Il y a des soirées où le cinéma nous rappelle que l'art peut encore être une révélation tranquille, et la projection privée du film Arco organisée par le Club Allociné au Max Linder Panorama à Paris en faisait partie. Le 9 octobre 2025, cette salle de cinéma emblématique à écran unique est devenue un lieu de rencontre entre imagination et réflexion. Après la projection, une discussion chaleureuse a réuni Ugo Bienvenu, Félix de Givry, Sophie Mas et Natalie Portman, dont la société de production Mountain A a contribué à donner vie à cette vision animée singulière. Cet événement, intime mais chargé d'admiration, a rassemblé une foule de cinéphiles et d'amateurs d'animation qui ont senti qu'ils assistaient à quelque chose de spécial : un film qui porte en lui la densité émotionnelle de la poésie déguisée en science-fiction.
Présenté en avant-première au Festival de Cannes 2025 dans la section « Séances spéciales », Arco s'est rapidement imposé comme l'un des films d'animation les plus acclamés de la décennie. Réalisé par Ugo Bienvenu et co-écrit avec Félix de Givry, il a déjà remporté le Cristal du meilleur long métrage au Festival international du film d'animation d'Annecy, le Prix du public au Festival du film des Champs-Élysées et la Cigogne d'or au Festival européen du film fantastique de Strasbourg. Mais son triomphe ne se limite pas aux récompenses, il réside aussi dans son écho. Arco est plus qu'un long métrage d'animation, c'est une fable philosophique sur la mémoire, l'espoir et la transmission, thèmes qui ont façonné les romans graphiques et les courts métrages d'Ugo Bienvenu. Au cœur de l'œuvre se trouve une vision de l'avenir qui porte moins sur la perfection technologique que sur le besoin humain de renouer des liens.
Se déroulant en 2075, Arco suit Iris, une fillette de dix ans qui vit dans un monde artificiel clos où la nature a été remplacée par des hologrammes et des robots. Sa rencontre avec Arco, un garçon mystérieux vêtu d'un costume arc-en-ciel qui tombe du ciel et prétend venir de l'année 2932, marque le début d'une profonde amitié. Le monde d'Arco, où science et écologie coexistent harmonieusement, devient le miroir de ce qu'Iris a perdu : le lien simple et essentiel entre les êtres humains et leur environnement. L'histoire se déroule comme une allégorie de l'éveil, suggérant que le progrès sans empathie n'est pas du progrès. À travers la curiosité innocente de ses deux jeunes protagonistes, le film s'adresse à une génération élevée dans l'isolement numérique, l'invitant à redécouvrir le monde avec émerveillement plutôt que par le biais d'écrans.
Ce qui distingue immédiatement Arco, c'est sa texture visuelle. Refusant de céder au polissage stérile des images de synthèse, Ugo Bienvenu et Félix de Givry ont décidé d'animer le film entièrement en 2D dans leur studio parisien, Remembers. Chaque image porte l'empreinte de l'imperfection humaine : vibrante, tactile, vivante. Les personnages ont d'abord été modélisés en 3D uniquement pour les besoins de la composition, puis redessinés image par image afin de restaurer la beauté irrégulière qui caractérise l'animation traditionnelle. Le résultat est tout simplement lumineux. La lumière elle-même devient un langage : un conteur qui fait le pont entre le passé et l'avenir, l'obscurité et la couleur. La séquence de la grotte, l'un des moments les plus mémorables du film, évoque directement les origines de l'art humain – les premiers dessins éclairés par le feu – nous rappelant que la créativité a toujours été notre forme de survie la plus durable.
Lors de la séance de questions-réponses, Ugo Bienvenu a décrit le motif de l'arc-en-ciel qui traverse le film comme « un élément pop de la nature », quelque chose d'universel et d'optimiste. Arco, l'enfant arc-en-ciel, représente l'union entre la connaissance et l'innocence, entre la précision technologique et la grâce spirituelle. Son monde n'est pas une utopie, mais une continuité, une vision du progrès qui harmonise plutôt que de remplacer. « Toutes les grandes idées naissent d'un petit dessin », a fait remarquer Ugo Bienvenu avec un sourire, résumant sa philosophie en une seule phrase. Cette phrase pourrait servir de thèse au film : c'est l'imagination, et non les machines, qui est la véritable source de l'évolution. Après tout, l'arc-en-ciel n'est pas une invention, c'est le pont naturel entre la lumière et la pluie.
Au-delà de sa clarté émotionnelle, Arco véhicule une forte conscience écologique. Une séquence, où la ville d'Iris est engloutie par les flammes, fait écho aux catastrophes climatiques de plus en plus fréquentes de notre époque. « Ce n'est pas demain, a déclaré Ugo Bienvenu au public, c'est aujourd'hui. » Pourtant, il ne fait jamais de sermon. Le message environnemental du film ne transparaît pas à travers un didactisme, mais à travers la tendresse : un geste, un regard, la question d'un enfant laissée en suspens dans le silence. Le guide pédagogique qui l'accompagne, rédigé par Jean-Charles Malbec, approfondit encore son portée, conçu pour aider les enseignants à lancer des discussions sur le climat, les écosystèmes et la technologie éthique. En ce sens, Arco n'est pas seulement un film, mais aussi un outil pédagogique, une œuvre d'art qui éduque par l'émerveillement plutôt que par l'avertissement.
L'histoire derrière la création du film est tout aussi inspirante. Ugo Bienvenu et Félix de Givry se sont rencontrés alors qu'ils travaillaient sur Eden de Mia Hansen-Løve, une collaboration qui a donné naissance à une amitié et à une conviction commune en l'art indépendant. En 2018, ils ont fondé leur propre studio, Remembers, déterminés à préserver leur contrôle créatif. Au lieu de rechercher des financements à grande échelle ou d'externaliser la production à l'étranger, ils ont choisi la voie la plus difficile : tout faire à la main, à Paris. Leur persévérance a fini par attirer l'attention de Natalie Portman et Sophie Mas, dont la société Mountain A s'est jointe à eux en tant que productrice. Leur implication n'était pas motivée par le glamour, mais par la conviction : elles ont vu dans Arco une occasion rare de soutenir un projet d'animation qui défiait les normes industrielles. Ce partenariat est devenu la preuve de ce que le cinéma peut encore accomplir lorsqu'il est guidé par la foi plutôt que par des formules toutes faites.
Le casting vocal ajoute une autre dimension artistique. Swann Arlaud, Alma Jodorowsky, Louis Garrel, Vincent Macaigne et Oxmo Puccino insufflent au film une musicalité typiquement française, leurs voix façonnant des personnages à la fois fragiles et sages. Le montage de Nathan Jacquard et la musique d'Arnaud Toulon contribuent également à cette atmosphère d'équilibre délicat, où chaque silence est aussi expressif que chaque note. Distribué par Diaphana Distribution en France et NEON aux États-Unis, Arco sortira enfin en salles le 22 octobre en France et le 14 novembre outre-Atlantique.
À la fin de la projection à Paris, le public est resté longtemps après le générique, comme s'il hésitait à revenir au présent. Arco laisse ce genre de trace : la conviction tranquille que la beauté et le sens ont encore leur place au cinéma. Ugo Bienvenu et Félix de Givry ont créé non seulement un chef-d'œuvre visuel, mais aussi un rappel : la technologie ne peut nous faire avancer que si nous nous souvenons d'où nous venons. Leur film est un hymne à l'enfance, à l'imagination et à la coexistence. Dans un paysage culturel souvent obsédé par le bruit, Arco ose murmurer. Et dans ce murmure, il y a de la lumière, celle qui reste avec vous, comme le dernier scintillement d'un arc-en-ciel après la tempête.
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Synopsis :
En 2075, une fillette de 10 ans nommée Iris voit un mystérieux garçon vêtu d'un costume arc-en-ciel tomber du ciel. Il s'appelle Arco. Il vient d'un futur lointain et idyllique où le voyage dans le temps est possible. Iris l'accueille chez elle et fait tout son possible pour l'aider à rentrer chez lui.
Arco
Réalisé par Ugo Bienvenu
Écrit par Ugo Bienvenu, Félix de Givry
Produit par Ugo Bienvenu, Félix de Givry Sophie Mas, Natalie Portman
Avec Swann Arlaud, Alma Jodorowsky, Margot Ringard Oldra, Oscar Tresanini, Vincent Macaigne, Louis Garrel, William Lebghil, Oxmo Puccino
Photographie :
Montage : Nathan Jacquard
Musique : Arnaud Toulon
Sociétés de production : Remembers, Mountain A
Distribution : Diaphana Distribution (France), NEON (États-Unis)
Dates de sortie : 22 octobre 2025 (France), 14 novembre 2025 (États-Unis)
Durée : 82 minutes
Photos et vidéo : Boris Colletier / Mulderville