Q : Le 19 septembre, nous découvrions Miss Pérégrine et les Enfants Particuliers, le nouveau film de Tim Burton. Nous avons adoré la bande originale et le mélange de l’orchestre et d’éléments synthétiques. Comment avez-vous travaillé sur ce film avec Tim Burton ?
Matthew Margeson : Michael Higham a travaillé avec Tim sur de nombreux films et j’ai travaillé avec Michael sur deux autres films, autres que Miss Pérégrine. Quand Tim a commencé à penser à la musique pour Miss P, Michael m’a fait venir pour me présenter à Tim car il pensait que je serais un bon élément pour ce projet. Au final, nous avons décidé de collaborer sur la musique de ce film.
Michael Higham : J’ai travaillé avec Tim sur beaucoup de ses films, dans plusieurs rôles avant même de developer une amitié avec lui. J’adore travailler sur ces projets et Matt et moi avions déjà travaillé ensemble dans le passé et cela me semblait être une progression logique.
Q : Matthew Margeson, nous avons quasiment vu tous les films sur lesquels vous avez travaillé comme Eddie The Eagle (2015) et ceux de Henry Jackman : Kiss ass 2 (2013), Kingsman: The Secret Service (2015). Pouvez-vous nous parler un peu de votre univers musical ? Pouvez-vous également nous parler de votre collaboration avec le compositeur ?
Matthew Margeson : J’ai commencé à faire des medleys sur un vieil orgue qui se trouvait dans la maison de mes grands-parents quand j’avais environ 5 ans. Quand mes parents ont remarqué que je jouais des musiques que je connaissais, comme des comptines ou autre, ils ont décidé de me donner des leçons de piano. J’ai vu mon premier spectacle musical à Broadway, quand j’avais environ 12 ans, ce qui a été un déclanchement pour moi. J’ai étudié la composition de musique de film au Berklee College of Music, à Boston, et suis parti à Los Angeles peu après. Après quelques mois de recherche dans l’industrie cinématographique, j’ai atterri en tant qu’apprenti au studio de Hans Zimmer, Remote Control Productions. Quelques années plus tard, je rencontrais Henry Jackman, qui se trouvait également à « Remote ». J’ai commencé à faire quelques arrangements « au milieu de la nuit » sur certains films de Jackman et le reste… vous connaissez l’histoire. Nous avons très bien travaillé ensemble et nous avons un grand respect l’un pour l’autre, aussi bien en tant que personne qu’en tant qu’artiste.
Q : Quel est votre meilleur souvenir de collaboration avec un réalisateur?
Michael Higham : Le meilleur souvenir, c’est quand vous regardez la progression du film à travers la réalisation et que vous comprenez certaines choses sur le réalisateur et que vous apprenez de lui ou d’elle.
Matthew Margeson : Chaque film est différent et chacun a ses propres expériences. Musicalement, je dirais qu’Eddie the Eagle me colle encore à la peau. J’ai été capable d’écrire une bande originale façon années 80 qui concordait vraiment à ce son spécifique. Je doute avoir un jour la chance de travailler pour un projet de ce genre à nouveau… Mais qui sait ? ;-)
Q : Comment vous-êtes-vous partagé le travail sur la bande originale sur le nouveau film de Tim Burton?
Michael Higham : Matt est toujours un grand collaborateur et ce partage de la bande originale a été un processus instinctif. Nous voulions tous deux travailler sur des idées et étions souvent ensemble pour les partager (nous n’avons travaillé séparément que 10 minutes loin de l’autre). Le procédé s’est développé en écoutant les idées de chacun.
Matthew Margeson : Travailler aux côtés de Michael a été une très grande expérience. Nos studios étaient à 5/7 minutes l’un de l’autre, nous étions donc capable de nous rendre visite plusieurs fois par jour et regarder ce que l’autre faisait. Nous avons travaillé de façon linéaire, c’est-à-dire que nous avons commencé par le début du film et que nous ne sommes pas éparpillés tant que ça. La meilleure chose dans notre relation c’est que nous laissons nos égos de côté. Nous étions tous les deux ouverts aux suggestions de l’autre, cela a amélioré la bande originale et le film.
Q : Quelles ont été les difficultés les plus importantes que vous ayez rencontré pendant la composition de cette bande originale?
Michael Higham : Le film est vraiment centré sur le voyage de Jacob. Il était très important de suivre cette ligne directrice et de ne pas prendre d’avance sur ce voyage. Le film est un travail de longue haleine et il était important que nous le renforcions.
Matthew Margeson : Au commencement, nous avons quelque peu lutté sur savoir quoi faire pour the Hollows et Le Baron. Nous avons essayé un certain nombre d’idées qui ne collaient pas. Par la suite, après beaucoup d’essais et d’erreurs, nous avons mis nos cerveaux en commun et nous avons écrit un simple motif qui correspondait au personnage. Tim a entendu parler de notre nouvelle idée et l’a adoré.
Q : Quelle est, pour vous, la meilleure scène du film et comment vous y êtes-vous pris pour en composer la musique?
Michael Higham : Il y a une quantité de grandes scènes, beaucoup sont mes préférées!
Matthew Margeson : J’adore la scène où Emma emmène Jacob sous l’eau pour voir son jardin secret, un vieux bateau immergé appelé l’Augusta. Je pense qu’avec cette scène, nous savions que la musique devait être en quelque sorte fluide, active et liquide afin de représenter la majesté du bateau et de l’environnement sous l’eau. Les incroyables effets visuels que Tim a amenés pour cette scène l’ont rendu plaisante à écrire
Q : Comment avez-vous choisi les instruments pour ce film?
Michael Higham : C’était un procédé organique, à coup sûr. Nous avons utilisé des voix réelles ainsi que des instruments et les avons manipulés afin de créer des sons uniques. Il y a une palette très éclectique incluant le Wurlitzer et le Vibraphone dont le son semble réellement coller au film.
Matthew Margeson : La bande originale de ce film est principalement orchestrale. Il y a un de subtils synthés dans cette bande originale avec l’effort de faire un son qui soit quelque part étrange, afin de représenter les enfants qui sont, eux aussi, un peu étranges. Beaucoup des sons non-organiques et synthétiques que vous entendez sont en fait basés sur un matériau de source organique, c’est-à-dire des guitares, des solos de voix masculines, etc.
Q : Selon vous, comment cette bande originale reflète-t-elle l’état d’esprit des personnages principaux?
Michael Higham : Dans le cas de Jacob, nous avons essayé de créer un sentiment de voyage, basé sur un cycle de quatre cordes. Heureusement, cela devient familier tout au long du film sans être trop évident. Utiliser cette progression harmonique dans la plupart des scènes d’angoisse des adolescents aide à solidifier les émotions.
Matthew Margeson : Je pense que la palette sonore de la bande originale représente assez bien les personnages. Les enfants particuliers, comme mentionné plus haut, sont représentés par des sons que vous n’avez jamais entendus avant, des timbres synthétiques qui sont juste parfois débranchés, à certains moments. La musique pour le Baron et ses sbires est lente, progresse lentement. Le Baron est comme une force démoniaque qui ne cesse de devenir de plus en plus grande, de plus en plus proche.
Q : Comment avez-vous créé le thème principal du film?
Michael Higham : Tim voulait une sensation poétique avec un sentiment obsédant. Avoir le thème principal un peu “hors-sujet” semblait être la bonne solution et Tim a répondu à cela.
Matthew Margeson : Le thème principal pour Miss P. est comme une berceuse hantée. Nous avons discuté avec Tim de l’ambiance de la bande originale, et du thème original un peu avant que nous ne commencions. Il était clair qu’il voulait une musique simple… Quelque chose qui ne soit pas trop actif mais qui devait rappeler une berceuse. Il nous a toujours encouragé à subtilement mettre un peu « de » dans chaque scène.
Q : Connaissiez-vous Michael Hihgam avant votre collaboration pour ce film?
Matthew Margeson : Oui, nous avions travaillé sur deux films avant Miss P.
Q : Qu’aimez-vous dans la composition d’une bande originale?
Michael Higham : Aider le public à ressentir la bonne émotion (je l’espère !) en regardant une scène est toujours gratifiant.
Matthew Margeson : Le meilleur moment quand vous composer une bande originale, pour moi, c’est la composition elle-même. Vous travaillez des semaines, parfois des mois, vous travaillez très dur et plusieurs heures sur chaque scène. A la fin du process, quand vous terminez dans une pièce avec 80 musiciens, tous en train de jouer la musique que vous avez composée… Les nuits blanches et l’angoisse de la date limite s’envolent. C’est vraiment le meilleur moment dans la réalisation d’un film.
Q : Quels compositeurs sont pour vous une source d’inspiration?
Matthew Margeson : Quelques-uns de mes préférés sont Clint Mansell, John Powell, Hans Zimmer, John Williams, Barry, Goldsmith, Morricone…. La liste est longue!
Q : Avec quels réalisateurs américains aimeriez-vous travailler et pourquoi?
Michael Higham : Clint Eastwood. Je sais qu’il aime travailler rapidement et qu’il a une vision très claire, qui est toujours attrayante.
Q : Pourquoi la musique est si importante dans un film, selon vous?
Michael Higham : Cela donne une autre dimension à toute l’expérience.
Matthew Margeson : La musique, c’est le battement de cœur. Le manque de musique peut être un battement de cœur. La mauvaise musique peut conduire à la crise cardiaque.
Q : Quels sont vos projets actuels?
Michael Higham : Le retour de Mary Poppins, de The Walt Disney Company
Matthew Margeson : Rings est presque terminé… A cause de certains conflits d’emploi du temps, je n’avais que 3 semaines pour composer la bande originale, cela faisait beaucoup de musique à écrire en très peu de temps. J’adore faire cela (seulement de temps en temps). Cela vous force à avoir une énergie intense pendant quelques semaines. Des mois après que vous ayez terminé, vous regardez en arrière et vous vous demandez comment vous avez fait pour finir dans les temps. En ce qui concerne Kingsman, il n’y a pas grand-chose à dire actuellement… Nous commençons les discussions sur la réalisation du film, du ton, de l’allure, etc. ; nous en sommes aux tout débuts ;-)
Q : Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui aimerait travailler en tant que musicien?
Michael Higham : Ecrire de la musique chaque jour et peu importe si ce n’est pas visuel. Il faut écrire !
Matthew Margeson : Apprendre à vivre avec très peu de sommeil. Toujours croire en vous et votre réalisateur. Laisser son égo à la maison et ne jamais être trop attaché à sa musique… beaucoup finissent sur le plancher ;-)
Nous tenons à remercier tout particulièrement Matthew Margeson et Michael Higham pour avoir répondu parfaitement à nos questions et nous adressons un remerciement spécial à Andrew P. Alderete pour notre collaboration fructueuse..