sortie-cinema - Notre Dame brule : l' interview de Jean-Jacques Annaud

Par Mulder, 14 mars 2022

Notre-Dame brûle est un film catastrophe basé sur l'incendie de Notre-Dame de Paris survenu le 15 avril 2019. Le film est réalisé par Jean-Jacques Annaud à partir d'un scénario écrit par Annaud et Thomas Bidegain. Produit par Pathé Films et TF1 Films Production, il est une coproduction internationale entre la France et l'Italie.

Q : L’aventure incroyable de ce film démarre le 15 avril 2019, le jour de l’incendie de Notre-Dame de Paris…

Jean-Jacques Annaud : J’étais en Vendée pour quelques jours, dans une maison où la télévision était en panne. En branchant la radio pour écouter le discours du Président Macron, j’ai découvert le drame qui se nouait à Notre-Dame. Je n’ai pas vu la tragédie ce soir-là : je l’ai imaginée. Je connais très bien la Cathédrale. Enfant, j’ai étrenné mon premier appareil photo, un « Brownie Kodak » en fixant sur la pellicule la Stryge de la Galerie des Chimères.

Q : Comment vous est venue l’idée d’en faire un film ?

Jean-Jacques Annaud :  Fin décembre 2019, Jérôme Seydoux, président de Pathé, m’appelle. Il est mon partenaire privilégié de longue date. Il me fait une proposition qui me surprend. Il a l’idée d’un film de montage d’archives à grand spectacle pour écrans larges et son immersif sur l’incendie de Notre-Dame. Mon premier réflexe est de craindre qu’il n’existe pas suffisamment d’images variées pour construire un film de 90 minutes, mais j’écoute. Je repars avec une pochette de documentation, des articles en français et en anglais. Avant d’aller me coucher, j’y jette un oeil. Je dévore le tout jusqu’au milieu de la nuit. Il était trop tard ou trop tôt pour appeler, mais ma décision était prise.

Q : Qu’est-ce qui vous convainc dans ces premiers documents ?

Jean-Jacques Annaud : Ce que j’y ai découvert était inimaginable. Une fascinante cascade de contretemps, d’obstacles, de dysfonctionnements. Du pur invraisemblable mais vrai. Avec par-dessus le marché tous les composants d’un scénario de fiction : dans le rôle-titre, une star internationale, Notre-Dame de Paris. Son adversaire : un démon redoutable et charismatique, le feu. Entre les deux, des jeunes gens humbles prêts à donner leur vie pour sauver des pierres. Du « cinoche » comme tout scénariste peut en rêver, un opéra visuel avec suspens, drame, générosité, cocasserie. Tout m’apparaît fou, grandiose, burlesque, humain… Je dois maintenant vérifier, me concentrer sur l’exactitude de ces faits rocambolesques. Je comprends d’emblée qu’il me faudra réunir toutes les informations, tous les témoignages, toutes les hypothèses auprès de celles et ceux qui ont vécu ces heures stupéfiantes.

Q : De quelle manière alors avez-vous procédé ?

Jean-Jacques Annaud :  Dans un premier temps, j’ai décidé de me limiter aux faits en me lançant dans une chronologie des événements. J’avais un mal fou à obtenir les heures exactes du déroulé : en recoupant les différents témoignages dont je disposais à ce stade, il m’apparaissait que chacun donnait sa version de la première apparition de la fumée, des flammes, de l’arrivée des secours… J’ai vite compris que dans l’intensité de la catastrophe, personne n’a le temps de regarder sa montre. J’ai fait lire à Thomas Bidegain, le scénariste attitré de Jacques Audiard, une première version embryonnaire du scénario. « Mais qu’est-ce que je peux apporter de plus moi là-dedans ? » me demande-t-il après lecture. Je lui explique que j’ai besoin de l’oeil critique d’un juge sévère et des apports bénéfiques d’un auteur de talent.

Q : En passant en revue les divers événements qui ont ponctué ce 15 avril 2019, que découvrez-vous d’étonnant ?

Jean-Jacques Annaud :  L’incendie a été détecté au début de la Messe du Lundi Saint, à 18h17, et n’a été porté à la connaissance des pompiers qu’une demi-heure plus tard par un ami du Général en vacances à Florence. Dès le matin se met en place une dramaturgie implacable, où tout semble réuni pour conduire à une catastrophe inévitable : c’est le premier jour de travail à Notre-Dame du nouveau surveillant de la sécurité incendie, chargé de veiller sur un tableau électronique où les alertes se mettent en route en cas de sinistre. Il n’a jamais visité la Cathédrale, il est étranger aux termes techniques de l’Architecture gothique. Quand l’alarme se déclenche et que s’affiche un code indéchiffrable, il appelle son supérieur. Le responsable n’est pas joignable et ne retourne l’appel qu’un quart d’heure plus tard. Le « gardien de levée de doute » chargé de vérifier la réalité d’un départ de feu comprend à travers les grésillements de son talkie- walkie qu’il doit se rendre dans les combles de la sacristie, alors que le feu s’est déclaré dans les combles de la nef. e n’est que le début d’un stupéfiant non-alignement des planètes…

Q : Reste une question épineuse : quelle est la cause exacte de l’incendie ? Et là, près de 3 ans après, on ne sait toujours pas officiellement…

Jean-Jacques Annaud :  Les services de Justice poursuivent leur enquête. Le film n’a jamais été envisagé comme une enquête destinée à se substituer aux procureurs. Les preuves manquent. Les différentes pistes probables sont évoquées. Notre-Dame Brule traite de ce que nous connaissons dans le détail : l’épopée du sauvetage. Nous racontons comment la Cathédrale a été sauvée, pas comment ou pourquoi elle a failli être détruite. 

Q : Le film est une fresque spectaculaire dans laquelle Notre-Dame de Paris joue le rôle principal. Vous avez pu tourner quelques scènes à l’intérieur mais il vous a surtout fallu reconstruire à l’identique une partie de la cathédrale en studio… 

Jean-Jacques Annaud :  Le bâtiment restait inaccessible par l’omniprésence du plomb et des risques d’effondrement… Mais de toute façon, il fallait noyer l’édifice dans la fumée, recouvrir le sol de cendres et de poussière, y faire chuter des tonnes de poutres enflammées, inonder le dallage. Nous avons reconstruit à l’identique. Nous avons enflammé nos décors avec des centaines de tuyères. Nous avons reconstruit en studio à l’échelle 1, une grande partie de la nef, les escaliers en colimaçon, les coursives extérieures et la charpente du transept Nord, et l’intérieur du colossal beffroi des cloches de la scène finale. Bref tous ces lieux emblématiques de Notre-Dame qui ont été au coeur de la catastrophe et qu’il fallait absolument montrer avant et pendant l’incendie.

Faut-il soi-même être croyant pour s’attaquer à un tel sujet ?

Jean-Jacques Annaud :  Il faut croire au cinéma. Je viens d’une famille complètement athée, totalement laïque et républicaine. Le sens de l’au-delà était chez nous une notion abstraite mais j’ai en mémoire que vers l’âge de 10-12 ans, j’ai ressenti une sorte de manque… J’ai compensé en développant un grand attrait pour l’architecture médiévale. Je consacrais les « petits sous » de mon argent de poche à acheter des disques de musique sacrée, les cantiques grégoriens, les psalmodies tibétaines, les mélopées du Sahel, les oratorios de Bach, les toccatas de Frescobaldi. L’été, à ma demande, plutôt que d’aller à la plage nous partions faire la tournée des calvaires bretons ou des basiliques romanes d’Auvergne… Je suis incapable de réciter la moindre prière mais j’éprouve le plus grand respect pour le recueillement et la foi des autres… D’où mon heureuse harmonie avec les moines bouddhistes de 7 ans au Tibet, avec les bédouins du désert d’OR NOIR ou les bénédictins de stricte obédience du Nom de la rose… À l’intérieur d’un temple, d’une mosquée ou d’une église, j’aime ressentir le mystère de la foi que je n’ai pas, la sérénité du recueillement de la prière. Les religieux que j’ai rencontrés à l’occasion de Notre-Dame brûle, ne sont pas étonnés que ce soit moi qui aie fait ce film-là… Et parmi ce que nous sacralisons encore, on trouve les pompiers. Intéressant de voir que les deux se conjuguent sur ce projet…

Q : Vous faites effectivement des pompiers les héros du sauvetage de Notre-Dame et notamment ces six jeunes gens qui, les premiers, partent à l’assaut des flammes…

Jean-Jacques Annaud :  Deux jeunes femmes et deux jeunes hommes sortis depuis peu de l’adolescence… Notre-Dame brûle Sur les quatre, deux n’ont jamais été au feu. Ces « piafs » comme on appelle les Sapeurs-Pompiers novices sont encadrés par deux jeunes chefs à peine plus vieux qu’eux ! Ils arrivent à bord d’un petit camion « de Premier Secours » un « engin » d’intervention de sept mètres de long pour combattre un brasier qui en fait 120. Ils disposent d’une civière, d’une échelle de quelques mètres et de tuyaux de modeste section. Lorsque je les ai rencontrés pendant la préparation du film, ils m’ont impressionné par leur modestie, leur humilité. Jamais personne, dans cette profession que je découvre, ne se met en avant. Tous dédient leur vie à celle des autres, prenant des risques insensés, côtoyant chaque jour le danger et la mort, mais n’en tirant jamais aucune gloire. Quand je leur fais remarquer qu’il s’agit d’un quotidien héroïque, ils balayent le qualificatif d’un revers de la main, gênés. Ils me rappellent la doctrine des Pompiers de Paris : « risquer notre vie pour sauver d’autres vies ». J’objecte que Notre-Dame est un monument de pierre. Ils rétorquent que leur propre vie est peu de chose par rapport aux pierres millénaires d’un des sanctuaires les plus emblématiques du monde. Puis ils enchaînent en racontant comment après avoir pataugé dans les coursives transformées en baignoire ils ont regretté de se voir interdire d’approcher les flammes. Les uniformes sont conçus pour résister à 700 degrés. Mais gorgés d’eau et exposés à des températures proches du double, le risque est que la coque se transforme en autoclave et qu’à l’intérieur ils« cuisent à la vapeur ». Ce 15 avril le foyer dépassait les 1200°… En les écoutant, j’ai pris conscience du calvaire de cette opération hors-normes. Une chaleur intenable, des fumées étouffantes, 40 kilos de matériel sur le dos, 15 kilos de tuyaux chacun, des casques et des masques respiratoires forcément inconfortables, le tout sur un terrain plus qu’hostile avec, dans les hauteurs de la cathédrale, des passages d’une étroitesse invraisemblable. Moins de 50 centimètres de large !

Q : L’apport de ces témoignages des Pompiers était vital pour le film. Comment avez-vous procédé pour les approcher ?

Jean-Jacques Annaud :  Au moment des préparatifs et de ce travail indispensable de documentation, nous étions en pleine pandémie, durant le premier confinement. Nos démarches pour entrer en contact avec les témoins-acteurs privilégiés de la catastrophe nous ont cependant été grandement facilitées. Pour caler les rendez-vous avec les membres de la BSPP (la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris), Jean-Yves Asselin, mon Producteur exécutif, est passé par la Lieutenant-Colonel Claire Boët, responsable de la communication. Idem du côté de la Mairie de Paris : Anne Hidalgo nous a très tôt fait savoir que l’accès au parvis de Notre-Dame nous serait possible au moment du tournage. Florence Parly, (la Ministre des Armées dont dépendent les Pompiers de Paris), ainsi que le Préfet de police Didier Lallement ont également oeuvré pour nous ouvrir des portes et fermer des rues. 

Q : Ce qui est frappant quand on voit votre film, c’est de constater l’incroyable beauté de ces images de feu dévorant Notre-Dame… On est à la fois effrayé et fasciné !

Jean-Jacques Annaud :  Je confirme : l’architecture gothique et les flammes forment un couple très photogénique ! Parmi les témoignages, le récit de l’arrivée des sauveteurs aux abords de Notre-Dame alors que la fournaise dévore déjà la charpente et liquéfie le toit… Tous m’ont décrit une scène d’apocalypse, en pleine furie rageuse du feu, un foyer tellement puissant que des sections de poutres étaient emportées par l’air ascendant, s’écrasant sur le parvis en contrebas ou parfois beaucoup plus loin. Les cendres portées par le vent sont tombées au-delà du Musée d’Orsay ! Les gargouilles crachaient des fumées couleur de soufre, vomissaient le plomb de la toiture en fusion. Toutes et tous me l’ont raconté : la première chose qui les a frappés, (j’emploie ce mot à dessein), c’est la pluie de braises enflammées qui tambourinait sur leurs casques et croustillait sous leurs pieds.

Q : Un des moments forts de cette préparation a été votre rencontre avec le Général Georgelin, chargé par le Président de la République de superviser les travaux de reconstruction de Notre-Dame…

Jean-Jacques Annaud :  C’était en mai 2020… Quel personnage de film ce Georgelin ! D’emblée, sans que nous ne lui demandions vraiment, il nous a proposé avec Jérôme Seydoux d’aller visiter la cathédrale incendiée. Nous avons donc revêtu des tenues antiplomb, (bottes trop grandes, plus attirail insensé fait de plusieurs couches successives de slips, maillots, pantalons de matières jetables), masqués, suivant le Général. De sa voix de baryton, il décrit comme un guide sorti de la Comédie Française l’état de l’édifice à la suite de la catastrophe… Visite émouvante et passionnante. Avoir l’occasion de déambuler dans la nef, les travées, le choeur m’a permis de préciser ce que j’avais en tête. Je me suis rendu également compte que les deux déchirures dans la voûte étaient à la fois énormes mais d’une dimension qui laissait l’espoir d’une restauration possible. Les architectes du Moyen-âge inventeurs de l’art gothique ont tout misé sur les voûtes et le mortier ignifuge qui les recouvre. Il s’agissait d’éviter les drames des constructions carolingiennes où les murs supportaient directement la charpente sans ce pare-feu précieux… À travers les siècles, ont constitué de formidables protections anti incendies. La chute de la Flèche a perforé la voûte, embrasant au passage des gaz inflammables qui s’étaient accumulés sous la nef… Tout cela s’est évacué vers le haut en une torchère impressionnante d’une trentaine de mètres de hauteur. C’est peutêtre, affirment certains spécialistes, ce qui a évité une explosion majeure et sauvé Notre-Dame.

Q :  Mais il vous fallait au-delà de cette visite de la cathédrale meurtrie partir en repérage dans d’autres lieux similaires, datant de la même époque…

Jean-Jacques Annaud :  Oui, j’ai décidé d’entamer, dès que le déconfinement a été officiel à la fin du printemps 2020, un périple dans des cathédrales de la même génération ou du même style que celle de l’Ile de la Cité : Sens, la première cathédrale gothique du monde, véritable matrice fondatrice de Notre-Dame de Paris, Saint-Denis construite avec le même calcaire, Amiens et surtout Bourges qui possède un double déambulatoire elle aussi. Je voulais pouvoir poser mes caméras dans des axes présentant de grandes ressemblances à ceux de Notre-Dame et pouvoir ensuite les raccorder à mes décors reconstruits à l’identique en studio. Cela m’a évité de tout faire fabriquer et de coller au plus près de la réalité. Portes, escaliers à vis, nefs latérales, chapelles rayonnantes, statues, corniches, coursives ou arcs boutant, j’ai constitué une gigantesque banque de lieux de tournages possibles. Il m’a suffi ensuite de savoir assembler ce puzzle gothique pour qu’il corresponde à une vision globale de la Notre-Dame du film. C’est là où je me suis rendu compte, (après avoir gravi des milliers de marches de cathédrales, de leurs nefs aux clochers), combien la mission de sauvetage de Notre-Dame par les pompiers a été aux limites de l’impossible. Les escaliers à vis sont parfois si étroits qu’ils ont été obligés de se déshabiller puis de ramper en se glissant dans des souricières pour accéder au brasier…

Q : Il faut aussi parler du casting de votre film. Vous avez choisi de faire appel à des comédiens confirmés mais pas à des stars très identifiées par le public…

Jean-Jacques Annaud :  Celles et ceux qui ont sauvé Notre-Dame sont des héros anonymes – et qui souhaitent le rester. Il eut été inconvenant de les faire incarner par des vedettes trop immédiatement reconnaissables… Pour affirmer la distance entre le documentaire et la fiction, j’ai renoncé à engager, à part quelques exceptions comme celle du « dessinateur opérationnel » les vrais pompiers qui avaient été les héros du 15 avril. C’est une marge de liberté et de création que je voulais absolument conserver. En revanche, s’est posée la question des personnalités publiques, politiques, militaires dont le visage est connu du public et qui étaient présentes ce soir et cette nuit-là… Le Président Macron, Anne Hidalgo, le Préfet Lallement, le Général Gallet, le Général Gontier chef de la brigade des Pompiers de Paris, etc… Pour certaines de ces personnalités, j’ai décidé d’insérer dans le film de véritables images du moment, saisies par des touristes, des journalistes ou les pompiers eux-mêmes. Ces inserts tournés sur le vif renforcent la crédibilité. Pour d’autres personnages, comme les généraux Gallet ou Gontier qui héritent de copieux dialogues, je me suis appuyé sur des artistes solides aux belles carrières de télévision et de théâtre. C’est dans ce vivier de grands professionnels que nous avons puisé. Les spectateurs reconnaîtront Samuel Labarthe, Chloé Jouannet, Pierre Lottin, Jérémie Laheurte, Jean-Paul Bordes, Ava Baya, Vassili Schneider ou Jules Sadoughi. 

Q : Venons-en au travail de construction des décors et des lieux de tournage en studio… Pour un projet aussi important, il vous a fallu trouver les lieux adéquats

Jean-Jacques Annaud :   Nous avions besoin de plateaux suffisamment vastes pour accueillir des décors de parfois 25 ou 30 mètres de haut, décors qui seraient en plus pour la plupart totalement brûlés ! Nous voulions absolument tourner en France mais le fait est que pas un seul studio n’a les infrastructures nécessaires à ce projet… Deux choix se sont offerts à nous : La cité du Cinéma de Saint-Denis, et Bry-sur- Marne. À Saint-Denis, nous avons tourné en intérieur et à Bry, sur le « back lot » comme on dit, un vaste espace en extérieur. Il nous a également fallu des ateliers de menuiserie, de ferronnerie, de sculpture, de moulage de plâtres, etc. J’ai réussi à obtenir le minimum d’espace vital pour mon film en termes d’infrastructures. À la Cité du Cinéma, j’ai pu compter sur l’expérience des équipes techniques, qui ont l’habitude de ce genre de productions. J’ai également bénéficié de l’extraordinaire savoir-faire de Jean Rabasse, chef décorateur exceptionnel. Jean a travaillé sur plusieurs films de Jean-Pierre Jeunet mais également pour Bernardo Bertolucci ou Roman Polanski. Nos premières discussions ont été passionnantes et productives. Au-delà de toutes ces difficultés, je gardais en tête l’esprit de ce projet : il fallait le tourner au bon endroit. Là où Notre-Dame a été pensée, sculptée, bâtie. Donc en France…

Q : De quelle manière avez-vous procédé pour la construction des décors ?

Jean-Jacques Annaud :  Nos bureaux de production ont été installés à la Cité du Cinéma, sur la surface d’un étage. Dessins, maquettes, modélisations 3D : j’ai demandé que l’on reproduise plusieurs versions réduites de Notre-Dame ou de son beffroi, à la manière de jeux de construction en carton ou en bois. Chaque objet a demandé plusieurs semaines de travail car ils ont été fabriqués selon les plans des originaux. Cela m’a permis très en amont d’imaginer les axes de mes caméras, l’emplacement de mes acteurs, les segments à enflammer ou la manière d’acheminer à travers tout cela les dispositifs de sécurité comme l’eau ou même les issues de secours… Et puis, tout ce travail de préparation minutieux nous a fait gagner un temps précieux lorsque j’ai tourné dans les vraies cathédrales ou sur les plateaux des décors. Cela m’a permis également de ne faire construire que ce dont j’avais besoin… En parallèle nos techniciens ont mis au point des caméras spéciales ignifugées, capables de résister à la chaleur des scènes d’incendies. Tout au long de ce travail minutieux de préproduction, j’ai été enthousiasmé, en passant d’un atelier à un autre, de constater la joie, la fierté de ces artisans passionnés. Ébénistes, plâtriers, ferronniers, vitriers, peintres, etc : toutes et tous sont de véritables orfèvres, qui n’ont pas souvent l’occasion de construire des colonnes gothiques, des voûtes. J’ai emmené mes équipes décoration à plusieurs reprises en repérage dans les vraies cathédrales pour qu’elles s’inspirent de la patine des murs et des statues par exemple. Nous avons également effectué des tests pour trouver la bonne manière de reproduire la fonte du plomb des toitures sur le sol ou les casques des pompiers à cause de la chaleur de l’incendie. Je me suis senti « porté » par cet enthousiasme collectif.

Q : Dans Notre-Dame brûle, les scènes de l’incendie ravageant la charpente de la cathédrale sont particulièrement intenses. Comment les avez-vous envisagées et tournées ?

Jean-Jacques Annaud :  La charpente de Notre-Dame, cette fameuse forêt de poutres de chênes, (pour certains datant de plus de 900 ans), est partie en fumée lors de l’incendie d’avril 2019… Il fallait reconstituer ce lieu unique au monde, aujourd’hui disparu, dans une scène se déroulant dans le transept nord de la cathédrale, là où les premiers pompiers sont intervenus. Des scènes très dramatiques et spectaculaires… Nous avons d’abord fait modéliser cette charpente en images 3D avant de la faire bâtir pour de vrai. Ce décor a été installé à Bry-sur-Marne et nous y avons mis le feu. Nos cloches ont été fabriquées en plâtre-armé, capables d’endurer 400° lors du tournage.

Q : Au printemps 2021, le 9 mars, est arrivé le 1er jour du tournage. Quel souvenir en gardez-vous ?

Jean-Jacques Annaud :  Enfin ! C’était à Bourges où nous nous sommes installés une bonne semaine pour tourner dans la cathédrale des scènes du début du film, qui montrent l’affluence des visiteurs de Notre-Dame. Je voulais montrer la cacophonie des guides lors de ces visites en groupes ! J’ai donc recréé la présence de touristes de toutes nationalités, espagnols, italiens, anglais, allemand, chinois, japonais, hongrois, canadiens, russes… Nous avons ensuite fait étape à Sens pour mettre en boîte les scènes jumelles de Bourges mais vues sous un autre axe, non plus en contre-plongée, mais en plongée. Il fallait surtout profiter du dallage identique à celui de Notre-Dame. J’ai également tourné à Sens des escaliers qui mènent au beffroi : sur les 350 marches, les 50 dernières sont dans un colimaçon extrêmement étroit. J’y ai aussi trouvé de superbes portes médiévales en bois de chêne
massif épargnées durant la Révolution.

Q : L’une des séquences le plus impressionnantes du film, c’est l’effondrement de la flèche de Notre-Dame puis de la voûte. Pour cela, vous avez tourné en studio à la Cité du Cinéma. Racontez-nous…

Jean-Jacques Annaud :  C’était le 5 avril 2021… Journée très importante en effet. Il s’agissait d’une reconstitution totale puisqu’aucune caméra de surveillance, inexistantes à Notre- Dame, n’a enregistré ce moment. Les pompiers eux-mêmes, en sous-effectif de leur service audiovisuel ce jour-là, n’ont aucune image de cette scène capitale. Dans la réalité, la voûte est tombée d’une hauteur de 40 mètres, déversant 500 tonnes de poutres enflammées, de mortier et de pierres sur le dallage de la cathédrale. Cette séquence dure environ 1 minute 30 à l’écran mais elle nous a demandé des semaines de préparation ! Je veux d’ailleurs saluer l’ensemble de l’équipe d’effets spéciaux, la meilleure avec laquelle j’ai eu l’occasion de travailler. Nous avons donc minutieusement aménagé le plus grand studio de la Cité du Cinéma pour disposer d’au moins 20 mètres de hauteur de chute pour 75 mètres cube de matériaux enflammés. Six grands paniers de métal ont été construits par l’atelier de ferronnerie, munis de grilles sur lesquelles ont été disposés de faux moellons en liège, du mortier et des poutres en balsa. Ces paniers sont équipés de câbles actionnés par un système de levier similaire à celui des aiguillages de chemin de fer pour les ouvrir. Au moment voulu, tout cela est enflammé et à partir de là, nous disposions d’une minute et 15 secondes avant que la chaleur et la fumée ne deviennent incontrôlables, voire dangereuses ! Cet allumage du feu est opérationnel au bout de 30 secondes, il m’en reste donc 40 pour filmer la scène ! Pour ne pas avoir à refaire les choses, j’ai tourné avec une douzaine de caméras en simultané, sous des angles différents, certaines étant au milieu du brasier, protégées par « crash box », des boîtes en métal ultra résistantes au choc et à la chaleur qui sont ventilées… Pas une seule de ces caméras ne nous a fait défaut ! En revanche, la puissance du feu a en partie fait cramer le plafond du studio : heureusement nous étions bien assurés.

Q : Un mois plus tard, autre moment crucial : vous avez pu tourner sur le parvis de Notre-Dame…

Jean-Jacques Annaud :  Oui, juste devant les palissades de la zone plomb derrière lesquelles nul ou presque ne peut accéder. C’est une étape importante du film qui n’a pas été simple à mettre en place. Nous avions des figurants, des véhicules de pompiers, des bus de touristes mais aussi des techniciens, des caméras, des caisses de matériel, des ventilateurs, des appareils à fumée et d’autres qui projetaient en hauteur du charbon de bois, etc… Cela impliquait également de boucler une partie du quartier et des voies de circulation alentour. Nous avons également eu l’autorisation exceptionnelle de tourner à l’intérieur des coursives de Notre-Dame. Nous étions une trentaine de personnes, (au lieu de 150 habituellement) et nous en sommes ressortis très émus… Soudain, Notre-Dame prenait réellement corps aux yeux de mes techniciens. Nous sommes passés par des endroits de la cathédrale encore jonchés de braises carbonisées, de débris de poutres, les murs noircis par la fumée, recouverts de coulures de plombs solidifiées… La sensation était bouleversante, saisissante. Entre les différentes prises, sur ce parvis de l’Ile de la Cité, je me suis régulièrement surpris à regarder Notre-Dame. J’aime l’identifier à un personnage vivant. C’est ma star et je l’adore. Je raconte son histoire pendant les heures tragiques où elle a failli mourir. Ses sauveteurs sont empêchés de venir à elle par les embouteillages, les travaux. Les bons médecins auront-ils arrêter l’hémorragie à temps ? La magnifique nouvelle, c’est que la cathédrale a survécu. Elle est toujours là, même si l’action combinée du feu et de l’eau n’a pas arrangé son état général qui sans cela aurait de toute manière nécessitée des travaux d’envergure, tant les pierres sont par endroit en mauvais état… Je lui devais de dire la vérité sur ce qui lui est vraiment arrivé. C’était ma responsabilité de le faire, avec émotion et respect.

Q : Et puis faveur ultime : vous avez pu tourner à l’intérieur même de la cathédrale…

Jean-Jacques Annaud :  Cela nous semblait impossible, inaccessible. Evidemment, c’était en équipe ultra réduite et pour un temps limité, après nous être soumis au protocole indispensable extrêmement contraignant : nos combinaisons anti-plomb et les costumes de nos comédiens ont ainsi été jetés pour être brûlés à l’issue de la scène !

Q : En ce printemps 2021, vous avez également lancé un appel sur les réseaux sociaux pour récupérer des photos ou des images vidéo tournées le soir de l’incendie par des touristes ou des anonymes. L’idée étant d’insérer ces documents dans votre film…

Jean-Jacques Annaud :  Nous avons reçu plus de 6000 films, vidéos ou photos. Sur ces images enregistrées sur téléphone portable, j’ai vu tout un tas de détails qui, (heureusement), correspondaient parfaitement à ce que j’avais déjà tourné ! J’ai également récupéré des films montrant la foule amassée sur les ponts, chantant des cantiques. On nous a envoyé des images de ce qui s’est passé à l’étranger à l’annonce de la catastrophe car le monde entier a assisté en direct à l’événement. En Chine, en Australie, aux États Unis, en Angleterre ou en Islande, l’incendie a fait la une.

Q : Retour au studio en mai 2021, cette fois à Bry-sur-Marne pour un autre moment dantesque du film…

Jean-Jacques Annaud :  L’incendie de la coursive du transept nord et là encore, nous avons construit un décor en taille réelle. Cette coursive est celle où sont parvenus les six premiers pompiers envoyés sur l’incendie. Ils sont parvenus sur le lieu plus d’une heure après son déclenchement. Ils ont été confrontés à un incendie monstrueux et à la fureur des flammes avec des moyens de lutte dérisoire. Le décor faisait plusieurs dizaines de mètres de hauteur : un couloir très étroit d’une cinquantaine  de centimètres de largeur qui donne d’un côté sur le vide et de l’autre sur le feu… Tout a été reconstitué à l’identique à Bry, avec les réserves de gaz dont nous avions besoin et des pompes pour projeter de l’eau. La toiture a été dupliquée en quatre versions figurant les étapes de la progression du sinistre, jusqu’à sa quasi destruction. Les équipes de la décoration ont fait face à des contraintes folles, notamment pour dissimuler les conduits devant acheminer la fumée et le feu sur cette coursive de cinéma… Chaque flamme était alimentée par une tuyère à puissance variable, contrôlée à distance. La couleur du feu devait être rouge et pas bleue donc il fallait aussi gérer la puissance des ventilateurs qui dirigeaient la fumée à la bonne vitesse et dans la bonne direction. Selon les phases de l’incendie, ces fumées sont d’abord blanches, puis noires et enfin jaunes ! Cela reste un moment du tournage très dangereux pour mes acteurs car les émanations, (quoique l’on fasse ou puisse prévoir), sont toxiques. Quant aux flammes de ce plateau, elles montaient jusqu’à 500 ou 600° et bien entendu, j’ai expressément indiqué à mes comédiens qu’ils devraient reculer et se mettre à l’abri quand la chaleur devenait insupportable… Nous avions une équipe de vrais pompiers au cas où les choses nous échapperaient. À l’occasion de cette scène, j’ai constaté une nouvelle fois combien les acteurs sont motivés par ce genre de situation, à condition qu’ils nous fassent confiance et qu’ils sachent que tout est mis en oeuvre pour leur sécurité absolue. C’est l’essence même de leur vocation : vivre des vies extraordinaires et là, ils ont été servis…

Q : Un mot d’un des autres personnages du film : la musique. Vous avez travaillé avec un compositeur britannique, Simon Franglen…

Jean-Jacques Annaud : Un partenaire de très longue date… Ce sujet de sa très Gracieuse Majesté d’Angleterre m’a été présenté il y a des années par James Horner, mon regretté grand ami compositeur qui a signé pour moi les musiques du Nom de la rose, Stalingrad, Or noir et Le dernier loup. Si un épouvantable accident d’avion ne lui avait pas coûté la vie en juin 2015, nous aurions poursuivi cette formidable collaboration et cette franche amitié. Simon, que James désignait comme « le meilleur keyboard artist du monde », est également un arrangeur de génie qui possède des milliers de sons de tous les instruments imaginables dans ses fichiers et est capable de vous les jouer au clavier ! Il travaille en ce moment avec James Cameron pour la suite d’Avatar… La composition de la musique de mes films est un moment que j’ai longtemps redouté, de peur de perdre le contrôle des choses. Si l’idée de départ, le scénario, les dialogues, le casting, le choix des décors, le tournage, le montage, l’étalonnage ou le mixage passent obligatoirement sous ma férule, la musique, elle, doit être confiée à un autre. En gros, j’ai fait le bébé mais ce n’est pas moi qui l’habille ! Je peux inspirer, mais je ne suis pas aux manivelles. Bien évidemment, (et c’est le cas avec Simon), je passe un temps considérable au « spotting » où scène par scène, plan par plan nous décidons à la seconde près ce qu’il est nécessaire d’exprimer. Nous avons enregistré en Angleterre. D’abord à Abbey Road, le mythique studio des Beatles, également un des temples de l’enregistrement de musiques de film. Nous y avons capté les choeurs composés par Simon pour Notre-Dame brûle avec les 35 chanteurs du groupe Tenebrae, un des plus réputés au monde qui a notamment collaboré à la bande originale de Star Wars… Moment assez rare : à la fin de l’enregistrement, les choristes se sont levés pour applaudir le travail de Simon. Nous avons ensuite enregistré les 70 musiciens de l’orchestre chez Air Studios, toujours à Londres.

Q  En termes de post-production, quelle part du film a dû bénéficier de plans avec effets spéciaux ?

Jean-Jacques Annaud : Ce sont Mikros et The Yard, deux sociétés françaises extrêmement compétentes qui se sont chargées de cette tâche sous la supervision de notre coordinateur et superviseur VFX Laurens Ehrmann. Cela concerne environ 1/4 des plans, soit 400 environ sur les 1500/1600 du film. Pour la moitié d’entre eux, il s’agissait surtout de faire disparaitre des câbles de sécurité retenant les acteurs ou des tuyaux d’alimentation en eau ou en gaz sur les décors. L’autre moitié du travail a été plus complexe, consistant à ajouter de la fumée en arrière-plan ou des flammes quand ce n’était pas possible ou trop dangereux sur le plateau…

Q : Cette longue et passionnante aventure touche à son terme… Notre Dame brûle arrive sur les écrans. Quel regard jetez-vous sur cette épopée cinématographique entamée sans le savoir un soir d’avril 2019 ?

Jean-Jacques Annaud : Je sors enchanté de ce moment de vie ! Il n’a fait que conforter une attitude que je m’applique depuis le début de ma carrière : toujours écouter cette petite sonnerie intérieure. Si elle ne résonne pas quand je m’intéresse à un sujet potentiel, il faut laisser tomber. Je ne fonctionne qu’à l’enthousiasme. Depuis le moment où j’ai commencé à lire les premiers documents remis par Jérôme Seydoux, j’ai été passionné, séduit, fasciné, surpris par cette histoire. Chaque matin, des repérages au tournage en passant par les préparatifs, le casting ou la post-production, je me suis réveillé en ayant envie de me jeter dès le saut du lit dans cette nouvelle journée qui commençait ! Ce qui est amusant et touchant à la fois, c’est que je passe presque tous les jours devant Notre-Dame. Je n’ai qu’à me mettre au balcon de mon appartement parisien pour l’apercevoir, là-bas de l’autre côté de la Seine… Je continue de lui parler et l’appelant « ma chérie » ! Je lui demande « comment tu vas aujourd’hui ? ». De toutes les actrices que j’ai eu la chance de diriger, Notre-Dame est sans nul doute la plus digne, mais aussi la plus fragile. Elle est toujours aussi belle. La plus célèbre cathédrale du monde est en travaux pour très longtemps encore. Je constate semaines après semaines l’avancée de ce chantier colossal, unique et historique. Elle revient de loin mais elle est toujours là… Son histoire durera longtemps après la mienne ou la nôtre. Je suis heureux d’avoir pu croire, un bref instant, avoir été son amant.

Q : Votre film épouse tout du long les contours du thriller : on connaît la menace, on l’entend, on la devine, on sait les ravages qu’elle va causer mais on ne la voit pas au début…

Jean-Jacques Annaud : C’est le principe du temps suspendu : faire durer l’attente et le plaisir du spectateur le plus possible en entretenant le suspens vis-à-vis du feu… J’ai voulu retarder les choses au maximum, en semant un faisceau d’indices, en affichant les heures et les minutes à l’écran avant que l’incendie ne devienne inéluctable. C’est d’ailleurs ce qui m’avait fasciné et passionné dès le départ en lisant les premières documentations : l’accumulation des dysfonctionnements dans cette histoire est hallucinante. Je n’avais compris que le dixième de la vérité… On se demande comment on est parvenu à sauver Notre-Dame… Pour tout vous dire, la nuit de l’incendie, j’étais persuadé que la cathédrale allait s’effondrer. Le Général Gonthier m’a révélé il y a quelques mois que lui aussi le redoutait. Il avait planifié de faire, si je puis dire, une croix sur Notre-Dame et de sécuriser les immeubles alentours afin d’éviter une contamination de l’incendie sur toute l’île de la Cité quand la cathédrale s’écroulerait…

Q : Le soin apporté au son dans votre film est exceptionnel. Craquements, flammes, eau, ambiance ou dialogues : chaque élément sonore est totalement mis en valeur…

Jean-Jacques Annaud : C’est en effet un énorme travail qui nous aura demandé plus de 6 mois depuis l’été 2021… La bande son a été conçue pour être immersive et sera au maximum de sa puissance dans les grandes salles Imax, Dolby Vison, Atmos 4K, 7.1 et 5.1… Je suis persuadé depuis le début de ce projet que 50% de l’émotion pouvait venir du son. Tout le monde a vu des images de la cathédrale en feu, peu de gens l’ont entendue, a fortiori de l’intérieur. Mon but est que les spectateurs soient en osmose avec les pompiers au coeur de la fournaise, qu’ils entendent les poutres gémir, exploser, qu’ils comprennent la rage du « démon incendiaire », de ce diable conquérant qui dévore tout, qu’il respire la fumée s’insinuer dans les recoins de la cathédrale, que le crépitement de l’eau projetée sur les tubes chauffés à blanc des échafaudages leur donnent l’impression de manier eux-mêmes la lance à incendie. La technologie Atmos permet de vivre cette expérience grâce à plus de soixante-dix haut-parleurs répartis horizontalement et verticalement autour et au plafond de la salle. Chaque détail sonore devient un composant du récit. L’’incendie de Notre-Dame a plongé un vaste périmètre parisien dans un vacarme assourdissant… J’ai tenu à ce que l’on réenregistre des sons plus précis que ceux qu’il avait été possible d’obtenir en prise directe pendant le tohu-bohu du tournage. Ils ont été remplacés lors de la post-production : éclatement d’une lourde goutte de plomb sur un casque de pompier ou sur un vieux plancher de chêne, raclements des chaises propulsées par l’effondrement de la voûte sur le dallage de la cathédrale, grondements des portes médiévales qui claquent contre les chambranles, mitraillages des gouttes d’eau propulsées par les lances à incendie sur les différentes surfaces, murailles, poutres enflammées, échafaudage tubulaire, bronze des cloches. C’est un travail considérable, auquel il faut ajouter celui des différentes équipes chargées des ambiances (rumeurs de la ville, sirènes, embouteillages, klaxon, clameurs de la foule, etc), des effets, (grincements des charnières, serrures qui claquent, cliquetis des clefs, fracas des moellons qui s’écrasent au sol…), des bruitages, (tout ce qui doit être parfaitement synchrone : impact des bottes sur les marches de pierre, frottement des uniformes sur les murs, vitres qui se brisent). Plus, bien entendu un bon tiers des dialogues des comédiens à refaire en post-synchronisation, dialogues souvent couverts durant le tournage par le tumulte des ventilateurs à fumée, des propulseurs de braises, des tuyères à feu… Enfin en bout de ligne : la musique, composée par Simon Franglen pendant des mois pour accompagner à chaque demi-seconde les inflexions du récit, souligner les tensions et faire s’épanouir les émotions. Des dizaines d’heures de spotting pour tout décider avec moi avant de composer, des dizaines d’heures de calage des maquettes sur l’image provisoire, des dizaines d’heures d’enregistrement, des milliers de pistes sonores mixées à Londres puis ajustées à l’image par Dick Bernstein, spécialement venu des Etats Unis durant un mois et demi pour s’acquitter de cette tâche… Peu de spectateurs imaginent la masse de travail que cela représente. Le fascinant et fondamental travail de post-production demeure un domaine aussi magique que mystérieux.

Synopsis : 
Le long métrage de Jean-Jacques Annaud, reconstitue heure par heure l’invraisemblable réalité des évènements du 15 avril 2019 lorsque la cathédrale subissait le plus important sinistre de son histoire. Et comment des femmes et des hommes vont mettre leurs vies en péril dans un sauvetage rocambolesque et héroïque.

Notre-Dame brûle
Réalisé par Jean-Jacques Annaud
Produit par Jérome Seydoux, Ardavan Safaee 
Écrit par Thomas Bidegain, Jean-Jacques Annaud 
Avec Samuel Labarthe, Jean-Paul Bordes, Mikaël Chirinian, Jérémie Laheurte, Maximilien Seweryn, Dimitri Storoge, Chloé Jouannet, Pierre Lottin, Jules Sadoughi, Vassili Schneider, Ava Baya, Nathan Gruffy, Sébastien Lalanne, Bernard Gabay, Oumar Diolo, Antonythasan Jesuthasan, Élodie Navarre, Chloé Chevallier, Tony Le Bacq, Miguel Facchiano, Maxime Grandemange, Daniel Horn, Pascal Rénéric. 
Musique : Simon Frangien
Image : Jean-Marie Dreujou
Montage : Reynald Bertrand
Sociétés de production : Pathé, TF1 Films
Distribué par Pathé
Date de sortie : 16 mars 2022 (France)
Durée du film : 110 minutes

Photos : Coyuright Pathe Distribution