
Présenté lors de l'édition 2025 du Festival international du film fantastique de Paris, Flush était l'une de ces projections qui justifient instantanément pourquoi des festivals comme le PIFFF restent essentiels pour les fans de cinéma de genre audacieux. La projection a été présentée par le réalisateur Grégory Morin, visiblement enthousiaste et amusé par la réaction à son premier long métrage, et a été suivie d'une longue et animée séance de questions-réponses avec Grégory Morin, le scénariste David Neiss et l'actrice principale Élodie Navarre. L'échange ressemblait moins à une discussion formelle qu'à un moment partagé d'incrédulité collective face à ce que nous venions de vivre. Il y avait des rires, de la curiosité et une véritable fascination dans la salle, surtout lorsque les cinéastes ont évoqué le défi que représentait la transformation d'une idée aussi grotesque et minimaliste en un cauchemar de survie de soixante-dix minutes qui ne perd jamais son élan.
Pour ceux qui ont suivi la carrière de Grégory Morin à travers ses courts métrages, son passage au long métrage semble être une évolution naturelle plutôt qu'une étape prudente, car Flush embrasse pleinement la réputation du réalisateur pour son cinéma inventif, trash et sans complexe, poussant ses obsessions à leur extrême logique. Le film est d'une énergie implacable, débordant d'idées et d'une économie frappante, refusant tout temps mort narratif, une qualité qui devient encore plus impressionnante compte tenu de son concept quasi unique de lieu unique. Jonathan Lambert, prouvant une fois de plus pourquoi il est une présence si singulière dans le cinéma français, ancrent ce chaos contrôlé, livrant une performance qui oscille entre comédie noire, panique brute et humanité pathétique avec une précision remarquable. Rarement l'idée de passer plus d'une heure dans une salle de bain n'aura été aussi claustrophobe, aussi stressante et pourtant aussi perversement divertissante, Morin transformant l'espace le plus banal et le plus humiliant en une véritable prison existentielle.

Cinéphile autoproclamé et grand amateur de cinéma asiatique, Grégory Morin affiche fièrement ses influences sans jamais tomber dans l'imitation, créant un film qui emprunte les rythmes percussifs, l'ironie brutale et l'humour grotesque des thrillers policiers coréens tout en y injectant une couche d'absurdité et de cruauté qui évoque l'esprit de Takashi Miike dans ce qu'il a de plus sadique et ludique. Flush prend un malin plaisir à tourmenter son anti-héros profondément imparfait, tirant tension et comédie de chaque nouvelle humiliation, de chaque goutte d'eau, de chaque tentative d'évasion ratée, avec une énergie espiègle qui semble à la fois référentielle et distinctement personnelle. Le rythme du film est frénétique, son ton joyeusement instable et son langage visuel précis et fonctionnel, en grande partie grâce au travail du directeur de la photographie Mathieu de Montgrand, dont la caméra ne nous laisse jamais oublier l'inconfort physique et la dépression psychologique de son protagoniste.
Le postulat est tellement absurde qu'il frôle le génie : Luc, un loser cocaïnomane qui tente désespérément de reconquérir son ex-femme le jour de l'anniversaire de leur enfant, se retrouve pris dans un trafic de drogue qui se termine par son abandon, laissé pour mort, la tête coincée dans des toilettes à la turque, sa survie dépendant d'un fragile équilibre entre la pression de l'eau, le temps et sa seule volonté. Oubliez les cercueils enterrés sous terre, les falaises isolées, les eaux infestées de requins ou les îles désertes, car Flush réinvente joyeusement le genre de la survie en plongeant littéralement son héros dans la merde. Grâce à Grégory Morin et David Neiss, l'expression « ça a le goût de la merde » devient un moteur narratif tordu, la tension montant aussi régulièrement et cruellement que l'eau dans un réservoir de toilettes, transformant les fonctions corporelles en instruments de suspense. Le sentiment d'escalade du film est constant, intelligent, souvent hilarant et inconfortable, trouvant de nouvelles façons de pousser la situation plus loin sans trahir sa logique interne.

Au-delà de son caractère provocateur, Flush bénéficie également d'un casting solide, avec Élodie Navarre qui apporte une base émotionnelle et une présence imposante à une histoire qui aurait facilement pu sombrer dans le pur gadget, tandis qu'Elliot Jenicot ajoute de la texture à l'univers sombre et moralement compromis du film. Le montage serré de Pauline Pallier garantit que le film ne traîne jamais en longueur, traitant ses soixante-dix minutes comme un atout plutôt que comme une limitation, tandis que la musique de Mike Theis et Luc Rougy amplifie subtilement l'absurdité et l'angoisse sans jamais submerger le récit. Produit par Kieran Clemow, Thomas Leterrier et Jean-Michel Tari, via AJM STUDIO, F-PARTNERS et AKTV, Flush s'impose comme une carte de visite audacieuse, un film qui annonce Grégory Morin comme un cinéaste qui n'a pas peur d'embrasser le ridicule pour atteindre quelque chose d'étrangement viscéral et humain.
Vu dans l'atmosphère chargée du PIFFF, entouré d'un public prêt à l'excès et à l'expérimentation, Flush a provoqué à parts égales des rires, des grognements et une tension authentique. C'est le genre de film qui se nourrit des réactions collectives, suscitant le débat, l'incrédulité et l'admiration pour son audace pure, et incarnant parfaitement l'esprit même du festival. Cette projection n'était pas seulement une curiosité, mais un rappel que le cinéma fantastique peut encore surprendre en allant là où personne ne s'y attend, même si cet endroit se trouve être le fond d'une cuvette de toilettes.

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Synopsis :
Luc, un junkie à la dérive, tente de reconquérir son ex, mais se retrouve pris dans un trafic de drogue. Laissé pour mort, la tête coincée dans des toilettes, il n'a qu'une nuit pour se sortir de cette situation et reconstruire sa vie.
Flush
Réalisé par Grégory Morin
Écrit par David Neiss
Produit par Kieran Clemow, Thomas Leterrier, Jean-Michel Tari
Avec Jonathan Lambert, Élodie Navarre, Elliot Jenicot
Directeur de la photographie : Mathieu de Montgrand
Montage : Pauline Pallier
Musique : Mike Theis, Luc Rougy
Sociétés de production : AJM STUDIO, F-PARTNERS, AKTV
Distribution : NC
Dates de sortie : NC
Durée : 70 minutes
Photos et video 4K : Boris Colletier / Mulderville