi riche en résonances culturelles.

Au cœur d'Alpha se trouve un récit poignant et troublant sur le passage à l'âge adulte, qui se déroule dans les années 1980, dans la ville portuaire du Havre. L'histoire suit Alpha, une adolescente troublée de 13 ans qui vit avec sa mère célibataire. Le monde fragile du duo vole en éclats lorsque Alpha rentre un jour de l'école avec un mystérieux tatouage sur le bras, suscitant la peur et la suspicion parmi ses camarades et la communauté. Le tatouage devient un symbole de rejet et de paranoïa, tandis que des rumeurs se répandent sur Alpha, qui serait atteinte d'une nouvelle maladie inconnue. Ducournau tisse habilement des thèmes tels que l'isolement, la transformation et le jugement social, qui rappellent les explorations thématiques de ses œuvres précédentes. Le décor, imprégné de l'atmosphère industrielle et quelque peu morose d'une ville portuaire, agit presque comme un personnage à part entière, reflétant le sentiment d'abandon et d'aliénation de la protagoniste. À travers ce prisme profondément personnel, Ducournau invite le public à affronter les émotions brutes et souvent inconfortables qui surgissent lorsqu'une communauté se retourne contre l'un des siens.

Le choix des acteurs renforce encore l'impact du film, avec Mélissa Boros dans le rôle de la version adulte d'Alpha, tandis que la nouvelle venue Ambrine Trigo Ouaked livre une performance brute et envoûtante dans le rôle de la jeune protagoniste. Golshifteh Farahani et Tahar Rahim ajoutent de la gravité au récit, tous deux offrant des performances nuancées qui amplifient la résonance émotionnelle du film. L'engagement de Rahim dans son rôle est particulièrement remarquable, puisqu'il aurait perdu 20 kilos pour incarner le déclin physique et mental de son personnage, démontrant ainsi son dévouement à la vision sans compromis de Ducournau. La présence d'acteurs chevronnés comme Farahani, connue pour ses performances intenses et réalistes, ajoute de la profondeur au récit, tandis que la transformation de Rahim témoigne des exigences physiques et psychologiques du rôle. L'interaction entre ces acteurs enrichit non seulement l'histoire, mais apporte également un sentiment de réalisme accru aux éléments les plus surréalistes du film. La manière dont Rahim incarne physiquement la descente aux enfers du personnage offre un contrepoint viscéral aux moments plus calmes et introspectifs du film, créant un équilibre puissant entre intensité et subtilité.

Tourné en 35 jours en Normandie, avec des scènes clés filmées au Havre et à Paris, le film capture magistralement l'esthétique rétro et réaliste de l'époque. L'un des lieux les plus marquants est une piscine publique à Pont-Audemer, choisie pour son architecture typique des années 1980. Ducournau, connue pour son souci du détail, collabore une nouvelle fois avec le directeur de la photographie Ruben Impens et le monteur Jean-Christophe Bouzy, qui ont tous deux contribué au style visuel austère et inquiétant qui a marqué Grave et Titane. La bande originale atmosphérique du film, composée par le Britannique Jim Williams, renforce encore le caractère envoûtant et immersif de la narration de Ducournau. Williams, qui a notamment travaillé sur Resurrection et Hoard, apporte une bande-son distinctement inquiétante et émouvante qui complète le ton dérangeant du film. Le choix des lieux de tournage, en particulier le décor industriel en ruine du Havre, ajoute une touche d'authenticité qui ancrent les éléments narratifs les plus surréalistes du film.

Dans un parallèle particulièrement intrigant, Alpha fait écho aux thèmes du court métrage Junior de Ducournau, dans lequel une adolescente subit une transformation grotesque à la suite d'une infection virale. Cette continuité thématique souligne la fascination durable de Ducournau pour le corps en tant que lieu de transformation et de traumatisme, et Alpha semble prêt à développer ces motifs avec encore plus d'intensité. L'exploration de la peur, de la métamorphose et du rejet résonne à la fois sur le plan personnel et sociétal, entraînant les spectateurs dans un récit qui brouille la frontière entre réalité et grotesque. La volonté de Ducournau de repousser les limites et d'explorer les recoins les plus sombres de l'expérience humaine fait d'elle une voix véritablement singulière dans le cinéma contemporain. À travers Alpha, elle met une nouvelle fois le public face à des vérités dérangeantes sur la conformité, la peur et la nature même de l'identité.

Le parcours du film jusqu'à Cannes a été marqué par un vif intérêt de la part de l'industrie, la société de distribution indépendante NEON, qui avait déjà distribué Titane en Amérique du Nord, s'étant à nouveau assuré les droits de distribution. Leur partenariat continu souligne leur engagement commun à faire découvrir l'audace narrative de Ducournau à un public international. Les droits allemands ont été acquis par Plaion Pictures, élargissant encore la portée du film après Cannes. À l'approche de sa première, Alpha s'annonce déjà comme l'un des films les plus commentés de Cannes cette année. La volonté de Ducournau de plonger dans des expériences humaines brutes et dérangeantes avec son style viscéral caractéristique ne manquera pas de captiver le public et de susciter la réflexion longtemps après le générique. À mesure que l'attente grandit, il apparaît clairement qu'Alpha n'est pas seulement un film, mais une déclaration, le reflet de la quête intrépide de la cinéaste pour une narration qui ose confronter nos peurs et nos malaises les plus profonds.

Synopsis :
Alpha, 13 ans, est une adolescente troublée qui vit seule avec sa mère. Leur monde s'écroule le jour où elle rentre de l'école avec un tatouage sur le bras.

Alpha
Écrit et réalisé par Julia Ducournau
Produit par Jean des Forêts, Amelie Jacqu, Éric Altmayer, Nicolas Altmayer
Avec Tahar Rahim, Golshifteh Farahani, Mélissa Boros, Emma Mackey
Directeur de la photographie : Ruben Impens
Montage : Jean-Christophe Bouzy
Musique : Jim Williams
Sociétés de production : Petit Film, Mandarin & Compagnie, France 3 Cinéma, Frakas Production
Distribué par Diaphana Distribution (France)
Dates de sortie : 19 mai 2025 (Cannes), 20 août 2025 (France)
Durée : 128 minutes