Sorties-Cinema - The Ugly Stepsister : une réflexion envoûtante et sanglante sur la beauté, à découvrir au cinéma le 2 juillet

Par Mulder, 28 avril 2025

Lorsque vous entendez pour la première fois le titre The Ugly Stepsister, vous vous attendez peut-être à une version moderne et impertinente du conte classique de Cendrillon. Mais ce que la réalisatrice Emilie Blichfeldt nous livre avec son premier long métrage est quelque chose de bien plus profond, troublant et inoubliable. Prévu pour sortir le 9 mai sur Shudder aux États-Unis, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni et en Irlande et en, France au cinéma le 2 juillet, The Ugly Stepsister est une réinterprétation viscérale et sombre qui rend justice à toutes les filles qui ont un jour eu l'impression de ne jamais pouvoir enfiler la délicate pantoufle de Cendrillon. Avec la magnétique Lea Myren dans le rôle d'Elvira, l'histoire nous plonge dans un royaume où la beauté n'est pas seulement superficielle, mais aussi une monnaie impitoyable qui exige un prix terrible. En concurrence avec sa demi-sœur Agnes (jouée par Thea Sofie Loch Næss), d'une beauté rayonnante, Elvira s'engage dans une quête de plus en plus désespérée et sanglante pour gagner le cœur du prince. Ici, Emilie Blichfeldt ne se contente pas de raconter un conte de fées ; elle le démantèle, mettant à nu l'agonie qui se cache derrière notre obsession culturelle pour la perfection, et remplaçant les « happy ends » aseptisés par une satire brutale et cinglante qui mord profondément dans les normes de beauté modernes.

Le lien profond et personnel qu'Emilie Blichfeldt entretient avec le sujet imprègne chaque image de The Ugly Stepsister d'un sentiment d'urgence et d'authenticité. Selon ses propres mots, elle a grandi en luttant contre des problèmes d'image corporelle, et ce film est une exploration cathartique de ce combat. Inspirée en partie par les aspects horribles du conte original des frères Grimm, où les demi-sœurs mutilent littéralement leurs pieds pour pouvoir enfiler la pantoufle de verre, et en partie par ses propres expériences, Emilie Blichfeldt crée ce qu'elle appelle un « horreur de la beauté ». Ce terme s'accorde parfaitement avec l'horreur corporelle de David Cronenberg, où les transformations physiques reflètent les peurs intérieures et les oppressions sociales. L'un des aspects les plus fascinants de la création du film est la façon dont Emilie Blichfeldt a insisté pour situer l'histoire dans un « il était une fois » intemporel, résistant à la tentation de la moderniser ouvertement, soulignant ainsi la nature éternelle de ces idéaux de beauté toxiques. Avec ses décors de château sombres mais magnifiques et son esthétique fortement influencée par le réalisme cru du cinéma fantastique d'Europe de l'Est des années 60 et 70, le film trouve un équilibre troublant entre fantaisie et réalité brute et dérangeante. Il n'est pas étonnant que le public du Sundance et de la section Panorama de Berlin ait été si captivé ; c'est un film qui reste longtemps en tête après le générique.

Visuellement, The Ugly Stepsister est tout simplement fascinant. Malgré un budget limité qui a empêché le tournage sur pellicule, le directeur de la photographie Marcel Zyskind a réussi à créer un rendu magnifiquement tactile, presque granuleux, en utilisant des filtres lourds, de la vaseline sur les objectifs et des techniques pratiques à la caméra qui confèrent au film une texture vintage et inquiétante. Le choix des lieux élève la construction du monde à un autre niveau : le château de Gołuchow en Pologne, avec ses intérieurs du XIXe siècle minutieusement restaurés, et les ruines envoûtantes du monastère cistercien près de Lubiaz, deviennent presque des personnages à part entière. L'anecdote personnelle d'Emilie Blichfeldt sur la découverte du château le dernier jour du repérage ajoute une touche charmante de destin à l'histoire de la production. Ses réflexions sur l'importance du patrimoine culturel et sur la fragilité de la préservation de tels lieux sont poignantes et profondément liées au thème central du film : la perte et la défiguration qui découlent de la tentative de se conformer à des idéaux impossibles. Ce thème se retrouve également dans les costumes : en collaboration avec la légendaire costumière Manon Rasmussen, Emilie Blichfeldt s'est inspirée de la mode du milieu à la fin du XIXe siècle, détournant avec humour les silhouettes disneyennes pour évoquer l'époque où la chirurgie esthétique a fait son apparition dans la conscience collective.

Sur le plan musical, le film réalise un équilibre qui tient rien moins que du miracle. Le compositeur Kaada a créé une bande originale fortement inspirée du cinéma européen des années 70, s'inspirant de la romance mélancolique de Francis Lai et des synthés inquiétants de Goblin. Cependant, lors du montage, Emilie Blichfeldt et la monteuse Olivia Neergaard-Holm ont réalisé que le film avait besoin de quelque chose de plus immédiat, quelque chose qui pourrait briser le charme du conte de fées juste assez pour laisser transparaître l'ironie contemporaine. C'est alors qu'est entrée en scène l'artiste norvégienne Vilde Tuv, dont l'album envoûtant et doux-amer Melting Songs offrait le contrepoint parfait. Tuv a même composé deux morceaux originaux pour le film, ajoutant une touche de rébellion délicate qui élève The Ugly Stepsister au-delà d'une simple reconstitution historique pour en faire une œuvre intemporelle, déchirante et résolument moderne. C'est dans ces détails que réside toute la brillante

Le choix de Lea Myren pour le rôle d'Elvira tient en soi d'un petit miracle. Emilie Blichfeldt décrit comment la toute première audition de Myren a donné vie à Elvira, avec une intrépidité physique et un sens de la comédie qui ont fait d'elle le cœur battant du film. Regarder Myren évoluer dans le parcours d'Elvira, de l'innocence pleine d'espoir à la folie frénétique, c'est comme assister à un numéro de funambule sans filet. Il y a une honnêteté brute et terrifiante dans son jeu, en particulier dans les scènes brutales où elle se mutile pour être acceptée. Il est rare de voir un acteur, surtout dans un premier long métrage, s'engager aussi pleinement dans des extrêmes émotionnels et physiques sans jamais tomber dans la caricature. Dans Elvira, Myren capture quelque chose de douloureusement réel sur le fait d'être jeune, femme et désespérée d'être aimée, vue et choisie. C'est une performance qui vous hantera probablement longtemps après la fin du film, et qui mérite sérieusement d'être récompensée.

The Ugly Stepsister n'est pas seulement un film, c'est un règlement de comptes magnifiquement réalisé. Le parcours personnel d'Emilie Blichfeldt, qui passe de l'image de Cendrillon à la prise de conscience qu'elle est, comme beaucoup d'entre nous, une demi-sœur luttant contre un idéal impossible à atteindre, est profondément émouvant. Elle ne renverse pas le conte de fées pour faire de la demi-sœur une héroïne ou de Cendrillon une méchante ; au contraire, elle donne à tous les personnages de la profondeur, de la compassion et une humanité bouleversante. Ce faisant, elle invite le public à réfléchir à sa propre complicité dans le maintien d'idéaux de beauté brutaux et, peut-être, à imaginer un monde où sortir de ces normes n'est pas une bataille sanglante, mais une libération. Si vous vous êtes déjà senti(e) différent(e), si vous vous êtes déjà regardé(e) dans le miroir en souhaitant pouvoir changer, si vous avez déjà ri de la « belle-sœur laide » pour ensuite réaliser que vous riez de vous-même, alors The Ugly Stepsister est un film à ne pas manquer. Le 2 juillet prochain, préparez-vous à être ébloui(e), troublé(e) au cinéma et, qui sait, peut-être transformé(e).

Synopsis :
Dans un royaume où la beauté règne en maître, la jeune Elvira doit faire face à une concurrence féroce pour conquérir le cœur du prince. Parmi les nombreuses prétendantes se trouve sa demi-sœur, d'une beauté époustouflante. Pour réussir dans cette course impitoyable à la perfection physique, Elvira devra recourir aux mesures les plus extrêmes...

The Ugly Stepsister (Den stygge stesøsteren)
Réalisé par Emilie Blichfeldt
Écrit par Emilie Blichfeldt
Basé sur « Cendrillon » des frères Grimm[a]
Produit par Maria Ekerhovd, Axel Helgeland, Christian Torpe, Jesper Morthorst
Avec Lea Myren, Thea Sofie Loch Næss, Ane Dahl Torp, Flo Fagerli, Isac Calmroth, Malte Gårdinger
Directeur de la photographie : Marcel Zyskind
Montage : Olivia Neergaard-Holm
Musique : John Erik Kaada
Sociétés de production : Mer Film, Lava Films, Motor (DK), Zentropa
Distribué par Scanbox Entertainment (Norvège), IFC Films (États-Unis), ESC Films (France)
Dates de sortie : 23 janvier 2025 (Sundance), 7 mars 2025 (Norvège), 18 avril 2025 (Etats-Unis), 2 juillet 2025 (France)
Durée : 105 minutes