Si on me demandait ce que je préfère lorsque je travaille sur Mulderville.net, en collaboration avec un concepteur web très talentueux et un critique féru de cinéma, je dirais sans aucun doute couvrir des festivals et surtout assister à des conférences de presse. Le fait de pouvoir rencontrer des acteurs brillants et des réalisateurs très doués me donne de plus en plus l’envie de mettre en scène un court-métrage, voire de travailler sur un projet plus large. Voir un film n’est pas suffisant, car cela ne donne pas une réelle impression du tournage. Entendre des acteurs parler de leur expérience est d’un grand enrichissement pour moi et me donne la force d’espérer pouvoir un jour interviewer Christopher Nolan, Natalie Portman et Christian Bale.
La conférence de vendredi dernier qui eut lieu dans un palace parisien fut entièrement en anglais sans traduction orale (traduction par casque). Je tiens donc à m’excuser par avance pour les quelques erreurs de traduction.
Q : Tout d’abord une question pour vous tous : ce film est comme un road movie où les caravanes nous emmènent à travers l’Amérique. J’aimerais savoir ce que vous avez tiré du tournage de ce film et quelle expérience avez-vous vécu ?
Francis Lawrence : Pour moi, ce fut une expérience très enrichissante, une façon de retrouver une ancienne manière de tourner un film, car je travaille pour la plupart du temps avec des effets spéciaux et des trucages. Je voulais raconter une histoire d’une manière organique.
Reese Whiterspoon : Pour moi, ce fut le travail avec des éléphants. J’ai travaillé pendant trois mois pour apprendre les chorégraphies nécessaires pour travailler avec eux. Ce fut extraordinaire et surtout un challenge très physique pour moi.
Christoph Waltz : Un peu comme pour Reese, je pense que travailler avec des animaux requiert de les prendre encore plus au sérieux que vous-mêmes. C’est réellement une manière encore plus magique de faire ce que nous faisons d’habitude en interprétant un rôle. Les animaux sont présents et réagissent naturellement. Vous devez vous adapter à leur présence. Robert Pattinson : Ce fut une expérience très instinctive, comme disait Reese. J’ai eu un bon feeling en lisant le scénario, comme si je connaissais le personnage que j’interprète. Le monde que Francis a recréé est si bien conçu que j’ai eu du plaisir à jouer dans ce film. Décrire une journée de tournage de ce film, c’est comme décrire une journée pour un autre film, et j’ai essayé d’y mettre toute ma conviction.
Q : Comme le milieu du cirque est fortement évoqué dans ce film, j’aimerais connaître les attachements que vous avez avec ce type de divertissement. Vous sentez-vous comme des saltimbanques, puisque vous voyagez aussi beaucoup ?
Lawrence : Le cirque est comme une grande famille de gens qui vivent et voyagent ensemble, un mélange de différentes personnalités, où chacun a un talent spécifique. Tout le monde travaille ensemble dans le même but. Le cinéma a ainsi beaucoup de similarités avec ce monde. Pattinson : Le monde du cirque est un monde plus risqué que celui du cinéma, chaque soir il faut refaire les mêmes numéros risqués. Pendant le tournage, j’ai pris encore plus conscience du risque de certain de ces numéros.
Waltz : Je pense que le fait de montrer certains numéros de cirque dans ce film est moins risqué que celui de le faire réellement. Whiterspoon : Effectivement, il y a des points communs entre faire un film et faire parti d’une troupe d’un cirque comme être sur la route, travailler ensemble dans le même but, d’utiliser ses talents dans la même optique de divertir un public.
Q : Comment avez-vous travaillé avec les animaux ?
Lawrence : J’ai pris les éléphants, car ils m’ont été recommandés et j’ai pris plaisir à travailler avec eux. Un des éléphants faisait tout ce que on lui demandait. J’avais déjà travaillé avant ce film avec des animaux, notamment dans mon film précédent un chien. Pour travailler avec eux, il faut se mettre à leur place et surtout travailler en étroite collaboration avec le dresseur, afin de pouvoir obtenir certaines émotions de leur part. L’animal n’écoute que son dresseur, il faut donc travailler en permanence avec lui.
Q : Quel effet cela fait de monter sur un éléphant ?
Whiterspoon : Ce fut incroyable, effrayant d’abord, car j’étais très inquiète. Francis a pris la première fois une photo de moi sur cette éléphante et qui montrait que j’étais pétrifié. Après trois mois, on a pris l’habitude de travailler ensemble et on a appris à se connaître.
Q : Quand et comment avez-vous découvert le roman de Sara Gruen ? Le film est très semblable au livre. Quel a été le rôle de l’auteur dans le scénario, voire le choix de la mise en scène ?
Lawrence : Ma première expérience avec ce roman vient du fait que ma femme a lu ce livre. Elle a su que cela ferait un bon film et me l’a recommandé. Richard LaGravense, qui est ici dans la salle, a réussi à condenser le livre et nous en avons tiré l’essentiel pour en tirer un film de deux heures. Nous nous sommes concentrés sur l’esprit du roman. Nous avons fait des changements par rapport au livre, enlevé des passages. Nous avons cherché à rendre les personnages de ce livre encore plus humains et réels. Nous avons cherché des explications à leurs motivations personnelles.
Q : Robert, nous vous connaissons avec cette étiquette de héros romantique. Ce film change un peu cet aspect et fait de vous un héros dramatique. Avez-vous envie de changer de registre ?
Pattinson : Le fait d’être un acteur me permet d’essayer plusieurs genres de films. Je pense qu’il est difficile de faire un film sans aucune romance.
Q : Même genre de question pour Christoph : le fait d’avoir souvent le rôle du méchant sans tomber dans la caricature…
Waltz : Tout d’abord merci de m’avoir posé cette question. Il y a certains types classiques de rôles et ce n’est pas une chose stupide, mais une bonne chose. Un casting recherche toujours un type d’acteur pour un rôle, un physique. Comme pour Robert, et excuse-moi de te prendre comme exemple, nous avons besoin de ce type de rattachement à tel ou tel type de personne, car cela donne du sens. Après à vous de casser cette image que le public vous donne.
Q : Le personnage de Marlena qui est central dans ce film connaît des aventures et des émotions très différentes. Reese, pouvez-vous nous dire ce qui a été le plus difficile dans ce film ?
Whiterspoon : Ce rôle fut intéressant à interpréter. C’est le rôle le plus physique que j’ai dû jouer. Cela dépassait le cadre des films que j’avais déjà faits. Ce fut un rôle difficile, car je sentais le risque. J’étais tellement effrayée que j’avais du mal à dormir. Et le fait de jouer dans un cirque était nouveau pour moi, car je n’ai pas l’habitude que trois cents personnes me regardent quand je joue. Je me sentais aussi protégée par mon personnage, car c’est une femme des années 1930 sans éducation, sans famille, sans opportunités. Elle devait être forte pour supporter ce poids. Elle est forte et vulnérable en même temps.
Q : En termes de narration, pouvez-vous nous dire ce qu’apporte la présence des animaux ?
Lawrence : Je pense que la présence de ces animaux apporte beaucoup à la force du film. Les animaux sont purs, innocents et sont malgré tout utilisés et exploités par les hommes. Pour les années 1930, ils apportaient au cirque une touche d’exotisme, car à cette période le public n’avait accès ni à internet, ni aux informations sur le monde de la même manière que nous l’avons de nos jours. Les animaux apportaient une touche de magie.
Q : Il y a cette scène dans le film où les animaux sont lâchés et qui est très impressionnante. En tant que réalisateur, une telle scène est-elle difficile à tourner ?
Lawrence : Effectivement, cette scène est une scène forte du film : six-cents personnes en train de s’enfuir parmi les animaux. Nous avons beaucoup pensé à la manière de tourner cette scène. Tous les animaux lors de cette scène ont été saufs. C’était un challenge pour moi car chaque type d’animal à sa propre personnalité.
Q : Pour cette scène, Reese, Christoph, et Robert avez-vous été impressionnés ?
Lawrence : Pour commencer, ils ont eu peur de Christoph. Whiterspoon : Lors du tournage, j’ai frappé malencontreusement Christoph avec une balle dans le dos. Il s’est retourné et il avait l’air tellement effrayé que j’ai crié comme une petite fille. Il m’a fait tellement peur.
Pattinson : Pour cette scène, les personnes avaient moins peur que les animaux. Quand j’étais par terre et que Christoph me tapais dessus plus d’une trentaine de fois pendant que le public fuyait, ce fut une des scènes les plus difficiles que j’ai pu tourner.
Whiterspoon : Imaginez tout ce monde en train de courir partout…
Pattinson : … y compris les cameramen.
Lawrence : Dans cette séquence, on peut se demander pour quelle raison nous ne voyons pas les enfants. Dans les scènes de ce type, il n’y a que très rarement des enfants. J’en ai parlé avec mon coordinateur des cascades, cela aurait été bien de voir tomber un enfant. Il est donc venu avec sa fille de neuf ans, elle est tombée à plusieurs reprises, elle riait à chaque fois. Cela ne fonctionnait pas. Alors il s’est mis à courir avec elle et l’a jetée par terre. Vous verrez dans les bonus du film, qu’elle continuait malgré tout à rire.
Q : Pour finir, sur l’importance de cette éléphante, pouvez-vous nous dire un dernier mot ?
Whiterspoon : Ce fut une expérience inoubliable et singulière. Les derniers jours du tournage, ce furent de forts moments.
Lawrence : Cette éléphante nous a fait un signe d’adieu avec sa trompe.
Pattinson : Avec la trompe de l’éléphant, j’ai été transporté dans les airs. Le fait de jouer avec un éléphant est une des choses qui m’a convaincu pour interpréter ce film. Un jour, pendant le tournage, je me suis retrouvé assoupi contre l'éléphante endormie, elle aussi. Je crois que je n'ai jamais rien vécu d'aussi fou dans ma vie. Cela va rester un grand moment.
Waltz : Ce n’est pas fini : on continuera à aller la visiter à Paris, en Californie.