Matt Ruskin : Tout d’abord, mon passé en tant que réalisateur de documentaires m’a beaucoup aidé. Pour commencer, cela m’a tout simplement donné suffisamment de confiance en moi-même et cela m’a permis d’oser prendre la caméra, tourner autour des gens, leur poser des questions. C’est quelque chose qui n’est pas forcément si facile que cela, dans le sens où on n’a pas l’habitude. Mais c’est vrai que moi-même ayant l’habitude de faire des documentaires, j’ai eu ce rapport assez facile de me rapprocher des personnes qui étaient autour de moi. D’ailleurs, il y a un aspect très documentaire, par exemple dans le film quand on voit des vendeurs dans le magasin, ce sont d’authentiques vendeurs. On est rentré dans le magasin, genre cinq minutes avant et on leur a demandé si cela les ennuyait pour faire une petite scène et le vendeur a dit qu’il n’y avait aucun problème. Cinq minutes après, la scène était tournée, certes fictionnelle, mais avec un accent de vérité très authentique et très vrai. Ensuite, mon expérience du documentaire m’a beaucoup aidé à l’étape du montage, parce que lorsqu’on fait des documentaires, il y a beaucoup de choses qui se passent sur le banc de montage : on coupe, on réécrit en quelques sortes, on fait pas mal de choses que j’ai moi-même de nouveau fait. Le tournage était très important, mais le montage était primordial pour ce film-là. J’ai passé beaucoup de temps dans la salle de montage à recouper tout cela et à remettre les éléments un peu dans l’ordre que j’avais en tête en tout cas. En ce qui concerne le fait d’accéder, de rencontrer des gens qui ont eu entre guillemets, le même passé, les mêmes expériences que les personnages que vous avez pu voir à l’écran, on a tous des relations avec d’autres personnes et encore une fois, on se nourrit de tout cela. Evidemment, j’ai rencontré ce genre de personnes et toutes les conversations que j’ai pu avoir avec ces gens-là, toutes ces expériences que nous avons partagé font partie du matériau fictionnel de ce film. C’est une fiction, tout est fictionnel, mais avec évidemment beaucoup d’éléments qui viennent de mon expérience. Dans cette expérience, il y a effectivement toutes les rencontres que j’ai pu faire avec ces gens-là.
Q : J’ai une question pour le réalisateur, dès que j’ai lu les premiers mots de l’histoire, le père qui est en prison, le frère, cela m’a fait penser à « Prison break », le premier épisode de la série. Même si l’histoire est très différente, j’ai l’impression que c’est un peu parti de la même histoire, mais illustré d’une manière différente. J’aimerais donc savoir si vous vous êtes inspiré de la série ?Ruskin : En fait, non. J’ai entendu parler de la série, mais je ne l’ai pas vue moi-même. Consciemment, il n’y a pas d’influence.
Q : Avez-vous voulu mettre l’Amérique en face d’un reflet auquel elle n’avait pas envie de regarder tous les jours, les yeux dans les yeux, et lui faire voir une partie de ce qu’elle est et qu’elle n’a pas envie de voir ?Ruskin : Mon film, consciemment, n’a pas de discours politique. Je ne suis pas parti dans cet état d’esprit en voulant revendiquer quelque chose. Mon but était vraiment de raconter une histoire de la manière la plus honnête possible et de faire voir les criminels non pas sur un côté idéalisé, comme on peut les voir trop souvent au cinéma, c'est-à-dire avec ce côté un peu gloire, clinquant, cool. Non, je voulais montrer la réalité telle qu’elle est et être le plus proche possible d’une authenticité.
Q : J’aimerais que vous nous parliez de votre casting. A première vue, ce sont des gens non professionnels, hormis Seymour Cassel. Pourquoi ce choix ? Est-ce relié à votre parcours dans le milieu documentaire ? J’aimerais aussi que Adam et Nico nous parlent de leur première expérience cinématographique.Ruskin : En fait, Nico, Adam et moi, on se connait depuis l’enfance. On est des amis d’enfance. On s’est toujours connu et Nico et moi tout particulièrement, on s’est toujours dit qu’à un moment donné, on ferait un film ensemble. On savait également que nous ne voulions pas rentrer dans le système traditionnel des studios américains pour faire ce film. On a vraiment monté ce film petit à petit, de manière presque artisanale. En ce qui concerne Adam, on a fait des ateliers pour apprendre à jouer, on y a intégré des acteurs de théâtre new yorkais et de Boston et également le grand acteur Seymour Cassel. C’est ainsi que tous ensemble, petit à petit, on a pu faire monter tout cela et faire monter le film.
Nico Stone : Encore une fois, le fait de me retrouver dans ces ateliers avec des acteurs comme Seymour Cassel par exemple était quelque chose d’assez intimidant au départ. De se retrouver plongé là-dedans alors que c’est vrai, je n’avais pas encore eu cette expérience auparavant, mais il faut savoir que tout cela est basé sur une relation, qui est une relation authentique entre moi-même et les autres comédiens, et puis aussi grâce au talent de Matt, qui a réussi à créer cette véritable intimité entre tous les acteurs et de faire en sorte que ce que l’on voit à l’écran parait si authentique, car c’était réellement authentique. Le lien nous reliant les uns aux autres étaient très, très fort.
Adam DuPaul : La première fois en fait que Nico a eu des nouvelles de ce tournage, c’est un message que j’ai reçu sur internet de la part de Adam, qui me demandait si je voulais jouer dans un film et je pensais que ce n’était pas sérieux et deux semaines plus tard, je me suis rendu compte que c’était sérieux. Je me suis dit qu’il fallait le faire ensemble. Pour moi, ce fut une expérience complètement nouvelle, car je n’ai jamais pris de cours de théâtre. Je me suis jetté dedans, ce fut certes difficile comme pour tout le monde d’apprendre les dialogues, d’être sérieux avec les dialogues et d’être à l’aise devant la caméra, ce qui n’est pas si facile qu’on le pense. Au vu du résultat, je pense que cela s’est bien passé. J’avais vraiment envie de faire tout ce que je devais faire, d’aller au-delà de toutes les épreuves que j’attendais. Ce fut un vrai but de faire ce film de la meilleure manière possible. Ce fut assez difficile et le tournage fut presque un marathon, avec des journées de tournage de seize, dix-huit heures. Ce fut très intensif, mais même si c’était difficile, très dur en termes de discipline, le souvenir que j’en ai est que je me suis beaucoup amusé et c’est cela le plus important. Ce fut une expérience très enrichissante et j’ai envie de la renouveler.
Q : Est-ce dur de jouer le rôle d’un dur, quand vous ne l’êtes pas ?Stone : Je suis allé au fond de moi-même pour essayer de trouver cette énergie, qui allait permettre de jouer ce personnage à l’écran. Mon but est de ne pas jouer un dur, mais quelqu’un qui se retrouve dans une situation complètement impossible. J’ai vraiment essayé d’imaginer de la manière la plus authentique possible ce que je ferais, moi, si je me retrouvais dans cette situation-là. C’est la manière dont j’ai abordé mon personnage.
Q : Quelle est la signification du titre du film ?Ruskin : « Booster » est un mot qui veut dire voleur. Lorsque nous avons préparé le film, nous avons discuté avec deux, trois personnes qui vivent de ce genre d’activités et qui nous ont raconté leurs petits trucs. Le coup de l’encre dans le bac à pain que l’on congèle était une des choses que l’on avait prises en faisant ce film.
Q : Au cinéma, quand on utilise la famille, les rebondissements sont très dramatiques et cela peut aller très loin. Là, avec votre film, vous choisissez de dire qu’il y a des limites pour pouvoir aider et aller dans le sens de protéger celle-ci. Est-ce quelque chose qui vous a traversé l’esprit quand vous avez attaqué ce film ?Ruskin : Dans le film, cet adolescent que l’on suit a un vrai besoin de famille. C’est vraiment un lien qui est très fort pour lui. Malheureusement, son frère est quelqu’un qui lui demande de faire des choses qu’il n’est pas censé faire. Il lui demande d’aller au-delà de ce qu’il a envie de faire, d’accomplir des actes répréhensibles et sur un chemin un peu dangereux pour lui. Le thème du film, qui est sous-jacent, est de montrer ce personnage, qui au début du film n’est pas capable de prendre pour lui-même les bonnes décisions, de suivre le bon chemin qui obéit à son frère et qui, petit à petit, se rend compte qu’il est en train de se perdre. A la fin, on apprend qu’il sait quoi faire pour prendre ses propres décisions. Je n’ai pas voulu faire un discours porté sur le thème de la famille, mais c’est un thème sous-jacent. Le thème principal est d’apprendre à prendre les bonnes décisions.
Q : J’ai une question pour Troy : de savoir comment arriver à croire en un budget comme celui-ci ?Troy Johanson : Le vrai moteur de ce film était Matt tout simplement. Je l’ai rencontré il y a trois ans et nous avons beaucoup discuté. Je me suis rendu compte qu’il était une des personnes les plus honnêtes, les plus intègres que j’ai pu rencontrer. J’ai été séduit par sa vision par rapport à ce film, ce projet. Il avait une vision très précise, très claire de ce qu’il voulait faire et c’est cela que j’ai vraiment apprécié. Il est difficile de croire en un projet comme celui-là, avec des acteurs pas connus et même au-delà de cela, quand on a commencé à travailler sur ce projet, il n’y avait même pas de scénario, c’était juste une idée. Mais l’idée, j’y ai cru, car j’avais vraiment envie de travailler avec lui et de soutenir cette vision en tant que producteur. Ce film est différent avec une narration différente. Le déroulé de l’histoire vient avant tout le reste et c’est vraiment ce qui m’a intéressé suffisamment pour produire le film.
Q : J’ai une question sur le rythme du film : on est plutôt dans une histoire qui devrait se passer dans l’urgence, mais là, on a l’impression que le film amène les choses petit à petit, tranquillement, sereinement. Est-ce un parti pris ?Ruskin : Au tout départ, on n’avait pas les moyens nécessaires pour faire un grand film d’action, qui part dans tous les sens. Même si on avait eu beaucoup d’argent, je n’aurais pas fait un film comme cela, car le but pour moi était de montrer le chemin intérieur, ce qui se passe à l’intérieur de l’esprit du personnage tenu par Nico, parce que c’est cela que je voulais faire voir. Je voulais essayer d’emporter au maximum le public à l’intérieur de l’esprit de Nico, pour voir ce cheminement intérieur qui nécessite un peu de temps. Le rythme plus structuré et graduel s’est imposé. C’est comme cela que le film est tel qu’il est et pas un film d’action, qui explose dans tous les sens.
Q : Cette première expérience en tant qu’acteurs vous donne-t-elle envie de prolonger votre carrière cinématographique ?DuPaul : Oui, c’est quelque chose que je veux recommencer. J’aimerais vraiment retravailler avec Nico. C’est quelque chose de formidable de jouer. C’est mieux que de travailler dans un chantier ou faire la sécurité dans une boîte de nuit. Ce fut une expérience très intéressante.
Stone : Dès que j’aurai un bon scénario entre les mains, je serais partant pour retenter l’expérience.
Q : La présence assez importante des avions dans le film était-elle une façon aussi de présenter l’état d’esprit du personnage principal ?Ruskin : La raison pour laquelle les avions sont si présents relève d’un niveau pratique et d’un plus imagé. Le fait que le personnage tout simplement soit bloqué, il est pris au piège, il ne peut pas avancer et cherche à s’échapper, un moyen de s’en sortir et de partir. D’autre part, le fait que le film a été tourné dans des quartiers assez proches de l’aéroport, il y avait donc ces avions qui décollaient et atterrissaient et nous les avons filmés car je trouvais cela esthétiquement beau. Le lien entre vouloir s’échapper et partir et l’avion était un lien assez fort. Ce sont les raisons pour lesquelles on a implanté toutes ces scènes dans le film.