Movies - Cinémathèque : Sigourney Weaver inaugure une rétrospective qui lui est consacrée avec Master Gardener

Par Mulder, Paris, Cinémathèque, 06 novembre 2025

La Cinémathèque française a inauguré sa rétrospective très attendue consacrée à Sigourney Weaver avec la projection de Master Gardener, suivie d'une conversation approfondie entre Sigourney Weaver et la costumière Catherine Leterrier. Cet événement, qui se déroule du 6 au 10 novembre 2025, se distingue non seulement comme un parcours curatoriel à travers une carrière monumentale, mais aussi comme un point de rencontre entre mythe et mémoire. Une atmosphère électrique régnait dans l'auditorium Henri Langlois alors que les cinéphiles, les étudiants et les admirateurs de longue date prenaient place, sentant que cette introduction n'était pas simplement cérémonielle, mais plutôt un retour : une artiste qui revient sur son parcours avec la clarté, l'humour et la perspicacité qui ont défini sa présence pendant près d'un demi-siècle. Il est immédiatement apparu que rendre hommage à Sigourney Weaver ne consistait pas simplement à retracer l'histoire du cinéma, mais à revisiter la manière dont une actrice a redéfini la notion même d'héroïsme cinématographique et dont elle continue, avec une douceur surprenante, à réfléchir à un parcours qui a failli ne pas se réaliser.

Dès qu'elle a endossé le rôle d'Ellen Ripley dans Alien de Ridley Scott, Sigourney Weaver a bouleversé l'équilibre hollywoodien. À l'époque, elle n'était encore qu'une jeune femme qui n'avait fait qu'une brève apparition dans Annie Hall, mais sa transformation radicale dans Alien a bouleversé les conventions masculines du genre. Lors de la discussion d'ouverture, elle a évoqué avec un sourire ironique l'étrangeté de devenir soudainement le visage du cinéma d'action, surtout pour quelqu'un qui se sentait autrefois trop grande, trop complexée, trop improbable pour être une star de cinéma. Elle a également raconté comment sa taille, qui lui donnait l'impression d'être « une araignée géante » lorsqu'elle était enfant, a conféré de manière inattendue à Ripley une silhouette imposante, qui encadrait la vulnérabilité et la force non pas comme des opposés, mais comme les deux extrémités d'une même charge. Catherine Leterrier, qui a collaboré avec des générations de cinéastes français et internationaux, a proposé son propre point de vue, décrivant comment la garde-robe et la présence physique s'interpénètrent pour construire des personnages qui restent gravés dans la mémoire culturelle. Elle a souligné le caractère intemporel du langage corporel de Sigourney Weaver, à la fois terre-à-terre et légèrement imprévisible, et la façon dont cette présence lui a permis de passer d'un genre à l'autre, aussi variés que la comédie (Ghostbusters, Working Girl), le drame (The Ice Storm), la science-fiction (Avatar) et le thriller (Copycat).

Le choix d'inaugurer la rétrospective avec Master Gardener semblait particulièrement significatif, car ce film, écrit et réalisé par Paul Schrader, montre Sigourney Weaver sous son jour le plus énigmatique. Elle incarne l'impérieuse Mme Haverhill, un personnage dont l'élégance masque un réseau de décadence morale, de contradictions émotionnelles et un appétit effrayant pour la domination. Au cours de la conversation, elle a raconté une anecdote sur sa première lecture du scénario de Paul Schrader, soulignant à quel point elle avait été immédiatement frappée par la « férocité contrôlée » inhérente au personnage. Elle se souvient comment Joel Edgerton, qui incarne Narvel, l'horticulteur hanté, a apporté un magnétisme discret au rôle, créant une dynamique « à la fois exquise et troublante ». Catherine Leterrier a ajouté que la conception des vêtements de Sigourney Weaver dans ce film est devenue un moyen d'exprimer la décadence aristocratique du personnage : sur mesure, impeccable et de plus en plus étouffante. Leurs remarques ont mis en lumière un aspect souvent négligé par le public : la manière dont les costumes deviennent à la fois architecture, discipline et tension psychologique.

Les notes de presse ont apporté une autre dimension au contexte, rappelant aux participants que le film avait été tourné en Louisiane au début de l'année 2022 et que Quintessa Swindell, qui a remplacé Zendaya, initialement pressentie pour le rôle, est arrivée avec une énergie nouvelle qui a transformé l'enjeu émotionnel du film. Sigourney Weaver a rappelé avec émotion comment l'ouverture d'esprit et l'intuition de Quintessa Swindell ont renforcé la tension entre Maya et Mme Haverhill, donnant à l'histoire un conflit générationnel qui n'était pas dans le scénario mais qui est apparu naturellement pendant les répétitions. Elle a également évoqué son admiration de longue date pour Paul Schrader, dont elle a décrit l'écriture comme « dangereusement précise », du genre qui oblige les acteurs à naviguer dans le brouillard moral sans jamais se laisser aller au confort de la certitude. Il ressort clairement de ses propos que Master Gardener s'inscrit dans une lignée de collaborations — que ce soit avec Ridley Scott, James Cameron, Ang Lee ou Neill Blomkamp — qui la mettent au défi, la déstabilisent parfois et l'encouragent toujours à prendre des risques, même après des décennies au sommet de son art.

Mais ce qui a le plus marqué cette soirée, c'est la relation de Sigourney Weaver avec son héritage. Elle a parlé avec légèreté, presque avec amusement, de la façon dont Ripley, Dana Barrett, Grace Augustine et Kiri l'ont suivie à travers les continents et les décennies, portées par des spectateurs qui ont grandi avec elles ou les ont découvertes plus tard dans des éditions restaurées, sur des plateformes de streaming ou lors de projections de minuit. Elle a mentionné à quel point il était touchant de rencontrer des fans d'Avatar qui ne connaissent que sa voix, ou d'entendre que certains jeunes spectateurs l'ont découverte pour la première fois dans Vantage Point ou Chappie, sans avoir conscience du long chemin qui a précédé ces rôles. Catherine Leterrier a souligné que les rétrospectives comme celle-ci ne se contentent pas de revenir sur une carrière : elles permettent au public de remarquer les fils conducteurs – la curiosité, la rigueur, le goût pour les personnages qui défient les normes – qui restent constants depuis ses premières productions shakespeariennes jusqu'à ses débuts dans le West End en 2025 dans le rôle de Prospero dans The Tempest.

L'ouverture de la rétrospective ne ressemblait ni à une exposition de musée ni à un hommage formel. Elle était vivante, attentive, conçue non pas comme un monument, mais comme une conversation. Une conversation entre les films, entre les générations, entre une actrice et ceux qui la suivent depuis des années. Commencer le programme avec Master Gardener était tout à fait logique : c'est une histoire de racines, de passés qui refusent de rester enfouis, et du travail étrange et délicat nécessaire pour cultiver quelque chose de nouveau à partir d'un sol endommagé. Et d'une certaine manière, cette métaphore a résonné tout au long de la soirée. Sigourney Weaver, sans insister, a rappelé à l'assistance que même les icônes doivent se renouveler de temps en temps. C'est peut-être la leçon discrète que nous offre cette rétrospective : non seulement une célébration de ce qu'elle a accompli, mais aussi un aperçu de la façon dont elle continue à évoluer.

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Synopsis :
Narvel est un horticulteur dévoué aux jardins de la très raffinée Mme Haverhill. Mais lorsque son employeur le force à prendre sa petite-nièce Maya comme apprentie, le chaos s'ensuit, révélant les sombres secrets du passé de Narvel...

Master Gardener
Écrit et réalisé par Paul Schrader
Produit par Amanda Crittenden, David Gonzales, Scott LaStaiti
Avec Joel Edgerton, Sigourney Weaver, Quintessa Swindell, Esai Morales
Directeur de la photographie : Alexander Dynan
Montage : Benjamin Rodriguez Jr.
Musique : Devonté Hynes
Sociétés de production : HanWay Films, Flickstar, Ottocento Films, Northern Lights, KOJO Studios
Distribué par Magnolia Pictures (États-Unis), The Joker Films (France)
Dates de sortie : 3 septembre 2022 (Venise), 19 mai 2023 (États-Unis), 5 juillet 2023 (France)
Durée : 111 minutes

Photos and video : Boris Colletier / Mulderville