La deuxième saison de Severance n'est pas seulement la continuation de l'histoire énigmatique et stimulante présentée dans la première saison ; c'est une expansion audacieuse vers un nouveau territoire thématique qui défie les limites de la satire d'entreprise, de l'identité personnelle et de la condition humaine. Après une pause de trois ans, Dan Erickson et Ben Stiller reviennent avec un récit audacieux et complexe qui reprend les fils de la rébellion laissés en suspens par la fin de la première saison. Le résultat est une saison plus riche, plus étrange et plus puissante que la précédente, qui dresse un portrait complexe de l'existence obscure de Lumon. Dès que les couloirs fluorescents de Lumon Industries réapparaissent à l'écran, nous sommes happés par ce monde stérile et oppressant. Mark S. (Adam Scott), dont la vie intérieure et extérieure a été bouleversée à jamais par les événements de la saison précédente, reste le point d'ancrage émotionnel. Au début de la saison, il est aux prises avec les conséquences désorientantes du « protocole d'urgence pour les heures supplémentaires ». Pour Mark, ce n'est que quelques instants plus tard ; pour son moi extérieur, ce sont des mois qui se sont écoulés. Cette dualité ouvre la voie à un récit qui brouille constamment la frontière entre le travail et la vie personnelle, remettant en question le concept même d'individualité.
La saison 2 met davantage l'accent sur la dichotomie entre inné et inné, notamment grâce à Helly R. (Britt Lower), dont la découverte choquante que son inné est Helena Eagan, héritière du trône Lumon, injecte une tension palpable dans le récit. La lutte d'Helly est viscérale et obsédante - une bataille entre l'autonomie et la servitude prédestinée. Lower livre une performance puissante, oscillant sans heurt entre le défi intérieur et le calcul extérieur. De même, Irving (John Turturro) lutte contre les retombées émotionnelles de sa relation innée avec Burt (Christopher Walken). Son partenaire, un artiste reclus, est accaparé par de mystérieuses peintures de couloirs noirs, qui laissent entrevoir les secrets les plus sombres de Lumon. Dylan (Zach Cherry) continue de se débattre avec la connaissance de la famille de son ex, ses moments d'humour laissant place à des réflexions poignantes sur l'identité et la nostalgie. Ces récits s'entremêlent pour brosser un tableau plus large de l'emprise manipulatrice de Lumon et de l'humanité qu'elle exploite. L'arc de Mark, cependant, reste le plus déchirant. Son attachement croissant à Helly est compliqué par sa recherche de réponses concernant sa femme, Gemma, qui s'avère être Mme Casey, la consultante en bien-être de Lumon. La performance nuancée d'Adam Scott capture l'agonie d'un homme déchiré entre deux mondes, son interprétation de Mark S. et de son ex étant étayée par de subtiles différences de ton et de comportement.
La saison 2 plonge la tête la première dans la construction du monde, en épluchant les couches des opérations mystérieuses de Lumon. La mythologie troublante du fondateur Kier Eagan est explorée plus avant, ajoutant une dimension cultuelle à l'atmosphère déjà oppressante de l'entreprise. L'étrange ferme de chèvres aperçue dans la première saison est revisitée, son objectif énigmatique enfin clarifié, mais non sans soulever d'autres questions. Entre-temps, de nouveaux personnages tels que la directrice adolescente Miss Huang (Sarah Bock) et l'intimidante Lorne (Gwendoline Christie) ajoutent une nouvelle dynamique à l'environnement déjà troublant. L'esthétique de Lumon continue d'éblouir et de déranger. Le design de Jeremy Hindle crée un cauchemar rétro-futuriste, juxtaposant des espaces de bureau stériles et éclairés par des lampes fluorescentes aux teintes froides et crépusculaires du monde extérieur. La mise en scène de Ben Stiller accentue la tension, en utilisant des caméras désorientées pour refléter la psyché fracturée des personnages. Qu'il s'agisse d'un plan tournant dans des couloirs identiques ou d'un gros plan oppressant dans la salle de bien-être, les images amplifient le ton sinistre de la série.
Severance reste un chef-d'œuvre d'équilibre entre mystère et progression narrative. Si le cliffhanger de la première saison répondait à certaines questions, la saison 2 en soulève encore d'autres. Quel est le but ultime de Macrodata Refinement ? Quelle est la raison d'être de Lumon et la signification de l'énigmatique projet Cold Harbor ? Ces questions couvent sous la surface, tenant les téléspectateurs en haleine sans pour autant éclipser les problèmes profondément personnels des personnages. Malgré sa densité narrative, Severance ne perd jamais de vue son noyau émotionnel. La capacité de la série à humaniser ses personnages - chacun étant un rouage de la machine Lumon - garantit que chaque rebondissement et chaque révélation ont du poids. Les interactions entre les innies et les outties sont particulièrement fascinantes, offrant un commentaire poignant sur l'identité, l'autonomie et les sacrifices faits au nom de la survie.
En fin de compte, Severance reste une critique cinglante de la culture d'entreprise. La description de Lumon comme une entité quasi religieuse qui manipule et déshumanise ses employés est à la fois glaçante et réaliste. Les rituels surréalistes, les incitations creuses et les tactiques de gestion infantilisantes sont des reflets exagérés de pratiques professionnelles réelles, ce qui rend la satire de la série d'autant plus mordante. La saison 2 va plus loin, explorant les implications morales des indemnités de licenciement et les zones grises éthiques de l'expérimentation en entreprise. Le refus de la série de fournir des réponses faciles reflète la complexité de ses thèmes, poussant les téléspectateurs à réfléchir à leur propre relation avec le travail, l'identité et la liberté.
La saison 2 de Severance est un triomphe en matière de narration, de construction du monde et de développement des personnages. Elle s'appuie sur les fondations posées par son prédécesseur, construisant un récit complexe et obsédant qui perdure longtemps après le générique. Avec ses excellentes performances, ses images époustouflantes et ses thèmes qui font réfléchir, la série s'impose comme l'une des plus innovantes de notre époque. Pour les fans qui ont attendu trois longues années, le retour dans le monde labyrinthique de Lumon vaut chaque seconde. La saison 2 ne se contente pas de répondre aux attentes, elle les bouleverse, nous laissant désespérément en quête de réponses et impatients d'en savoir plus.
Synopsis :
Mark Scout travaille pour Lumon Industries, où il dirige une équipe dont les employés subissent une opération chirurgicale pour séparer leurs souvenirs professionnels de leurs souvenirs privés. Cette expérience risquée d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée est remise en question lorsque Mark se retrouve au cœur d'un mystère qui va l'obliger à affronter la vraie nature de son travail... et la sienne.
Severance
Créée par Dan Erickson
Showrunner : Dan Erickson
Réalisé par Ben Stiller, Aoife McArdle
Avec Adam Scott, Zach Cherry, Britt Lower, Tramell Tillman, Jen Tullock, Dichen Lachman, Michael Chernus, John Turturro, Christopher Walken, Patricia Arquette
Compositeur : Theodore Shapiro
Producteurs exécutifs : Ben Stiller, Nicholas Weinstock, Jackie Cohn, Mark Friedman, Dan Erickson, Andrew Colville, Chris Black, John Cameron, Beau Willimon, Caroline Baron, Jordan Tappis
Producteurs : Adam Scott, Patricia Arquette, Aoife McArdle, Amanda Overton, Gerry Robert Byrne
Directeur de la photographie : Jessica Lee Gagné, Matt Mitchell
Rédacteurs en chef : Geoffrey Richman, Gershon Hinkson, Erica Freed Marker
Durée : 40-57 minutes
Sociétés de production : Red Hour Productions, Fifth Season
Réseau : Apple TV+
Date de diffusion : 18 février 2022 - aujourd'hui
Photos : Copyright Apple TV+