Conference-de-Presse - Moi, moche et méchant

Par Mulder, Deauville, 04 septembre 2010

Q : A première vue comme cela, vous n’avez l’air ni méchant, ni moche. Qu’avez-vous de moche et de méchant en vous ?

Gad Elmaleh : D’abord, merci. En fait, on n’arrête pas de parler de cela, mais je pense que ce personnage n’est pas réellement méchant. Je pense qu’il est un misanthrope, qui commet des actes qui n’ont pas toujours une conséquence très grave. J’ai fait une comparaison tout à l’heure, je disais que lorsque ce personnage était gamin et gros, il a dû jeter des trucs par la fenêtre, mais qui ne font pas mal, genre des œufs ou des trucs comme cela. Moi-même, je le faisais. Je ne suis pas méchant. Moche, je ne sais pas, c’est relatif, mais je suis moi. J’ai pris beaucoup de plaisir à aller dans ces choses-là, qui peut-être ne me correspondent pas, mais j’ai trouvé quelques ressources en moi pour jouer sincèrement ces quelques scènes, qui ne sont pas pour moi de la méchanceté, mais plutôt une forme de manipulation poétique, pas très méchante au fond. Sinon physiquement, je suis assez éloigné du personnage, enfin, je l’espère.

Q : Comment avez vous travaillé votre accent ? Aviez vous un cahier des charges à respecter ?

Elmaleh : Je me suis inspiré du travail qu’a fait Steve Carrell sur le film. C’est un acteur que j’aime beaucoup. Lorsque le film a été fait, Steve Carrell avait déjà posé une voix dessus qui avait un accent. Cet accent n’était pas américain, je ne sais pas d’où venait cet accent. J’ai fait cela en français, qui n’est pas une imitation de sa voix, mais ce que moi, je pensais qui pouvait correspondre au personnage. Avec Pierre, on s’est mis devant le film et on a essayé des choses. Au début, j’ai ressorti un accent à la Chouchou, cela n’allait pas du tout. Ils m’ont dit que cela, ils l’avaient déjà vu, donc de laisser tomber. Après, c’est parti dans différentes formes d’intonation. A un moment donné, c’est sorti tout seul, et puis il y a cet accent dont certains disent que c’est du russe, d’autres de l’italien.

Q : Pouvez vous nous dire comment, en qualité de metteurs en scène - l’un français et l’autre américain - vous vous êtes accordés ? Est-ce que vous avez toujours été d’accord ou non ?

Pierre Coffin : Le producteur du film nous a choisis tous les deux pour nos talents respectifs. Je viens de l’animation. Je suis plus animateur que metteur en scène. Sur ce film, je me suis moins occupé du story-board, de la transcription sous forme de petites vignettes, du script. Cela revient à Chris. Pour ce qui est de notre collaboration, les quelques premiers jours, on se demandait en se regardant en chien de faïence, pour savoir si c’était quelqu’un d’aimable, avec qui on allait s’entendre. On a remarqué au fil du temps – et c’est très bizarre, cela s’est passé comme dans un rêve – 90 % du temps, on s’entendait sur tout et le reste, on discutait de nos petits désaccords que l’on pouvait avoir.

Chris Renaud : Pour ce qui est de la façon dont cela s’est réparti géographiquement : à l’état du story-board, c’était assez éclaté, car il y avait aussi bien des membres de l’équipe qui travaillaient en Californie (Los Angeles) que d’autres sur la côte Est, d’autres en Espagne ou en France. Notre collaboration était mondiale en fait. A partir du moment où la production a commencé, on était véritablement là, ensemble, à Paris à mettre la main à la patte. C’est comme cela que ça se passe. Une fois que nous commençons, nos velléités de travailler à distance, on s’y est mis ensemble et pour ce qui est de l’entente, on avait une entente principale essentielle, soit celle du film que l’on était en train de faire. Sur cela, nos violons étaient accordés. Le reste n’était que détail.

Elmaleh : Par rapport aux réponses de nos deux réalisateurs, je voulais rajouter que leur vie de couple n’a pas desservi le projet, au contraire. Le fait que cela soit un couple à la ville, cela a rajouté la complicité et cela leur a rajouté une sensibilité, soit une petite note en plus dans le film, qui se ressent. Leurs enfants, ce sont tous les mignons que l’on voit dans le film.

Q : J’aimerais savoir comment ce projet est né ? Est-ce une demande d’un studio ?

Janet Healy : C’est vrai que leur entente et leur collaboration ont été épatantes. C’est quelque chose dont on a tous tiré bénéfice. Je me suis réjouie que, dès le départ, il y avait une telle complicité et tellement d’humour dans la fabrication même du film et cela se ressent évidemment dans chaque plan du résultat final. En fait, on s’est tous réunis il y a trois ans. On était trois co-producteurs à travailler sur le projet initialement lancé par Illumination. Mon rôle dans cette équipe, c’était un peu d’essayer d’aller voir à travers le monde quelles étaient les personnes qui seraient les bonnes personnes à toutes les étapes de la création et aussi de savoir quels seraient les talents les plus appropriés pour notre projet. Je connaissais Chris pour le travail qu’il avait fait notamment sur la série des Ages de glace. Son talent m’était déjà connu. J’ai eu l’idée de venir en France chercher Pierre, car je fréquentais de longue date le festival d’Annecy. Il est une vedette locale dans ce festival-là. La première idée était de les approcher tous les deux et de tenter l’expérience de voir si une collaboration entre eux pouvait fonctionner. C’est le choix de Pierre qui nous a menés tout droit au studio MacGuff avec lequel il collaborait. Il y a avait en fait trois grands studios d’animation en France. On a un peu examiné les trois possibilités et il n’y avait pas de doute que ce studio était de très loin celui qui nous conviendrait davantage, notamment en raison des artistes extraordinaires qui y travaillent et qui se sont attelés à la tâche avec beaucoup de passion et de façon très professionnelle. Cela a été le meilleur choix que l’on pouvait faire, de choisir la France d’abord pour Pierre, et de choisir MacGuff ensuite comme studio, c’était ce qui pouvait nous arriver de mieux et cela nous a porté bonheur pendant tout le projet.

Q : Quelle est la principale difficulté pour vous d’entrer dans ce personnage ?

Elmaleh : Très franchement, il n’y a pas un travail de préparation en dehors de la recherche de la voix. C’est ce que l’on me demande à ce stade de la production : de donner vie à un personnage. Ce qui est très intéressant dans l’animation, c’est que finalement, la voix est indispensable et en même temps, tout le vrai boulot a déjà été fait pendant des années, pendant des mois de travail. J’ai envie de dire que nous avons une position un peu luxueuse. On arrive, on est indispensable pour donner vie et en même temps, on a pas fait grand-chose encore. Je crois que le tout, c’est d’arriver à être le plus proche du personnage, non pas de faire son numéro, mais de lui donner vie et d’être le plus proche. Si sur l’affiche, on voit que c’est moi, c’est très bien. Si on y pense pendant tout le film, c’est mauvais signe. Je pense qu’ensemble, on a réussi à oublier un peu qu’il y a la performance d’un acteur comique connu. Ce n’est pas cela le but. On écoute le personnage et on le suit. Je n’ai pas eu de préparation physique, pas de coach. Au niveau alimentaire, il y a eu un régime, certes. Ce fut un bonheur pour moi de travailler sur ce film. On m’a souvent proposé de faire des voix pour des films d’animation. Je n’ai pas eu souvent l’occasion d’en faire, mais là, je voulais le faire parce que ce personnage me parlait, ce film me parlait, ce projet me parlait. Le fait que Pierre soit une vedette locale à Annecy, c’est quelque chose pour moi (rires).

Q : Est-ce indispensable aujourd’hui de tourner un film en 3D ?

Healy : Je suppose que cela devient de plus en plus une obligation. Mais ici, cela a donné une dimension supplémentaire. Au début, on s’attendait à ce que cela soit compliqué, mais finalement cela a apporté une dimension de plaisir supplémentaire pour nous dans la fabrication et je crois aussi pour les spectateurs. C’est juste plus de plaisir, plus de jeux avec les spectateurs.

Q : L’Amérique et les projets américains, est-ce pour vous un rêve qui se concrétise ?

Elmaleh : Je ne pense pas que je deviendrai une vedette locale à Hollywood. Si j’ai l’occasion de continuer à travailler là-bas, j’en serais fier. J’ai eu l’occasion de travailler l’année dernière sur le Tintin de Steven Spielberg. Ce fut une aventure incroyable, moi-même je ne le croyais pas, jusqu’au jour où j’étais sur le plateau. Je croyais que c’était une farce, que c’était un autre gars qui s’appelait Spielberg, mais non, c’était vraiment lui. J’étais très impressionné, c’était une belle expérience. Dès qu’un acteur français fait une petite chose aux Etats-Unis, on dit que l’Amérique nous ouvre les bras. Je dirais plutôt que c’est moi qui ouvre les bras, qui fais des signes et qui dis que je suis là, je veux bien travailler chez vous. Pour moi, c’est des rêves d’enfant. Quand j’étais petit, j’ai vu ces films-là et aujourd’hui, j’ai la possibilité de les faire. Je dis un grand merci.