Conference-de-Presse - Shérif Jackson

Par Mulder, Deauville, 01 septembre 2013

Q : Pourquoi avez-vous choisi de vous aventurez sur le genre d’un western qui est plutot un genre délaissé dans l cinéma américain ? Même si le personnage du Shérif Jackson et très haut en couleur, ce film aurait peut-être pu s’appeler Lady Sarah ?

Noah & Logan Miller : Pour répondre à la question du Western, c’est surtout une question d’opportunité. nous avons recu le scénario original nous a été envoyé par le distributeur du DVD qui voulait que celui-ci arrive dans les mains de Ed Harris. Cet acteur était déjà dans notre premier long métrage. Lorsque nous avons eu le scénario entre les mains, nous nous sommes dits que c’était une excellente idée. Nous étions persuadés que nous pouvions en faire un bon film et que c’était le genre de scénario qui leur permettrait de faire un bon court métrage. Ceci étant dit, le scénario dans sa version originale était très différent. Il y a eu pas mal de choses par exemple comme le Shérif Jackson qui n’était même pas dans la première version du scénario. C’est vous dire à quel point il était différent. Nous nous sommes investis dans le scénario et avons commencé à l’écrire et le réécrire encore pour arriver à ce triangle de personnages. Nous sommes fan du genre, le western est un genre typiquement américain. Nous avons grandi dans la nature en Californie. Les grands espaces de l’Ouest américain, cela nous parlent et nous les connaissons. Nous savions que nous allions pouvoir parler avec beaucoup d’aisance de ce genre. Nous nous sommes appropriés le scénario et c’est la raison pour laquelle nous avons faits un western. Concernant le choix du titre, la toute première version du scénario que nous avions reçu portait le titre de « holy nate , terre sacrée » puis est devenu Sweetwater en hommage à Sergio Leone. Le premier titre original aurait pu faire tiquer certaines personnes. En même temps, quand on voit le film, il y a sûrement peu de choses qui les feront tiquer. Le titre a évolué de cette manière-là. Il ne faut pas oublier qu’en tant que réalisateur d’un film, on essaye de tout contrôler et d’avoir le maximum de contrôle sur tous les éléments, toutes les choses. Il y a un moment donné où il faut bien avouer que le film ne nous appartient plus. Il suit son chemin. Quand on a terminé le montage, le mixage et tout ce qui se passe après, on ne peut plus vraiment avoir forcément la main et ce n’est forcément pas plus mal. Nous n’avons pas la prétention de connaître le marché français par exemple et savoir ce qui peut marcher comme titre, comme connotation. Nous avons fait confiance au distributeur français qui a trouvé ce titre. Nous espérons que cela soit le meilleur titre du film pour la sortie de notre film.

Noah & Logan Miller Q : Justement comme vous parliez de Sergio Leone, ce film est à la fois un western que nous retrouvons avec des plans à la John Ford, avec ces grands espaces, ces plans d’opposition entre le soleil et d’ombre. Mais, j’ai l’impression que c’est surtout un western italien car il en casse les codes notamment via les personnages. Là, vous mettez une femme en avant ou encore le shérif Jackson qui pourrait presque ressembler à des Django, Zapata et autres. Avez-vous voulu faire un western italien ?

Noah & Logan : Oui, c’est un choix complètement conscient. C’est vrai que lorsque nous parlons d’un western, il y a beaucoup d’attente de la part du public car c’est un genre que l’on connaît mais en même temps, c’est quelque chose de sacrée. Au niveau de l’art en général quand on dit que quelque chose est sacrée, quelque part c’est dangereux car cela veut dire qu’on est obligé de suivre les règles et de répondre à certaines attentes. Nous avons décidé quelque part de dire non ce film n’est pas un western. En fait, on a décidé de raconter ce genre d’histoire et on va raconter une histoire avec des personnages dans ce genre d’endroits à cette époque-là mais ce n’est pas forcément un western pour ne pas l’enfermer dans une catégorie peut être un peu trop respective par rapport à ce qu’ils pourraient dire ou faire car les influences sont multiples. Ce n’est pas forcément les influences du western. Les influences sont vraiment multiples par exemple lorsque nous étions en train d’écrire le film, nous écoutions Pink Floyd et ce groupe est l’une des influences. Les influences sont très diverses et viennent d’endroit très variés et ce n’est pas du tout enfermé dans le cadre relativement classique du western. Il y a beaucoup de connotations, de choses qui nous reviennent en voyant le film. Celui –ci a été tourné dans le sud ouest américain, c'est-à-dire à un endroit géographiquement que les amateurs de western classiques connaissent car c’’est là où John Ford a tourné beaucoup de ces films. Lorsqu’on tourne dans ce genre d’endroit, il est impossible d’échapper à une espèce de legs par rapport à ces grands du cinéma classique américains. C’est un peu ce qui peut s’en échapper comme la lumière, les paysages font que on le veuille ou non, il y a des choses qui reviennent. Les paysages de John Ford presque désertiques de désolation, c’était des endroits très intéressants car nous y étions avec notre directeur de la photographie Brad Shield et avons testé différentes lentilles 21mm, 25mm et 27mm pour arriver à avoir un aspect le plus original et qui est en même temps dans l’esprit du western. On ne peut pas y aller.

Logan Miller Q : J’ai adoré votre film et votre casting est très intéressant. Pouvez-vous nous en parler ?

Noah & Logan : la première personne qui était attachée au projet était Ed Harris. Nous avons faits un film il y a quelques années avec lui et donc on le connaissait et on a eu un accès privilégié avec lui pour faire ce film. Lorsque nous sommes en train d’écrire, nous n’écrivons pas pour des comédiens en particulier. Nous ne visualisons telle ou telle personne. Nous écrivons un personnage et après libre à eux de trouver le comédien qui va l’habiter avec le plus d’aisance et de force. Notre directrice de casting Jeanne McCarthy nous a envoyé une liste de comédiennes possibles pour jouer le rôle principal et dans cette liste il y avait January Jones. Quelque part, elle est sortie du lot très vite car elle a toute les qualités requises pour ce personnage encore. C'est-à-dire qu’elle incarne parfaitement la figure vengeresse, stoïque, archétype de ce genre de figure tel que nous pouvions l’imaginer. Elle possède cela. Elle a un visage qui peut être assez peu expressif et en même temps, il y a tant de choses qui passent dans ce visage-là. C’était vraiment quelque chose qui nous intéressait donc on lui a fait envoyer le scénario. Elle l’a lu. Nous nous sommes rencontrés. Nous avons déjeuné ensemble. Les choses se sont faites très facilement.

Logan : January Jones est une comédienne qui en outre est très belle. C’est vrai que tout de suite nous avons décidé de ne pas mettre cela de côté et de ne pas en faire une sorte de machine mais vraiment travailler sur l’aspect général de cette comédienne car elle est très sensuelle et aussi un côté sexuel qui est très fort. On n’a pas essayé de briser cela d’une manière ou d’une autre. Nous avons mis cela en valeur.

Q : Est-ce que finalement, votre film n’est pas une façon justement métaphoriquement de régler les comptes de l’Amérique d’aujourd’hui. Il est question de religion, de sexe, des femmes. Est-ce que ce n’est pas un petit peu comme cela un film contemporain.

Noah : De manière très vraie et classique, lorsque nous écrivons, nous écrivons. On ne va pas sur réfléchir ou intellectualisé plus que de raisons. On laisse aller le flot de l’écriture. On n’a pas été étudiant dans des écoles de cinéma. On n’a pas appris ce genre de choses. On est devenu écrivain. On a appris par nous-mêmes sans l’aide de personne. On a une mentalité indépendante par rapport au système d’écriture et par rapport à la réalisation. Quelque part quand le public voit le film, s’ils y voient des métaphores, des allégories, des sous-entendus c’est très bien mais ce n’est pas forcément quelque chose que nous avons voulu apporter. Mais, c’est vrai qu’en tant que réalisateur le but de tout réalisateur de films et nous y compris est que le public va voir notre film et en sortant de la salle cela les fait réfléchir. Si le public y voit des métaphores, des sous-entendus sur ce qui peut encore se passer et bien oui, c’est très bien. C’est vrai que le personnage de Miguel est mexicain et que le racisme aux Etats-Unis est quelque chose qui est très présent comme ce prophète dans le film et le thème de la religion qui est un peu imposé parfois. C’est évident, on peut trouver une relation entre chaque terme et chaque personnage du film et un problème actuel et contemporain. C’est aussi le cas de cette femme qui se bat pour s position, pour pouvoir exister. On peut envisager cela sous beaucoup de perspectives mais encore une fois ce n’était pas un choix conscient d’appuyer là-dessus. Nous avons faits notre travail et essayer de ne pas intellectualiser tous ces concepts. Nous avons avant tout fait un film pour raconter une histoire pour passer deux heures très agréables dans une salle de cinéma et tout ce qui peut être compris par certaines personnes et pas par d’autres c’est la possibilité de chacun d’en avoir sa vision.

Noah Miller Q : vous êtes de vrais jumeaux si j’ai bien compris. Pouvez-vous nous dire comment c’est de travailler avec votre frère ? Votre prochain projet sera à première vue un thriller moderne. Est-ce que vous pouvez nous en parler un petit peu ? Ed Harris sera-t-il de la partie ?

Noah : Pour répondre à la première question concernant le fait de travailler avec mon frère jumeau. Oui, nous sommes de vrais jumeaux. Au-delà du fait que nous soyons frères, nous sommes les meilleurs amis du monde. C’est vrai que ce qui peut sembler bizarre et inhabituel pour des gens qui ne sont pas jumeaux est pour nous normal, c’est la vie. Cela n’a rien de bizarre. Le simple moment où cela peut devenir bizarre c’est par exemple lorsqu’il y en a un qui se brosse les dents devant un miroir puis tout d’un coup le frère passe derrière. C’est le seul moment où cela peut être bizarre mais cela ne dure qu’une seconde. Sinon sur le plateau de tournage, travailler avec son frère jumeau cela veut dire que l’on s’engueule énormément. C’est un peu comme dans tous les mariages, il y a beaucoup de disputes. Par contre, on se fait un trait d’honneur à ne pas se disputer et partir dans ce genre d’argumentation en face aux restes de l’équipe. On s’engueule en dehors des plateaux de tournage notamment pendant la période d’écriture. Quand on écrit, on se jette à la gorge l’un de l’autre. C’est très difficile et en même temps, cela dure rarement longtemps. C’est une relation frère-frère tout à fait classique. Si sur les plateaux de tournages notre dialogue ne s’envenime pas c’est parce que le tournage par exemple de ce film n’a duré que 23 jours. 23 jours c’est très peu surtout quand on tourne avec des chevaux, des cascades avec un temps qui au Nouveau Mexique change très vite. On pourrait se dire qu’à un moment donné on voulait des nuages dans cette séquence puis tout d’un coup les nuages arrivent et les nuages deviennent des éclairs, du vent et cela devient ingérable. Le temps est très complexe donc si on perd on temps à s’engueuler on ne va pas arriver à grand-chose. Ainsi, on s’est réparti les tâches assez naturellement. Je parlais plutôt au directeur de la photographie tandis que Logan parlaient aux comédiens. Cela s’est bien passé et mieux que sur notre premier long métrage. Nous n’avions pas à lors de technique. Pour notre premier film on avait discuté ensemble avec les comédiens. L’un de nous commençait une phrase, l’autre la terminait. Ce fut un peu traumatisant pour les comédiens et on a très vite arrêté. On est passé à cette technique qui est beaucoup plus simple pour les comédies pour pouvoir jouer avec eux. En ce qui concerne notre prochain film « Let the good prevail » (Que le meilleur gagne), cela sera un thriller contemporain qui aura un look très différent et nous travaillons dessus. Ed Harris fera de nouveau partie du casting mais on en dira pas plus. On espère que l’on pourra tourner le film rapidement et revenir ici bien évidemment.

Q : Que trouvez-vous d’intéressant dans le travail que vous faites avec Ed Harris ? Que peut-il apporter particulièrement à votre cinéma ?

Noah & Logan : Pour nous, Ed Harris fait partie des maitres de notre époque. C’est l’un des grands comédiens d’aujourd‘hui. C’est un honneur de l’avoir comme comédien sur nos films. C’est un acteur qui s’investit vraiment et pour qui ciseler le travail au maximum c’est vraiment ce qui compte le plus. C’est la même chose pour nous. C’est le travail qui compte avant tout. On était vraiment sur la même longueur d’onde. C’est quelqu’un qui essaye toujours d’aller au maximum de ces capacités et d’apporter le meilleur de ce qui peuvent apporter et qui n’a pas vraiment peur de prendre des risques et de mettre sa carrière en jeu ou que ce soit. Il ne va pas forcément prendre le chemin le plus facile, le plus aisé, le moins risqué. Au contraire, il l’a prouvé à plusieurs reprises. C’est vraiment une chance de l’avoir avec nous sur notre film. On se remémore la première fois où nous l’avons rencontré. C’était avant notre premier film parce qu’on avait écrit un scénario qui parlait de la relation entre nous deux et notre père. Notre père était en prison pour 15 ans. On lui rendait souvent visite en prison. Notre père savait que l’on avait écrit ce scénario. Il nous demandait souvent qui allait jouer son rôle. Un peu comme une blague, l’un de nous lui a dit que cela sera Ed Harris. Notre père ne connaissait pas du tout ce comédien. Cette blague a duré un certain temps et quelques temps après notre père est décédé en prison. Cela a été l’élément catalyseur de notre début de carrière ou nous avons décidé de faire des films. Cette idée d’avoir Ed Harris est quelque chose qui restée en tête car au départ c’était comme une promesse. Un jour, il y eu un évènement à San Francisco, un festival et Ed Harris était présent et on avait préparé une petite bande annonce de deux minutes pour promouvoir notre premier film. On voulait vraiment le faire voir à Ed Harris et à un moment donné, il s’est retrouvé en coulisse. On y est allé aussi et on lui a dit que l’on avait une petite bande annonce à lui faire voir sur ordinateur. On lui a demandé s’il pourrait la regarder et il a acquiescé. On lui a fait voir la vidéo. Il a trouvé cela pas mal et on a gardé contact. Neuf jours plus tard, Ed Harris nous a rappelé et nous a dit que c’était d’accord et qu’il acceptait de jouer dans notre film. Les choses se sont alors fait très vite et on s’est vu de plus en plus souvent. On a sympathisé à tel point que nous sommes devenus amis. Même si Ed Harris veut faire partie de tous nos projets, il n’y a aucun problème. C’est un comédien capable de tant de choses et d’apporter tant de choses. Lorsqu’on écrivait des phrases ou juste un mot, Ed Harris est le genre de comédien qui va prendre ce mot, cette virgule et il va le torturer, le prendre dans ses mains et le transcender. 95% de ce que l’on voit à l’écran, c’est Ed Harris qui l’apporte de lui-même. C’est plus qu’une chance d’avoir quelqu’un comme lui à l’affiche de notre film.

Propos recueillis par Mulder, le 31 août 2013.
Avec nos remerciements à toute l’équipe de Le Public System Cinema
Vidéo et photos : Mulder