Q : Ma question porte sur le fait que dans ce film, et comme tant d’autres, vous êtes connu pour être aussi à l’aise dans la comédie que dans un drame. Plus précisément, on a l’impression que vous êtes entre les deux.
John C Reilly : C’est cette combinaison en effet qui m’a particulièrement intéressé dans ce film. Les acteurs sur le tournage ont eu une grande liberté dans l’improvisation et celle-ci était très libre. Je n’avais pas ce poids de la comédie forcée sur mes épaules. Dans certaines scènes, j’ai eu l’occasion de pouvoir improviser et d’aller dans des endroits un petit peu plus sombres, un petit peu plus dramatiques et cela a été pour moi très intéressant. Q : On a l’impression que ce film est une comédie à l’anglaise. Vous ne deviez donc pas être trop dépaysé. Etait ce ton-là que vous vouliez donner à ce film par rapport à votre jeu ? Reilly : En fait, je pense que ce que vous voulez dire, c’est que ce film ressemble à une comédie anglaise (Stephen Frears). C’est que je suis un acteur qui n’a pas peur d’improviser et j’aime travailler avec des réalisateurs qui me laissent improviser. C’est peut-être cela que vous vouliez dire. Mais dans le cas présent, je n’avais pas pensé à ce film en termes de comédie anglaise, mais maintenant que vous le dites, c’est un compliment, mais c’est surement également quelque chose que nous avons volé aux Anglais.
Q : Jay, vous avez travaillé avec votre frère sur trois longs-métrages. J’aimerais savoir comment cela se passe au niveau de la réalisation ? Y a-t-il des conflits ou êtes-vous souvent en accord sur ce qu’il y a à faire ?
Jay Duplass : Je pense que la raison pour laquelle il y a plusieurs cas dans lesquels des frères travaillent ensemble à faire un film, c’est parce qu’un film est quelque chose très difficile à faire. On a toujours la peur de l’échec. Lorsqu’on réalise seul un film, on a souvent l’impression que l’on va louper quelque chose, alors que, lorsque vous êtes deux à faire un film et surtout avec son frère, soit une personne de très proche, et qui a le même humour très particulier, cela ne peut qu’aider. J’ai grandi avec mon frère et on a partagé le même humour et le même cerveau.
Reilly : Si c’est le cas, j’aurais bien voulu le savoir avant de signer et avant de faire ce film (rires).
Q : Qu’est-ce qui vous a fait vibrer dans le scénario ? Qu’est-ce qui vous a attiré ? Comment vous vous êtes préparé ?
Reilly : Ce qui m’a vraiment intéressé à jouer dans ce film est la part d’improvisation que les deux réalisateurs donnent à leurs acteurs, cette grand liberté qui me plait particulièrement. Dans ce film, les scènes ont été tournées dans le sens chronologique. S’il se passe quelque chose pendant le tournage, les réalisateurs pouvaient s’adapter. Ce tournage fut assez souple. C’est un processus presque organique pour réaliser un film. Cela me plait beaucoup. Les deux réalisateurs ont écrit dans ce film ce rôle pour moi. Ce que j’ai vraiment aimé dans ce personnage, c’est le fait que mon personnage est arrivé à un moment de sa vie où il n’a réellement rien à perdre, il ne se préoccupe plus des règles préétablies de la société. C’est un personnage qui devient dangereux et qui devient très excitant à jouer. Le message du film, c’est que l’amour est risqué, mais que cela en vaut le risque.
Q : Quelles ont été pour vous les scènes les plus difficiles à réaliser ou à jouer pour vous ?
Duplass : Toutes les scènes ont été difficiles à faire. Il y avait une nouvelle fois cette part d’improvisation et c’est aussi amusant lorsque l’on fait un film comme celui-ci, les gens vous demandent si cela a été super drôle à tourner. En fait, on s’est beaucoup amusés entre les prises. Au moment où l’on faisait les prises, c’était plus difficile. Entre les prises, John et Jonah se sont beaucoup amusés. Ils avaient vraiment une vraie alchimie et ils se sont beaucoup amusés, l’un et l’autre. L’ambiance sur un tournage comme celui-ci est une ambiance de chaos vaguement contrôlé. On essaye de créer une ambiance un peu électrique où tout est possible et où tout peut se passer. On attend l’inattendu.
Reilly : En ce qui me concerne, les scènes ont été un peu toutes difficiles à faire à cause, voire grâce à ce processus créatif, qui régnait sur le tournage. Il y a pour mois deux séquences plus difficiles que les autres qui en ressortent. La première est celle où je me retrouve nu avec Marisa Tomei au lit, trois jours seulement après l’avoir rencontrée dans la vraie vie. Ce fut difficile pour elle. La scène à la fin du film, où je me sépare d’elle, fut une scène très douloureuse et très triste pour moi.
Q : Est-ce que vous regardez vos films en général ?
Reilly : Non, je ne les regarde pas, mais de temps en temps, je tombe dessus et regarde quelques scènes. Mais pour bien comprendre ce que cela fait de se voir au cinéma, essayez de vous regarder sur de vieilles photos enfants ou il y a bien longtemps. C’est toujours un moment où il faut se préparer soi-même. Ce n’est pas évident de revoir la personne que nous étions. C’est quelque chose que nous ne faisons pas souvent. Il faut vraiment se préparer avant d’ouvrir un album de vieilles photos.
Q : J’aimerais savoir pour quelle raison votre personnage de Cyrus est musicien et photographe et que le personnage de John est monteur ?
Duplass : C’est vraiment le genre de chose pour lequel, en tant que créateur et réalisateur, je ne pense pas du tout lorsque je crée un film et c’est le genre de question que l’on vous pose en public. Je dois essayer de trouver une raison pour expliquer tout cela. Le personnage de Cyrus, nous voulions que cela soit un personnage de créatif, quelqu’un qui crée. La raison pour cela, c’est qu’il vit dans le East Side de Los Angeles. Nous ne voulions pas que ce personnage soit le parasite, l’intrus qui ne fait pas grand-chose. On voulait que cela soit un adversaire de qualité pour contrecarrer John. Nous pensions que cela serait intéressant d’en faire non seulement un musicien, mais un bon musicien. Ensuite, que les spectateurs aiment ou non le genre de musique qu’il fait, il n’y a aucun rapport à ce niveau. Dans la scène, par exemple, où John s’installe en face de Cyrus, on voulait que la musique que l’on entend nous fasse comprendre que cela va être un adversaire redoutable. La musique est puissante et intimide presque. On ne voulait pas donner l’impression que Cyrus était quelqu’un de raté, mais plutôt quelqu’un qui a un talent. Pour John, on voulait que cela soit un personnage qui passe beaucoup de temps seul. A Los Angeles, lorsque on n’est pas marié et que l’on est monteur, on passe beaucoup de temps seul. On n’a pas beaucoup d’interactions sociales. On passe des heures et des heures en face de son ordinateur. Quelque part, c’est un peu le boulot rêvé pour le personnage qu’interprète John.
Q : Dans le film, on a l’impression que votre personnage a vraiment envie de tuer le personnage de John. Comment avez-vous fait, hors tournage, pour ne pas avoir envie de le tuer dans la vraie vie ?
Reilly : Faire un rôle comme cela, c’est vraiment une partie d’échec psychologique. Lorsque l’on joue aux échecs, parfois on a l’impression que l’on peut se ruer sur l’adversaire. De la même manière, on devient aussi vulnérable ailleurs. C’était cela qui m’intéressait aussi. Cette bataille entre le fait d’être attaqué et attaquant. De la même manière, dans le film parfois, mon personnage avait vraiment envie de lui briser le cou à ce petit con. Mais comme il s’agit du fils de sa petite amie et que celle-ci adore son fils, mon personnage était obligé d’aimer son fils. En dehors de la caméra, aucun problème bien évidemment, car Jonah est un ami et on s’entend très bien. C’est un garçon qui est adorable, très drôle et quand la caméra tournait, la vraie difficulté pour moi était de garder mon calme et de ne pas rire en permanence.
Q : J’aimerais savoir si cette situation vous était arrivée ? Le thème social dépeint ici est assez profond : celui d’un fils qui s’impose et qui ne veut pas d’un étranger à la maison.
Duplass : C’est une question qui, encore une fois, fait partie des choses que notre subconscient nous impose et que l’on réalise bien plus tard. Mon frère et moi avons réalisé bien plus tard la situation qu’entre Molly et Cyrus est un peu symbolique de la relation que j’ai eue avec mon frère. Mon frère et moi sommes comme des jumeaux. On a eu très longtemps une très forte symbiose que parfois, on avait l’impression que nous pouvions nous parler par télépathie. On se comprend à demi mot et cela nous a presque exclus d’une quelconque autre relation sociale pendant très longtemps, car lorsque l’on sortait avec une fille, on se suffisait à nous-mêmes et la fille avait l’impression d’être de trop.