La 51e édition du Festival du cinéma américain de Deauville restera dans les mémoires comme l'année où Kristen Stewart a marqué un tournant dans sa carrière artistique, passant du statut d'actrice emblématique à celui de réalisatrice débutante avec une audace que peu avaient anticipée, mais que beaucoup ont saluée. Connue dans le monde entier depuis son adolescence pour la saga Twilight, Kristen Stewart s'est depuis longtemps affranchie de cette étiquette en suivant un parcours imprévisible dans le cinéma d'auteur, travaillant avec des réalisateurs aussi divers que Woody Allen, Kelly Reichardt, Pablo Larraín et David Cronenberg, avant de trouver un véritable ancrage dans le cinéma français grâce à Olivier Assayas. Cette année, elle est revenue à Deauville avec La Chronologie de l'eau, une adaptation des mémoires de Lidia Yuknavitch, qui a suffisamment impressionné le jury pour lui valoir le Prix Révélation. Cette récompense, bien que prestigieuse, semble presque secondaire par rapport à l'impression laissée par sa présence : une cinéaste en devenir, qui n'a pas peur de prendre des risques et qui s'appuie sur son instinct pour donner forme à un récit profondément personnel. Son arrivée à Deauville n'était pas une simple étape dans le circuit des festivals, mais une sorte de retour aux sources, car elle a elle-même insisté pour être présente, faisant écho à l'affection qu'elle avait ressentie lorsqu'elle avait été honorée par le festival en 2019.
Le point culminant de son séjour n'a pas été seulement la présentation de son premier film, mais aussi la carte blanche qui a suivi, une rencontre rare et intime entre une cinéphile et son public. Le 13 septembre, Kristen Stewart est entrée dans une salle comble où chaque siège était occupé, l'anticipation palpable, et s'est jointe à la journaliste Lily Bloom pour parler des films français qui ont façonné son parcours. L'événement, initialement prévu pour une durée plus restreinte, a rapidement débordé, car l'actrice devenue réalisatrice, animée par la passion, a refusé d'abréger ses réflexions. Pendant plus de quatre-vingt-dix minutes, elle s'est exprimée avec franchise et vulnérabilité, décrivant ses choix non pas comme des choix académiques, mais comme des révélations personnelles, des miroirs dans lesquels elle reconnaissait des fragments d'elle-même. Loin d'être passif, le public s'est penché sur chaque mot, savourant sa sincérité, et même lorsque deux titres ont été laissés de côté en raison du temps, personne ne semblait s'en soucier. C'est l'énergie de la conversation elle-même, son caractère brut et instinctif, qui a donné toute sa force à cette rencontre.
Ses propos sur Les Amants du Pont-Neuf de Leos Carax illustraient parfaitement ce lien instinctif. Elle se souvenait avoir été fascinée par Juliette Binoche et Denis Lavant courant et s'affrontant avec toute la force d'un amour désespéré. Pour elle, ces personnages incarnaient l'impossibilité de contrôler la liberté d'autrui, une prise de conscience qui résonne chez tous ceux qui ont aimé trop passionnément. « Les sentiments sont comme des feux d'artifice, expliquait-elle, ils explosent, au-delà des mots. » Cette intensité, admettait-elle, est ce qui continue de l'attirer vers le cinéma français, où la sensibilité est exacerbée, l'intimité amplifiée et les émotions laissées libres de s'exprimer plutôt que soigneusement contenues. La façon dont elle le décrit ressemble moins à une leçon de cinéma qu'à une confession, comme si le cinéma qu'elle chérit était celui qui lui permettait de respirer et d'exister sans compromis.
Son identité de cinéphile se révèle davantage à travers sa fascination pour les adaptations, un thème qui reflète directement son propre choix d'adapter La Chronologie de l'eau. En parlant de Une vraie jeune fille de Catherine Breillat, elle a souligné son importance en tant que film sur les turbulences de l'adolescence, décrivant comment il lui est venu à l'esprit au moment opportun, alors que ses propres idées sur le cinéma étaient en pleine effervescence. Elle a évoqué la façon dont certains films arrivent sans qu'on les ait sollicités, « le bon livre, le bon son, le bon film, au bon moment », et comment de telles rencontres peuvent multiplier la créativité. Son admiration pour La Pianiste de Michael Haneke, adapté d'Elfriede Jelinek, allait encore plus loin : elle a relu le roman après avoir vu le film, s'émerveillant de la façon dont Haneke avait osé dépouiller le roman de son torrent de mots et tout confier au silence et à la présence d'Isabelle Huppert. Dans ce silence, elle a trouvé une forme de vérité, une leçon d'adaptation qu'elle a clairement transposée dans son propre travail. Ces réflexions ont brossé le portrait d'une artiste non seulement inspirée par le cinéma, mais aussi en dialogue constant avec la littérature, une « obsédée des mots » qui trouve dans l'adaptation l'espace parfait entre le texte et l'image.
Toutes ses remarques n'étaient pas analytiques, ce qui les rendait d'autant plus convaincantes. À propos de La Double Vie de Véronique de Krzysztof Kieślowski, elle a admis être incapable d'expliquer son impact, affirmant qu'il s'agissait d'un film « que l'on ressent plus qu'on ne l'explique ». La franchise de cet aveu a révélé quelque chose d'essentiel à propos de Kristen Stewart : sa relation avec le cinéma est viscérale plutôt qu'intellectuelle, fondée sur la sensation plutôt que sur l'interprétation. Cet instinct était également au cœur de sa réaction émotionnelle à Hiroshima mon amour d'Alain Resnais, adapté de Marguerite Duras, qu'elle a qualifié d'« expérimental dans le meilleur sens du terme ». Pour elle, la réflexion du film sur la mémoire, la culpabilité et l'oubli ne pouvait être plus pertinente aujourd'hui, dans un monde marqué par les guerres et les atrocités. «
L'oubli, insistait-elle, est quelque chose de violent. La mémoire doit prendre le contre-pied. » Ces mots, prononcés sans théâtralité, ont résonné dans la salle avec une résonance qui transcendait le cinéma lui-même. Sa sélection comprenait également Ascenseur pour l'échafaud de Louis Malle et La Baie des anges de Jacques Demy, rappelant que son amour du cinéma français dépasse une époque ou un style. Mais le nom qui revenait sans cesse était celui d'Olivier Assayas, le cinéaste qui l'a initiée à cette culture cinématographique et avec lequel elle a tissé un lien authentique, de Sils Maria à Personal Shopper, en passant par un petit rôle dans Irma Vep. Cette relation lui a non seulement ouvert des opportunités professionnelles, mais lui a également conféré une légitimité dans la sphère culturelle française, qui a culminé avec son César de la meilleure actrice dans un second rôle en 2015. Il est rare qu'une Américaine reçoive une telle reconnaissance ; pour Kristen Stewart, cela était également symbolique, signifiant qu'elle avait franchi une frontière où son travail n'était plus vu à travers le prisme de la célébrité hollywoodienne, mais comme faisant partie d'un débat artistique plus large.
La directrice du festival, Aude Hesbert, a rappelé au public que Kristen Stewart avait personnellement insisté pour revenir à Deauville cette année, un geste d'affection pour la ville et le festival où elle avait déjà été honorée. Ce sentiment de continuité était palpable tout au long de la semaine : sa séance de questions-réponses après la projection de The Chronology of Water, l'intimité de sa carte blanche et son ouverture d'esprit avec le public témoignaient tous de son désir non pas de donner des leçons, mais de partager. De nombreux festivaliers ont souligné son authenticité, notant à quel point elle s'était éloignée de l'image d'une célébrité réticente pour devenir une femme qui s'exprime avec clarté sur son art. Comme l'a murmuré quelqu'un en quittant la salle, « Nous attendons avec impatience son deuxième film », un sentiment qui semblait refléter l'humeur collective du festival.
Le jury officiel, présidé par Golshifteh Farahani et composé de Thomas Cailley, Eye Haïdara, Katell Quillévéré, Philippine Leroy-Beaulieu, Vincent Macaigne, Benjamin Millepied et Emilie Tronche, a décerné le Prix Révélation à The Chronology of Water, scellant ainsi la place du film dans l'histoire de cette édition. Mais au-delà des récompenses et de la cérémonie de clôture, l'impression durable laissée par Deauville 2025 sera l'authenticité et la générosité de Kristen Stewart. Avec son premier film, elle s'est imposée comme une réalisatrice à suivre de près ; avec sa carte blanche, elle s'est révélée comme une cinéphile d'une rare sincérité, quelqu'un qui considère le cinéma non pas comme une évasion, mais comme un miroir, un dialogue et un moyen de donner un sens au monde. On se souviendra moins de cette édition pour ses trophées que pour le sentiment qu'une nouvelle ère a commencé à Deauville : une cinéaste est née, et en partageant son cinéma français, Kristen Stewart s'est également dévoilée.
Photos et vidéo : Boris Colletier / Mulderville